Le CESC s'exprime sur la vente de boissons alcoolisées ou non


Le Président Jean Tama a réuni le jeudi 6 septembre les membres du Conseil économique, social et culturel en session plénière pour rendre l’avis de l’institution sur un projet de « loi du pays » portant modification de la règlementation du commerce des boissons. Cette réglementation en vigueur datant du 4 septembre 1959.
Trois objectifs principaux sont poursuivis au travers du projet de texte soumis à la consultation du Conseil économique, social et culturel :
- simplifier la classification des licences et la procédure administrative en matière de délivrance de licence et de vente de boissons hygiéniques ;
- durcir la réglementation sur la vente de boissons alcoolisées réfrigérées et la vente d’alcool dans les stations-service en vue de lutter contre l’alcoolémie au volant ;
- revaloriser les tarifs des droits de licence ;
Et enfin, un objectif de mise à jour de dispositions diverses.

Le commerce de boissons alcoolisées soulève de vifs débats
qui divisent toutes les sociétés, et ce, principalement en raison des maux générés par l’abus d’alcool et notamment l’alcoolisme au volant. Largement présent dans les usages de la société polynésienne, l’alcool est censé procurer du plaisir et favoriser la convivialité. Toutefois, l’alcool n’est pas un bien de consommation ordinaire et sa consommation engendre de nombreux problèmes sociaux et de santé.
Entre liberté individuelle et enjeux de santé publique, il convient de trouver un juste équilibre.

Sur le plan fiscal, le commerce de boissons alcoolisées figure parmi les activités les plus taxées en Polynésie française
, preuve qu’il constitue une assiette fiscale non négligeable pour la puissance publique. C’est ainsi qu’on ne dénombre pas moins de 15 impôts et taxes applicables aux boissons alcoolisées, générant une recette annuelle globale de 7 milliards FCFP, sur une projection totale des recettes de fonctionnement annuelles du Pays de 103 milliards FCFP en 2012. Sur cette enveloppe de 7 milliards FCFP, près de 5 milliards FCFP sont affectés au Régime de solidarité de Polynésie française et environ 38 millions FCFP aux communes et à la Chambre du commerce, de l’industrie, des services et des métiers (CCISM).
Le reliquat, soit 2 milliards FCFP, demeure dans le budget général du Pays. Le produit de la taxe sur les licences de boissons représente environ 40 millions FCFP par an.

Des mesures de simplification de bon sens

Au travers de ses travaux antérieurs, le CESC a toujours approuvé toutes mesures contribuant à la simplification des régimes juridiques et des procédures administratives.
Le projet de « loi du pays » prévoit d’une part la réduction du nombre de classes de licence en supprimant notamment les licences spécifiques à la vente de bière légère, et d’autre part l’assouplissement des procédures pour les licences attachées à l’exploitation d’un hôtel, d’un restaurant, ou d’une discothèque. En outre, certains documents constitutifs de la demande de licence ne sont plus réclamées. Cette simplification des formalités génère une économie de temps et de coût tant pour l’usager que pour l’administration. Le CESC y souscrit bien évidemment.

Un durcissement de la règlementation en matière de vente d’alcool

Deux mesures d’interdiction ont été introduites dans le projet de texte : la vente à emporter de boissons alcoolisées réfrigérées à des horaires fixés par le conseil des ministres et la vente d’alcool dans les stations-service. Le CESC regrette l’absence de chiffres démontrant incontestablement le lien de causalité entre le phénomène d’achat d’alcool réfrigéré consommé à la sortie des commerces et les accidents de la route liés à l’alcoolémie. Les interdictions envisagées ne sont valables que pour autant qu’elles soient intégrées dans un vaste programme de santé publique destiné à la lutte contre les méfaits de l’alcool. Le CESC préconise donc l’accentuation des mesures de contrôle de l’alcoolémie «sur les routes» et préconise aussi le développement de dispositif d’éthylotest anti-démarrage (EAD) pour les professionnels du transport et pour les personnes ayant déjà été poursuivies pour un délit de conduite sous l’empire de l’alcool, comme c’est déjà le cas dans de nombreux États. A ce titre, il propose la mise en place de moyens de transport en commun (navettes) à des horaires adaptés. Il recommande également une action plus efficace et concertée des forces de l’ordre pour assurer la sécurité et la tranquillité publiques. Le Conseil préconise enfin que des campagnes de prévention et de sensibilisation soient intensifiées afin d’éduquer les générations futures et toucher les publics vulnérables (les jeunes en particulier).

Un volet fiscal non maîtrisé

L’auteur du texte part du principe que l’indice du coût de la vie ayant évolué de 23% depuis 1997 (dernière date à laquelle les tarifs de licences ont été revalorisés), il convient d’augmenter les tarifs de licences de boissons de 20% sur trois ans, suivant deux zones géographiques redéfinies en fonction de leur fréquentation touristique et de leur nombre d’habitants.
Le CESC rappelle que la Polynésie française est installée depuis plusieurs années dans une crise économique et sociale profonde et qu’elle connaît conséquemment des recettes fiscales en berne. Le Conseil gage que l’augmentation projetée aura un impact économique et psychologique négatif sur le secteur d’activité concerné, déjà en grande souffrance. Le consommateur en subira également les conséquences car elle sera automatiquement répercutée sur le prix de vente de l’alcool. Une forte augmentation des taxes a influé sur le prix de vente des alcools qui a crû de 40% en 10 ans. En conséquence, le CESC enjoint le gouvernement à retirer de son projet de texte la revalorisation des licences, par tarif et par zone géographique.

En conclusion, le CESC est favorable :
- aux mesures administratives portant assouplissement des régimes juridiques et des procédures administratives. Facilitatrices, elles participent à la réorganisation de l’administration ;
- aux mesures de durcissement de la réglementation applicable à la vente de boissons alcoolisées à condition qu’elles soient insérées dans un véritable programme de santé publique ;
- à l’interdiction « de vendre à emporter des boissons alcooliques réfrigérées ou des boissons d’alimentation réfrigérées aux heures fixées par arrêté pris en conseil des ministres » ;
- et, à l’interdiction de vente de boissons alcooliques et d’alimentation dans les stations-service.
Le CESC est défavorable :
- à l’augmentation des prix des licences de boissons. Une augmentation de la pression fiscale, aussi infime soit-elle, est une augmentation de trop.
L’avis rendu a été adopté par 21 voix pour, 1 voix contre et 15 abstentions.


Rédigé par () le Vendredi 7 Septembre 2012 à 15:36 | Lu 1304 fois