Le CSA se prononce sur le jeu Tahiti Quest en raison de la présence d'enfants en compétition


Le jeu de téléréalité familial Tahiti Quest est tourné sur l'île de Moorea.
PAPEETE, le 3 octobre 2014. En mai dernier, le collectif Enjeux e-médias saisissait le Conseil supérieur de l'audiovisuel à propos de l'émission de télé réalité Tahiti Quest, diffusée sur la chaîne Gulli et dont les épisodes sont tournés à Moorea. Le collectif s'inquiétait de voir que la télé réalité s'adressait non seulement directement aux enfants et à leurs familles mais les faisait également participer à ce genre de programmes. Dans son courrier, le collectif Enjeux e-médias expliquait : "L’émission a été désignée assez unanimement dans la presse comme un «Koh Lanta familial (Télérama, Ozap.tv, Purepeople, Yahoo, Le Figaro, Téléstar…). Le choix de la référence à Koh Lanta pourrait surprendre tant le parrainage d’une émission pour enfants par une émission suspendue l’an dernier suite à la mort d’un des participants au premier jour du tournage et le suicide du médecin de l’émission aurait pu paraître choquant. La convention signée entre Gulli et le CSA l’incite à «favoriser le lien entre les générations», la diffusion d’un jeu auquel participent parents et enfants s’inscrit dans ce projet. Mais le choix du genre téléréalité pour y répondre ne semble pas compatible avec les missions d’une chaîne jeunesse, qui, pour le moment, est la chaîne jeunesse de référence, la seule chaîne jeunesse gratuite de la TNT". La critique portait également sur l'esprit de compétition mis en avant dans cette émission et mettant aux prises des enfants qui ne sont pas du même âgé : "L’émission respecte en effet les codes de la téléréalité. Le jeu est un affrontement qui repose sur la mise en compétition de chacun pris individuellement et des familles les unes contre les autres. Ainsi des enfants sont amenés à s’affronter même si les écarts d’âge entre eux sont grands".

Pour argumenter son propos, le collectif Enjeux e-médias avait fait mener une expertise psychologique de l’émission, par onze experts, psychologues, pédopsychiatres, spécialistes de l’enfance, intitulée "des enfants exposés". L’essentiel de l’expertise a porté sur les risques que la participation à l’émission peut faire courir aux jeunes participants. "Ces jeux de téléréalité reposent par principe sur la confusion entre réalité et fiction, jeu et réalité. Les adultes participants semblent le plus souvent pris au piège de cette confusion…mais ils sont adultes, donc librement consentants. En revanche, cette liberté de consentement est absente chez l’enfant, qui par ailleurs n’acquiert la distinction entre réalité et virtualité que très progressivement, vers les 12 ans chez l’enfant bien portant. Cette émission place de plus les enfants dans des situations éprouvantes et oppressantes, confrontés à la pression des adultes, de leurs parents, des caméras, de la médiatisation (...) L’échec est dévalorisé, perçu comme une faiblesse, voire comme de la lâcheté (...) Les enfants sont filmés dans leur intimité (réveil, petit-déjeuner, moment de découragement), trahis par leur spontanéité, sans avoir conscience de la portée de ces images. Leurs faiblesses sont exploitées. Ils peuvent en être fragilisés".

L'analyse du CSA à propos de l'émission Tahiti Quest est nettement plus positive. "Au vu du visionnage du programme et des explications fournies par la chaîne, il semble que les participants aient bénéficié lors du tournage d’un confort suffisant pour leur habitat et leur alimentation, ainsi que de périodes de repos significatives et, qu’en outre, les jeux proposés étaient adaptés à l’âge des participants. De plus, un médecin était présent tout au long du tournage. Le Conseil considère aussi que l’article 2-3-5 de la convention de Gulli, qui lui interdit de «diffuser des émissions de jeu impliquant un enregistrement sur une longue durée des faits, des gestes et propos des participants», a été respecté, le tournage n’ayant pas excédé dix jours pour les finalistes et ayant été organisé par phases d’enregistrement courtes et espacées". Bref pour le CSA qui a rendu sa décision publique le 17 septembre dernier, la polémique n'existe pas.

Il n'y a donc pas de risque que la saison 2 de Tahiti Quest ne soit pas enregistrée (le casting pour recruter les cinq familles en compétition a déjà eu lieu). On sait déjà que Benjamin Castaldi animera de nouveau l'émission et que le tournage, d'une durée de deux semaines, aura de nouveau lieu sur l’île de Moorea. Il est annoncé, en plus des six épisodes hebdomadaires, qu'une diffusion d'une quotidienne au format de 5 minutes environ fera son apparition dans cette nouvelle saison, 25 numéros sont prévus pour une diffusion en 2015. L'an dernier la saison 1 de Tahiti Quest a réuni entre 660 et 863 000 téléspectateurs lors des cinq épisodes diffusés entre mi février et mi mars.
Le Collectif Enjeux e-médias a été créé en novembre 2012 lors du Salon de l'Education de Paris par trois mouvements laïques d'éducation populaire (Ligue de l'enseignement, les Céméas, les Francas) et de la Fédération de parents d'élèves (FCPE). Les objectifs de ce collectif sont de défendre le droit des citoyens à une information de qualité, pluraliste et indépendante; de construire les bases d’un débat sur les moyens de co-régulation et régulation des médias, avec l’ensemble des partenaires de la société civile, des Pouvoirs publics et des industries de contenu ; de promouvoir l’éducation aux médias, à l’information et au numérique, pour tous les enfants et les jeunes, et tout au long de la vie etc.

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 3 Octobre 2014 à 14:09 | Lu 5173 fois