Laurent Degache, itinéraire d’un passionné


TAHITI, le 7 décembre 2022 - Le chanteur, auteur et compositeur Laurent Degache a déjà signé de nombreux albums. Après avoir passé 10 années en Nouvelle-Calédonie puis s’être installé en France, il était récemment à Tahiti pour enregistrer le clip de sa nouvelle chanson, A Ti’a I Ni’a.

Voilà 35 ans qu’il compose, écrit, chante et il n’a pas dit son dernier mot. Laurent Degache prépare deux nouveaux albums. Il réside en France mais est venu tourner en Polynésie un clip pour illustrer sa chanson A Ti’a I Ni’a (Levez-vous).

“Je voulais faire de la musique”

Laurent Degache se dit “Polynésien d’origine, de cœur, et souche”. Il est né à Sainte en France en 1973. Quelques années plus tard, en 1980, il est arrivé en Polynésie avec sa mère et son beau-père originaire de Faaite aux Tuamotu. La famille s’est installée à Punaauia puis a vécu plusieurs mois à Faaite, avant de revenir à Tahiti. C’est là que Laurent Degache est allé à l’école. “Je les ai toutes faites”, plaisante-t-il. “J’ai des dossiers partout.” Il n’est pas resté très longtemps assis sur les bancs de ces différents établissements scolaires. “Je voulais faire de la musique”, se rappelle-t-il. Son envie s’est exprimée très tôt. Il écoutait à l’époque Barthélémy, dont il était “fan”, les Tefafano Sisters, Taiti Nganahoa... Il reprenait les titres en vogue qu’il chantait chez lui. “Je crois que cela m’a permis de muscler ma voix.” Il aimait la musique locale tahitienne. Il a enregistré une première K7 à l’âge de 13 ans. Il a vite été repéré Julien Teremate qui tenait un studio d’enregistrement et produisait notamment les Tefafano Sisters.

Alors qu’il chantait chez lui, une amie de sa mère a souligné le fait que Laurent Degache parlait bien le tahitien, encourageant le jeune artiste à s’inscrire au concours À la découverte d’une étoile, organisé par Gabilou. C’était alors un événement très prisé qui rassemblait de nombreux chanteurs du territoire. Laurent Degache est allé à la rencontre de Gabilou en 1985/1986. Il reconnait avoir été intimidé. “Je me suis rendu chez lui pour passer l’audition.” Apparemment, Gabilou ne s’attendait pas à ce que le jeune candidat chante en tahitien. Et il a agréablement été surpris lorsque le jeune Laurent Degache a repris le titre Tamahine Purotu no Mahina de Barthélémy.

Petit à petit, le jeune artiste s’est fait une place sur la scène musicale polynésienne. Il a tissé des liens avec ceux qu’il écoutait petit, chez lui. La première fois qu’il a rencontré Barthélémy c’était à la sortie d’un studio : “Il était dehors. Je venais signer là où lui se trouvait déjà”. Océane Production, le label qui comptait déjà parmi ses artistes Bobby, Angélo, Barthélémy, Esther venait d’ajouter à sa liste un nouveau venu : Laurent Degache. “J’étais fan au début. Je les voyais comme des grands, des stars. Je suis devenu ami”, se souvient l’artiste en pensant particulièrement à Barthélémy, une personne qui a beaucoup compté pour lui et qui reste très présente dans sa vie, malgré sa disparition en février 2016.

“C’était mon ami, mon frère, mon modèle”

Début décembre, la mère de Barthélémy est décédée. “J’ai pu aller à la veillée, voir le cercueil de Barthélémy que l’on a sorti du caveau familial pour l’enterrement. Les liens ne se sont jamais défaits”, raconte Laurent Degache toujours ému à l’évocation du chanteur. Le duo a vécu ensemble chez Laurent Degache puis à l’hôtel, “comme des artistes. On habitait sous le même toit. On faisait la bringue. On allait acheter notre poisson et on cuisinait ensemble”. Il se souvient aussi que lorsque Barthélémy était contacté pour une proposition de tournée, un jeu s’installait entre eux : “Il l’annonçait en parlant fort pour que je l’entende. Le téléphone sonnait quelques minutes plus tard dans ma chambre pour faire la même tournée. Je répondais alors : ‘Moi aussi !’.” Laurent Degache, “le grand blanc” comme le désignait son ami avait “bien grandi”. Il a d’abord fait les premières parties des concerts des grands noms de la chanson tahitienne, avant de devenir lui aussi la tête d’affiche. Laurent Degache était en France lorsque Barthélémy est mort : “Je n’ai jamais autant pleuré, j’étais bouleversé, et cela a duré plusieurs mois. Il a laissé un grand vide. C’était mon ami, mon frère, mon modèle”. Il a suivi la cérémonie de l’enterrement à distance, en direct, demandé à ce qu’une guitare soit portée en terre. “J’ai pu voir cette guitare cette année”, rapporte Laurent Degache, et “poser ma main sur la boîte et lui dire que je pensais toujours à lui”. La douleur reste vive. “Il me disait : ‘Monte sur scène, montre ton talent, n’aie pas peur !’ Je continue de l’entendre.

Dix ans sur le Caillou

En 1990, Emma Terangi s’est envolée pour la Nouvelle-Calédonie pour un concert. “Le pays était à feu et à sang. C’était juste après les événements”, contextualise Laurent Degache. “Elle m’a emmené avec elle. J’avais 17 ans. J’ai dû demander une autorisation à ma mère !” Il s’agissait du premier concert organisé après les conflits. Laurent Degache a chanté, puis il a enregistré un album. Il a enchainé avec des tournées partout sur le Caillou : “On allait dans les tribus, dans des endroits où il n’y avait jamais eu de concert. Aujourd’hui encore je suis connu là-bas un peu partout.

Laurent Degache a vécu sur le Caillou pendant dix ans. Il espère y retourner pour une tournée en 2023. Il apprécie ce territoire pour la beauté de ses paysages mais aussi et surtout pour la richesse de ses habitants, le mélange des cultures. “J’aime la vie en tribu, le côté brousse. Les Caldoches sont de vrais cow-boys, ça me plaît.”

Avec sa femme, Laurent Degache est ensuite allé en France où il est resté pour prendre soin de son premier fils. Lequel mérite une attention médicale particulière. “J’ai mis ma carrière de côté pendant plusieurs années pour lui.” Il a repris les tournées en 2017 en sortant un album intitulé Tahaki. Le Covid a stoppé net ce nouveau souffle artistique pour Laurent Degache. “Pour certains la période a été propice à la création. Pour moi cela n’a pas été du tout le cas.” Il a repris petit à petit. S’est lancé dans l’écriture de deux nouveaux albums. Les chansons sont nées, elles sont en cours de développement. Il y a d’un côté un album reggae de 13 titres plutôt engagés ; et de l’autre un album de chansons polynésiennes sur lequel se trouvera notamment un titre d’un auteur wallisien : Logan Leleivai. “Il l’a écrite, nous la chantons ensemble.” Le travail en commun, les collaborations avec d’autres artistes sont déterminants pour définir Laurent Degache. Il a participé à un concert dans la salle parisienne de l’Élysée Montmartre en septembre pour les 30 ans de carrière du chanteur calédonien Flamengo. “Cela duré 3h30, il y avait Manu Baobab, Pierpoljack, les musiciens d’Alpha Blondy… Toute une équipe que j’espère bien faire venir en Polynésie un de ces jours !”

Inspiré par “tout ce qui ne va pas”

Laurent Degache a démarré en chantant l’amour, la bringue polynésienne. Ce qu’il fait toujours, mais plus seulement. “À 13 ans, je n’avais pas la même vision qu’aujourd’hui, j’étais moins rebelle. En grandissant, des choses m’ont interpellées, et j’en parle. Je suis malheureusement inspiré par tout ce qui ne va pas.” Il dit ne pas pouvoir rester silencieux face à “l’arrogance de certains politiques”. “Quand on regarde dans la rue, ce n’est pas très joli ! Je ne vais pas changer la planète mais je ne peux pas rester sans dire et ne chanter que le soleil.” Malgré la distance, l’artiste garde un œil sur son pays de cœur, il suit l’actualité, il regarde, analyse. “Il y a des causes qui m’importent vraiment”, insiste-t-il. Pour écrire ses chansons, il a fait des recherches, tenant à la justesse des dates comme par exemple pour le fait nucléaire. “Quand on touche à certains sujets il faut être précis. On ne peut pas seulement hurler dans tous les sens.” Il commence à lever le voile sur ses chansons, livrant pour l’instant le titre A Ti’a I Ni’a.

Au-delà des idées, des rythmes et mélodies, Laurent Degache avait un projet précis en tête. Il a fait confiance à MLK Prod pour la mise en image. “Et je n’ai pas été déçu”, affirme le chanteur après avoir visionné le clip : “C’est au-delà de mes attentes. J’espère que le public y décèlera l’amour et l’espérance derrière les dénonciations.” Le tournage du clip de la chansons A Ti’a I Ni’a a eu lieu à Moorea et à Tahiti fin novembre par MLK Prod. “Ma femme s’est occupée de tout à distance pour l’organisation, la prise de contacts : nous avons tourné dans son quartier.” Édouard Malakai de MLK Prod commente : “La chanson est engagée et tout l’enjeu était de trouver un équilibre subtil avec les images pour dire sans provoquer.” Il ajoute que Laurent Degache est l’un des rares artistes à dire les choses. Le clip sera bientôt mis en ligne. La sortie des albums est prévue en 2023.

Laurent Degache est aujourd’hui reparti pour la France. Il pourrait revenir pour une série de concerts, mais “tout dépendra de l’accueil du public”. Il dit que s’il revient, “c’est que ça aura bien marché !

Contacts

FB : Laurent Degache Officiel

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 7 Décembre 2022 à 17:57 | Lu 1172 fois