Lancement de la grand-messe du livre à la Maison de la Culture


La 23ème édition du Salon du livre s'est ouverte ce jeudi. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 19 octobre – La 23e édition du Salon du livre s'est ouverte ce jeudi à la Maison de la culture. L'événement, qui se poursuit jusqu'à dimanche, rassemble plusieurs maisons d'édition et auteurs, pour offrir au public un moment d'échange. De nombreuses activités sont également organisées tout au long de ces quatre jours.
 
C'est sous la pluie que s'est ouverte ce jeudi, la 23e édition du Salon du livre à la Maison de la culture. Organisé par l'association des éditeurs de Tahiti et des îles (AETI), l'événement se poursuit jusqu'à dimanche et rassemble les huit maisons d'édition membres de l'association ainsi que de nombreux auteurs polynésiens, français et du Pacifique. “Il y a un grand nombre d'invités, locaux ou non”, confirme la coordinatrice du salon, Marie Kops. “Certains auteurs viennent de Hawaii, des Fidji...” Au cours des quatre jours que dure l’événement, de nombreux rendez-vous et activités sont programmés, à l’instar des ateliers d'écriture, de slam, de BD, mais également de la lecture de conte pour enfants, des projections de films en partenariat avec le Fifo et même une chasse au livre.

L'intégralité du programme est disponible sur le site www.lireenpolyénsie.fr. À noter que le thème de cette année tourne est “Fenua, Territoire”. Ainsi à travers les différentes activités, cette notion sera abordée dans ses dimensions linguistiques, culturelles, identitaires, artistiques, géographiques et également écologiques.
 
 
Un espace de rencontre
 
Le salon du livre, c'est avant tout un espace de rencontre et d'échange entre les maisons d'édition, les auteurs et les lecteurs. Ainsi, tout au long de l'événement, des présentations et des espaces d'échanges sont prévus. Des séances de dédicaces auront également lieu. Mais le salon du livre, c'est surtout l'occasion de faire découvrir la littérature locale aux enfants. Puisqu'en effet, de très nombreuses classes, du primaire au lycée, vont se rendre à la Maison de la culture pour l'occasion. “C'est très important d'associer la jeunesse à l'événement. C'est un public qui nous est cher”, explique Marie Kops. “La lecture, c'est dès le plus jeune âge et on souhaite être présent à leurs côtés pour leur montrer la littérature d'une autre manière.”
 
En finir avec les idées reçues
 
“Non, les livres ici ne sont pas plus chers qu'ailleurs”, s'enflamme Christian Robert, le président de l'AETI. “Ce sont les livres qui viennent de métropole qui sont onéreux, avec le prix du fret et la marge des librairies, pas ceux locaux. Tous les livres locaux ne sont pas plus chers qu'ailleurs dans le monde.” En effet, le Salon du livre est l'occasion de mettre le doigt sur ce sujet : Non, contrairement aux idées reçues, les livres locaux ne sont pas plus couteux qu'en métropole. Car si un livre en provenance de de l’Hexagone peut facilement atteindre les 3 500-4 000 francs, ceux imprimés au fenua restent dans une fourchette de 2000-2500 francs. “Je me bats depuis des années sur cette idée”, insiste le président de l'AETI, également à la tête de la maison d’édition Au vent des îles. “Moi-même, je fais en sorte vendre mes livres aux mêmes prix, partout dans le monde. […] Ce qui est vrai en revanche, c'est que quand des familles peinent à acheter de quoi manger, on ne peut pas leur demander d'acheter des livres. Mais ça ce n'est pas une spécificité locale, partout dans le monde ça existe […] et c'est là où la lecture publique entre en compte : Le projet qui existe aujourd'hui d'une grande médiathèque, c'est formidable, et ça va dans ce sens.” À noter qu'en France hexagonale, contrairement en Polynésie, il existe une loi, votée en 1981, qui oblige les librairies à vendre les livres à un prix fixe. “On discute avec le gouvernement sur ce sujet depuis des années”, indique le président l'AETI.
 

Le salon du livre, bientôt dans les îles

Comme chaque année, le Salon du livre va s'exporter dans les îles. L'occasion, pour l'AETI, de partir à la rencontre d'un autre public. “Depuis le début, l'association œuvre et travaille pour rapprocher les livres des lecteurs, il n'y a pas de raison pour que seuls les lecteurs de la zone Arue-Paea puissent y avoir accès”, défend Christian Robert. En effet, depuis des années, ces événements se multiplient partout en Polynésie. “On a fait ça à Rapa, Rimatara, Tubuai... L'intégralité des Australes. Mais également sur toutes les îles Sous-le-Vent. À Taravao, Mataiea.... Et c'est ça qui nous intéresse vraiment : on veut amener le livre où il n'est pas. Et souvent, de ces initiatives naissent des projets de bibliothèque”, constate le président de l'AETI. “C'est notre rôle d'éditeur d'entretenir cette flamme.” Les prochains rendez-vous de l'année seront à Huahine, du 24 au 26 octobre à la mairie de Fare, à Rangiroa, du 24 au 28 octobre à la mairie d'Avatoru et à Raiatea, du 29 novembre au 2 décembre, dans les locaux de la mairie d'Uturoa.
 

Faire lire dans les prisons aussi

Toujours sur le principe du “livre pour tous et partout”, l'AETI organise depuis deux ans des ateliers de lecture et d'écriture en milieu carcéral, aussi bien à la prison de Tatutu à Papeari que de Nuutania. “C'est un de nos fidèles guerriers de la lecture qui anime ce club de lecture”, déclare Christian Robert, en parlant de Heirani Soter, un autre membre de l'association. Ainsi, cette initiative permet un moment d'échanges et de paroles entre détenus autour de la littérature. “Ça fonctionne très bien. Preuve, encore, que les livres sont faits pour tous. D'autant plus qu'en prison, ils sont ravis de pouvoir s'évader. Les échanges sont très riches”, poursuis le président de l'association des éditeurs de Tahiti et ses îles. À noter que ces actions en milieu carcéral sont accompagnées d'un projet de création d'une bibliothèque et d'animations à destination des familles pendant les temps de parloir.
 

Former des bibliothécaires

Cette formation est une première au fenua. En effet, du 13 au 17 novembre prochain l'AETI va proposer, en partenariat avec le Centre de lecture et médiathèque (CLEM), une formation d'une semaine pour apprendre à faire partager le livre et la lecture. “On a conscience de la problématique de la lecture publique qui est défaillante. Il manque des lieux de lecture... Il y a bien la Maison de la culture et la bibliothèque universitaire, mais ce n'est pas suffisant surtout pour les endroits éloignés”, explique Christian Robert. Face à cette situation, de nombreux projets, communaux ou associatifs, se sont montés pour que de petites bibliothèques voient le jour. Cependant, gérer un lieu de lecture et le faire vivre sont deux choses bien différentes. “De nombreux maires ont pris des initiatives, avec la création de locaux... mais ça a vite périclité. Tenir une bibliothèque est un métier, ce n'est pas seulement tenir un lieu avec des livres, c'est aussi animer, proposer des choses, gérer le renouvellement des stocks... C'est pourquoi on organise une formation”, explique Christian Robert. Parmi les intervenants, la directrice de la bibliothèque de Koné, en Nouvelle-Calédonie, No-Morgane Lepeu Goromoedo, doit faire le déplacement pour partager son expérience.
 

Gonzague Aizier, auteur : “C'est un livre qui est nait ici”

Vous présentez votre premier livre “Après la tourmente”, qui retrace la vie de James Norman Hall. Comment vous sentez-vous ?

“C'est assez excitant je dois dire. J'ai vécu à Tahiti de 2016 à 2018, j'étais dans la Marine et j'ai visité un peu par hasard, la maison de James Norman Hall. En la visitant, j'ai été conquis par l'ambiance et l'homme. Voilà comment est née mon livre. Alors bien sûr, d'une part, je suis très heureux de revenir ici après cinq ans et en plus à cette occasion, mais c'est également beaucoup d'émotion d'être présent aujourd'hui. C'est un mélange d'excitation, de pouvoir discuter avec des personnes de mon livre, et beaucoup de stress, car on va savoir comment il va être accueilli par la critique.”
 
Vous avez donc écrit votre livre depuis la métropole. C'était important pour vous de trouver une maison d'édition polynésienne ?
 
“Oui bien sûr. Même si j'aurais dit oui également si un éditeur français me l'avait proposé. Mais de fait, ça a beaucoup de sens. C'est un livre qui est nait ici, et qui s'est nourri de la nostalgie que j'avais de mes années à Tahiti. Souvent on dit qu'on a du mal à se remettre après avoir vécu en Polynésie. Pour moi ça a pris la forme d'un livre.”
 

Isidore Hiro-Bremond, auteur : “J'aime rencontrer les gens”

Vous avez déjà participé à plusieurs salons. Qu'est-ce que cela vous apporte ?

“Le plus important pour nous et pour moi, c'est de rencontrer les gens, les lecteurs. J'aime rencontrer les gens et discuter avec eux. On rencontre également des enfants – de nombreuses classes viennent – et on discute avec eux.”
 
De tel échanges sont-ils constructifs en tant qu'auteur ?
 
“Absolument. Bien sûr. Mais c'est également fondamental pour intéresser le plus de monde à la lecture. Nous les Tahitiens, on n'aime pas trop ça, surtout la jeune génération. Alors que c'est la porte ouverte sur la connaissance.”

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 19 Octobre 2023 à 18:35 | Lu 1332 fois