Le CESC dit "oui mais" aux casinos en Polynésie


PAPEETE, mardi 28 mai 2013 - Le Conseil économique social et culturel (CESC) a adopté en séance plénière dans la matinée ce mardi un rapport favorable à l’implantation de casinos en Polynésie Française.

L’étude, préparée sur la base d’une auto-saisine par la commission "Economie" de la 4e institution du Pays, a été validée par 27 voix pour. Cinq conseillers ont voté contre et six se sont abstenus.

Ce rapport, intitulé "L’implantation de jeux de casino en Polynésie française : quels impacts, économique et social?" analyse la fonction économique jouée par les casinos en France, dans les collectivités locales où ils sont implantés, et en Nouvelle-Calédonie.

L’industrie du jeu est présentée comme une nouvelle offre en matière de divertissement et de tourisme, susceptible de créer des emplois et de générer des recettes fiscales.

Mais dans son rapport, l'institution suggère aussi aux autorités de préparer le terrain avant la délivrance d'un premier agrément. Notamment par la création d'un dispositif réglementaire et fiscal ad-hoc et par la mise en œuvre "de mesures de protection par l'ensemble des opérateurs de jeux" pour éviter les dérives liées au phénomène de dépendance.

"Enfin, l'implantation d'un casino ne mettra pas fin aux offres illégales de jeux de hasard", conclut le rapport adopté par le CESC, qui "appelle de ses vœux l'Etat pour un renforcement des sanctions pénales infligées aux tenanciers (...) de jeux illégaux"

"Aue !", a soupiré le représentant du CESC, Ronald Terorotuta, estimant que le rapport soumis aux conseillers était un plaidoyer tendancieux en faveur des casinos. Il cite : "Je lis en page 40 : « la question n'est pas de savoir s'il faut faire un casino aujourd'hui, la question est de savoir si nous avons encore le luxe de pouvoir dire non »", évoquant les propos d’un professionnel du tourisme relatés dans le rapport. "A-t-on fait sondage pour connaître l’avis de la population ? En Nouvelle-Calédonie, il n’y a que des Kanaks et des Tahitiens qui jouent au casino. A-t-on le luxe de dire non ? Je dis oui ! Je voterai contre ce projet".

Tendancieux, le rapport ? Michel Cerdini, l’un des initiateurs de l’auto-saisine, fin 2012, trouve que la ruade du syndicaliste ne rend pas justice au document de 60 pages qui a été présenté : "Nous avons consacré le tiers de ce rapport et la moitié de nos conclusions à mettre en garde contre le problème majeur qu’est l’addiction au jeu". En effet, l’étude met en garde contre ce phénomène et suggère une vigilance accrue des autorités et "l’application de mesures de protection".

"Une espèce à protéger"

Le rapport suppose également que sur la base du taux de 0,4% de la population "constaté ailleurs", c'est-à-dire moins d’une personne sur 200 susceptible de devenir joueur maladif, "ce taux est probablement déjà une réalité en Polynésie, avec ou sans la présence de casino". Et ce n’est certes pas l’offre de jeux de hasard qui manque sur le fenua, entre le Kikiri, les paris sur les combats de coqs, les salles de jeux clandestines et autres tables de poker amicales, ou encore les paris sportifs, sans parler de l’offre légale proposée par la Polynésienne des jeux.

Mais les opposants au projet sont farouches : "Il n’y a rien à faire : les petits Tahitiens vont se ruiner dans ces établissements", estime Mahinui Temarii. Je sais de quoi je parle : depuis tout petits, ils aiment le jeu. Quand ils commencent à jouer, ils n’arrêtent plus. Quand ils gagnent, ça va ; quand ils perdent, ils vendent leurs terres".

Et puis le syndicaliste redoute que sur les 72 000 ressortissants du RSPF, le régime de solidarité polynésien, bon nombre aillent dépenser en jeu l’argent qui leur vient des cotisations prélevées sur le salaire des honnêtes travailleurs : "Qu’est-ce qui nous garantit que cet argent ne sera pas dépensé au casino ?". "Rien", lui répond le rapporteur Jean-François Wiart. "Tout comme rien ne vous garantit qu’ils ne jouent pas déjà régulièrement cet argent au Loto ou ailleurs".

Après avoir pointé au ciel un doigt agacé pour demander la parole, Atonia Teriinohorai interpelle ses pairs : "Je crois qu’il faut arrêter d’infantiliser nos semblables : à vous écouter, on dirait que le Polynésien est une espèce à protéger !"

Puis la parole est donnée à Georges Mataoa. Il dénonce des prises de position hypocrites : "Lorsque les Polynésiens se déplacent en Amérique, 80% vont à Las Vegas, pour jouer (…)". Pico Yan Tu ajoute : "Ronald (Terorotua, ndlr) c’est un malin, il veut pas de casino à Tahiti, mais quand il va à Nouméa, il va jouer !", et l’assemblée plénière d’éclater de rire. "Soyons honnêtes avec nous-mêmes, mea ma : avançons, haere i mua".

Le texte sera finalement adopté avec une forte majorité, au terme d'un vote à main levée. Ce rapport du CESC, favorable sous réserves à l'implantation des casinos en Polynésie, va maintenant être transmis aux autorités de l’Etat et du Pays.

Il exprime l’avis de l’assemblée consultative et répond à une demande exprimée par les Etats généraux en 2009, au sujet d'une position de la société civile sur cette question.

La balle est maintenant dans le camp du Pays, qui a toute latitude de s’en saisir ou non.

CESC- Rapport - Casino - 20130522.pdf  (666.31 Ko)



Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 28 Mai 2013 à 14:36 | Lu 3096 fois