La "zone bleue" du Costa Rica et son étonnante espérance de vie


Ezequiel BECERRA / AFP
Dulce Nombre, Costa Rica | AFP | mercredi 05/10/2021 - Don "Sato", 94 ans, est un lève-tôt. Il coupe le bois dont il aura besoin la journée avant de partir se promener autour de sa maison, dans la péninsule de Nicoya (ouest), au Costa Rica, l'une des cinq régions du monde à la longue - et étonnante - espérance de vie de ses habitants.

"Pour mon âge je me sens bien car le Seigneur me donne la force de marcher doucement. Je pars faire peut-être 1 kilomètre ou même 4 kilomètres, puis je rentre, calmement", raconte Saturnino Lopez, dit "Sato".

Il fait partie des 1.010 Costariciens âgés de plus de 90 ans qui vivent dans l'une des cinq "zones bleues" répertoriées dans le monde.

C'est à la fin du XXe siècle que le démographe belge Michel Poulain et le médecin italien Gianni Pes, relevant une étrange proportion de centenaires dans la région de Barbagia, en Sardaigne (Italie), ont entouré les villages de montagne avec un stylo bleu.

La National Geographic Society, basée à Washington, a ensuite identifié en 2005 des espérance de vie inhabituelles à Loma Linda en Californie (Etats-Unis), à Icaria en Grèce et à Okinawa au Japon.

A Nicoya, Don Sato, père de neuf enfants, vit dans le village de Dulce Nombre, un refuge naturel entouré de végétation où chantent les cigales. Loin de tout stress, la vie s'y écoule paisiblement.

"Pendant la journée, si vous devez balayer le patio, vous le balayez ; si vous devez couper du bois, vous le coupez. Il y a plein de petites choses à faire", explique-t-il, disant se nourrir "de riz, de haricots, d'un peu de viande, de fruits et d'avocats".

Un but dans la vie

Un régime alimentaire similaire à celui de ses voisins, Clémentina, 91 ans, et son mari Agustin, 100 ans.

Clémentina a eu 18 enfants, 12 sont encore en vie. A petits pas, elle jette encore du maïs à ses poulets, prépare les repas et entretient la maison.

Le couple outrepasse toutes les statistiques d'espérance de vie : 80 ans pour le Costa Rica et 72 ans en moyenne dans monde, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

"A la campagne, on vit plus tranquillement, pas comme dans les villes où il faut faire attention à tout, pas vrai ? Ici vous vivez plus paisiblement, il n'y a pas de dangers", raconte Clémentina.

Se fixer des objectifs est essentiel pour vieillir en bonne santé, affirme Aleyda Obando, responsable de la Sécurité sociale de Nicoya.

"Ils ont toujours des projets en tête pour planter quelque-chose dans le jardin, voir leurs amis (...) C'est la somme de plusieurs petites choses qui font que cette population vit plus longtemps", estime-t-elle.

Ce ne sont pas des personnes isolées, elles pratiquent une activité physique et mangent sainement, note-t-elle.

"On a toujours mangé ce que nous faisons pousser", confirme Clémentina.

Agustin est lui l'un des 53 centenaires de la région. S'il a perdu la vue et a subi une attaque cérébrale, il savoure les trésors de tendresse que lui prodigue Clémentina.

"J'y arriverai"

José Villegas, dit "Pachito", un autre centenaire, vit dans le village voisin de San Juan de Quebrada Honda, avec l'une de ses huit filles.

Il espère qu'à l'occasion de son 105e anniversaire, le 4 mai, il pourra à nouveau monter à cheval, activité qu'il a pratiquée toute sa vie comme gardien de troupeaux.

Mais ses jambes le font parfois souffrir. "Pour moi, c'est un grand accomplissement (d'avoir 104 ans) parce que Dieu m'a donné beaucoup de vie. Tout n'a pas été merveilleux, mais tout n'a pas été mauvais non plus", dit Pachito, qui vit dans la ferme où il est né.

"Aujourd'hui les modes de vie ont changé, ce n'est plus pareil. Avant, tout était sain et les gens s'aimaient un peu plus", estime-t-il. Veuf depuis sept ans, il accompagne ses soirées de solitude avec de la musique ranchera sur son poste de radio.

Non loin de là, à Puerto Humo, Talia, 93 ans et mère de 14 enfants, prépare des tortillas. "Certains disent +j'arriverai à 100 ans+ mais n'y arrivent pas (...) C'est Dieu qui en décide, et s'il le veut, j'y arriverai", dit-elle.

Pour le démographe Gilbert Brenes, de l'université du Costa Rica, cette "zone bleue" peut encore s'agrandir "en raison de l'élan démographique et du taux de fécondité plus élevé qu'auparavant". Mais "ça ne durera pas plus que 20 à 30 ans", estime-t-il.

Selon lui, les nouvelles générations "n'ont pas d'aussi bonnes pratiques alimentaires" et développent de l'obésité ou le diabète, et de moins en moins de personnes cultivent ce qu'elles mangent.

le Jeudi 7 Octobre 2021 à 05:54 | Lu 461 fois