Langue tahitienne, un étonnant périple


TAHITI, le 20 décembre 2022 - Haere Pō publie un livre intitulé Le fabuleux voyage de la langue tahitienne de Jean-Claude Teriierooiterai. Ce sont 5 000 ans d’histoires et de migrations qui parlent à la fois de la vitalité de ses locuteurs et de la fragilité de ce qui fonde toute une culture.

Jean-Claude Teriierooiterai n’est plus. Il a disparu en 2020. Mais il laisse derrière lui un immense savoir accumulé. Docteur en linguistique et en anthropologie (2013), membre de l’Académie tahitienne (2014), meilleur auteur pour le groupe O’Tahiti e’ (grand prix du Heiva i Tahiti 2019), il a participé à la rédaction de différents ouvrages. Hare Pō publie cette fin d’année son Fabuleux voyage de la langue tahitienne.

Jacques Vernaudon, linguiste, en préface, affirme que l’ouvrage est "une œuvre considérable et importante". Il est le "témoignage de l’amour que Jean-Claude Teriierooiterai vouait à sa culture et à sa langue". Il parle d’histoire, celle des mots du tahitien depuis les confins de l’Asie du sud-est.

Il est découpé en quinze chapitres qui reviennent sur l’origine de la langue tahitienne, traitent de la culture matérielle, de l’environnement physique, de la faune et de la flore, mais aussi de la localisation dans l’espace et dans le temps, des mythes, des corps et des parures.

Un travail "indispensable"

Pour mener à bien ses travaux, Jean-Claude Teriierooiterai a fondé son travail étymologique sur deux sources principales, le lexique proto-océanien et le lexique proto-polynésien, approfondissant et complétant les analyses autour du tahitien, puisant dans "sa grande érudition et l’héritage culturel de ses prestigieux aïeux", dit Jacques Vernaudon. "Le mérite de Jean-Claude Teriierooiterai est de synthétiser les connaissances générales pour éclairer l’histoire d’une langue particulière, le tahitien." Il rend accessible au lecteur francophone le résultat de nombreuses recherches publiées principalement en anglais et peu connues en Polynésie. Un travail "indispensable dans un contexte où les questions linguistiques rejoignent parfois des enjeux de pouvoir et d’influence".

L’auteur entraîne le lecteur dans un voyage "passionnant à travers le temps et l’espace pour nous révéler combien le tahitien, comme toute autre langue, peut nous instruire sur l’histoire et la culture des générations successives qui l’ont parlé." À condition de se donner une méthode.

Une langue vieille de 1 000 ans

Le tahitien fait partie d’une des plus grandes familles de langues au monde, l’austronésien. Ce dernier est divisé en deux branches. Il y a le formosan qui rassemble les langues de l’île de Taïwan et le malayo-polynésien qui rassemble toutes les langues extérieures à Taïwan. Selon le recensement de 2017 effectué par l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), 143 274 personnes sur les 198 176 habitants âgés de plus de 15 ans, déclarent lire et parler le tahitien ou une langue polynésienne.

Historiquement, le tahitien était la langue des habitants de l’archipel de la Société, de la partie nord-ouest de l’archipel des Tuamotu et, avec des nuances plus ou moins prononcées, des quatre iles situées au nord de l’archipel des îles Australes.

Le tahitien, vieux de mille ans au moins, est considéré comme une vieille langue. Il est une langue riche, dont la richesse n’est pas fortuite. Elle est le résultat d’une évolution qui a duré plus de cinq mille ans et qui trouve son origine à 15 000 kilomètres de Tahiti. Connaître cette histoire et ce voyage c’est comprendre les attitudes des locuteurs actuels. C’est ce que voulait Jean-Claude Teriierooiterai qui laisse derrière lui un bien précieux cadeau.


Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 20 Décembre 2022 à 21:40 | Lu 1430 fois