Le CESC approuve le projet de charte de l'éducation, mais rejette le projet de loi organique


La Présidente du CESC a convié l’ensemble des membres à une session plénière pour adopter deux avis portant sur :
- le projet de « loi du pays » approuvant la charte de l’éducation ;
- un projet de loi organique relatif à l’amélioration du fonctionnement des institutions en Polynésie française.
Plus d’une trentaine de membres ont répondu à l’invitation de leur présidente.

1-Projet de « loi du pays » approuvant la charte de l’éducation

La loi organique donne compétence à la Polynésie française pour définir sa politique éducative. Au regard de ses compétences, le Pays a adopté en 1992 une charte de l’éducation, plus ou moins appliquée. Celle-ci n’a subie aucune réforme dans sa forme depuis 1992.
Au regard de la situation d’échec scolaire avéré, les résultats du bilan de la précédente charte sont largement insuffisants, plus en raison de son application lacunaire que de sa qualité.
Trois objectifs sont définis par le projet de charte : « Une école ouverte », « Une école performante » et « Une école pour tous ». Il comprend notamment une partie relative au pilotage de l’école.
Perfectible sur la forme, le projet de « loi du pays » auquel est annexé le projet de charte, semble pleinement satisfaire le Conseil sur le fond.
Ainsi, au titre de ses recommandations, on retiendra plus particulièrement :
- que le CESC est favorable à l’enseignement obligatoire des langues polynésiennes dès le début de la scolarité jusqu’à la fin du secondaire, ainsi qu’à une augmentation du volume d’heures enseignées en primaire (5 heures au lieu de 2h40). Pour atteindre cet objectif, la formation initiale d’un plus grand nombre de professeurs compétents dans l’enseignement de ces langues est nécessaire ;
- que pour élever le niveau de qualification des étudiants, il lui apparaît utile de créer un plus grand nombre de classes post-bac, technologiques et professionnelles ;
- que pour assurer la qualité de l’enseignement, il conviendrait que les futurs professeurs d’école formés à l’IUFM effectuent un stage pédagogique rémunéré d'une année à l'issue de leur formation universitaire. Et ce, afin de pallier à l’absence de pratique qu’offrait l’École normale appelée à disparaître.
De nombreux responsables de l’éducation ont participé à la séance : au premier plan, monsieur Jean-Claude CIRIONI, vice-recteur de la Polynésie française (à gauche) et monsieur Christian MORHAIN, directeur de la DEP (à droite).

Les orientations fixées par la charte et déclinées en actions dans une annexe ne seraient qu’un recueil de bonnes intentions si elles n’étaient pas accompagnées d’évaluations. La rubrique « Le pilotage de l’école » est novatrice en ce qu’elle s’inscrit dans une démarche de performance et d’évaluation de cette performance.
L’absence de planification et d’orientations, régulièrement reprochée au Gouvernement par le CESC, est ici contredite par ce projet de charte qui constitue un document d’orientation indispensable.
Néanmoins, si les intentions sont bonnes, la mise en œuvre de la charte dépendra des moyens affectés pour les atteindre, tant sur le plan budgétaire que sur le plan qualitatif, que ce soit en terme de formation initiale et continue des professeurs ou de calendrier scolaire.
Ces moyens devront s’accompagner d’une politique de communication efficace, de manière à ne pas tomber dans les travers qu'a connu la charte de 1992 : la réussite de la nouvelle charte dépendra de l’adhésion totale du corps enseignant et des familles.
L’instabilité politique chronique en Polynésie fait craindre au CESC un manque de suivi en ce domaine. Le CESC appelle donc les gouvernements actuels et futurs à poursuivre cet effort et à le transformer en réalité concrète.
Au projet de texte qui lui est soumis, le CESC émet un avis favorable adopté à l’unanimité des 32 membres présents.

2-projet de loi organique relatif à l’amélioration du fonctionnement des institutions en Polynésie française

Depuis plusieurs mois, le CESC mène une large réflexion sur la « reconversion de l’économie polynésienne, la réforme de la fiscalité, la sortie de crise et le renouvellement du contrat social ». Ce faisant, il est particulièrement conscient que la Polynésie française ne peut aller de l’avant dans un contexte politique à ce point instable.
Les tentatives pour garantir la stabilité des institutions ont jusqu’ici échoué, qu’il s’agisse de la prime majoritaire de 2004 (qui a produit l’effet inverse de celui recherché) ou de son abandon en 2007 (assorti de quelques autres dispositions, dont la motion de défiance constructive qui a remplacé la motion de censure).
Cette instabilité, qui s’installe dans la durée, prive le Pays de décideurs au pire moment et dans le pire contexte. Or, les dispositions de la Loi Organique statutaire qui organisent le fonctionnement des institutions (statut de 2004 et modifications introduites en 2007) ont jusqu’ici prouvé leur inefficacité.
Le projet du gouvernement de la République affiche deux objectifs : permettre la constitution d’une majorité stable et rationaliser les relations entre l’exécutif et l’assemblée.
Sur chacune des dispositions de la Loi que le projet propose de modifier, le CESC fait les observations suivantes, notamment,
s’agissant de la stabilité des institutions, il retient :
- qu’il y a débat sur la question de savoir s’il faut opter pour un mode de scrutin du type des régionales (circonscription unique et découpage en sections) ou pour le mode de scrutin proposé (il ne mesure pas bien les implications de chaque option et les contraintes qui pèsent sur elles) ;
- que la stabilité accordée au président de l’assemblée peut, à la faveur de dissensions entre les partis, conduire au blocage des institutions ;
- que la limitation à deux mandats du président et du vice-président, qui n’est pas un gage de stabilité, présente néanmoins l’avantage de favoriser le renouvellement des dirigeants ;
- que, dans l’exposé des motifs, cette règle fait référence à 10 ans, alors même que le mandat du président ne dure que ce que dure la majorité qui le soutient (dans la limite du mandat de l’assemblée : 5 années au plus) ;
- que la notion de « mandat » du vice-président (nommé et révoqué par le président) peut être regardée comme un abus de langage ;
- que le projet vise à réduire la représentation de la population à deux, voire trois partis (comme l’a confirmé Monsieur le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, invité par la commission saisie pour avis).
S'agissant de la rationalisation des dépenses des institutions, il retient :
- que la réduction à 7 du nombre des ministres (plus le président et le vice-président), mesure qui peut paraître séduisante a priori, tend à réduire la portée même de l’autonomie consacrée par l’article 1er, alinéa 3 de la Loi Organique statutaire (« La Polynésie française se gouverne librement… ») ;
- que, concernant le CESC, la réduction (de 51 à 43) du nombre de ses membres est excessive et l’objectif affiché de rationalisation des dépenses contesté : modeste (96 millions xpf en 2011), le budget de cette institution est bien maîtrisé (voir annexe).


Entre avis favorable et avis défavorable, les membres étaient relativement partagés

S'agissant de la composition du CESC, il retient :
- que le projet d’assurer la représentation des archipels en tant que tels (une mauvaise alternative au conseil des archipels que l’on ne souhaite pas mettre en place) est contestable et qu’il y a contradiction entre l’exposé des motifs et l’écriture de la Loi : le premier prévoit un 4ème collège (des archipels), tandis que la Loi est muette sur ce point (ce qui n’est que logique puisqu’il revient à l’assemblée de Polynésie française d’arrêter, par délibération, la composition du CESC).
Il est proposé :
- que soit fixé, en vue de garantir une plus grande flexibilité dans la constitution des cabinets du gouvernement (incluant la présidence et la vice-présidence), un nombre maximum de collaborateurs plutôt qu'un effectif maximum de 15 par ministre, à charge pour le président de les répartir en fonction de l'étendue des portefeuilles ;
- que le nombre des conseillers au CESC soit maintenu à 51, dans sa composition socioéconomique actuelle (sans critère d’appartenance géographique), laquelle inclut déjà des représentants des archipels éloignés ;
- qu’à chaque fois qu’il y a lieu dans la Loi, « le plus jeune » soit préféré au « plus âgé ».
Il regrette :
- que la volonté de rationaliser les dépenses des institutions épargne l’assemblée de la Polynésie française (modération budgétaire : révision à la baisse du régime indemnitaire des élus, limitation du budget collaborateurs) ;
- que la question de la réduction des pouvoirs économiques du président ne soit pas abordée (pour lui préférer des décisions collégiales) ;
- qu’aucune conséquence ne soit tirée de l’imbroglio juridique actuel autour de l’adoption du budget (article 157-2 de la LO).
Le projet de Loi Organique sur lequel le CESC est appelé à se prononcer est peu susceptible de contribuer à l’amélioration du fonctionnement des institutions, puisque cela tient plus aux hommes qu’aux textes.
Éthique, probité, respect de la parole donnée, conception de projets auxquels on se tient et courage sont autant de vertus et de bonnes pratiques insuffisamment partagées que la Loi ne saurait en effet imposer.
Pour les raisons évoquées ci-avant, le CESC a rendu un avis défavorable adopté par 19 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.
Conscient que l’avis et les observations qu’il vient d’adopter sont rendus postérieurement à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française, le CESC fait remarquer, qu’outre les institutions du Pays, il les transmettra également au Ministre de l’Outre-mer. Il y a lieu de préciser que les dispositions définitives seront prises à Paris par les instances du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Rédigé par Communiqué du CESC le Jeudi 14 Avril 2011 à 16:38 | Lu 973 fois