Tahiti, le 29 mars 2023 – L'historien Jean-Marc Regnault et l'analyste en stratégie internationale Raihaamana Tevahitua se sont intéressés à la stratégie Indo-Pacifique française, vue depuis les îles concernées, dans un article qui vient de paraître dans la Revue internationale stratégique. Si ces collectivités présentent certains atouts, elles ne sont pas dépourvues de handicaps pour soutenir la stratégie française. Ils soulignent également le manque d'adhésion des populations ainsi que des responsables politiques pour cette stratégie.
La France “a la chance inouïe d'être au cœur d'une des zones où le monde se fait”. Cette phrase du président de la Polynésie française, Édouard Fritch, est citée par l'historien Jean-Marc Regnault et Raihaamana Tevahitua, jeune Polynésien diplômé de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), dans un article intitulé Les Outre-mers dans la stratégie Indo-Pacifique française et qui vient d'être publié dans la Revue internationale stratégique. Dans cet article, les deux chercheurs s'intéressent à la stratégie Indo-Pacifique de la France vue depuis les îles concernées –Mayotte, La Réunion, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et bien sûr la Polynésie française. Les Terres australes et antarctiques françaises ainsi que l'île de Clipperton, comptant également parmi les territoires concernés, ne figurent pas dans l'article dans la mesure où elles ne comptent aucun habitant et que les premières sont administrées depuis La Réunion et la seconde est sous l'autorité directe du gouvernement central.
La stratégie française dans l'Indo-Pacifique a été mise en place en février 2022 et avec elle, la France affiche son ambition de jouer un rôle international dans une région en mouvement, marquée notamment par la montée en puissance de la Chine, en apportant des solutions aux défis sécuritaires, économiques, sanitaires, climatiques et environnementaux. Pour cela, la France “prétend” s'appuyer sur ses Outre-mers. “Des collectivités, qui semblaient naguère de moindre intérêt, permettraient aujourd'hui à la France de se considérer comme une puissance aux antipodes de son assise continentale”, écrivent les deux auteurs. Et ces territoires présentent certains atouts. Ils sont notamment tournés vers l'économie bleue sur laquelle “la stratégie vise à surfer”. Ils disposent également d'“un savoir-faire exportable”, que ce soit en termes de gestion des déchets en milieu insulaire ou de production énergétique durable. “En se raccordant à la mondialisation, ces territoires aspirent à devenir des hubs régionaux”, souligne l'article qui indique également que face aux changements climatiques, les collectivités françaises “veulent se positionner en territoires de solutions”.
Cependant, ces atouts sont contrebalancés par la fragilité des collectivités françaises, que ce soit à Mayotte où “le maintien de l'ordre est difficilement assuré”, à La Réunion qui fait face à “de lourds dégâts sociaux-économiques”, en Nouvelle-Calédonie qui “enchaîne les crises” avec une “économie en récession” et “l'incertitude [qui] plane sur l'avenir institutionnel” ou encore en Polynésie française où “les élections territoriales d'avril 2023 pourraient ramener l'instabilité, voire une victoire des partis défavorables à la présence française”. Dans ce contexte, Jean-Marc Regnault et Raihaamana Tevahitua s'interrogent : “Les collectivités des deux océans ne sont ainsi pas dépourvues d'atouts, mais ceux-ci compensent-ils les difficultés de leur gestion pour soutenir solidement la stratégie Indo-Pacifique de la France ?
La France “a la chance inouïe d'être au cœur d'une des zones où le monde se fait”. Cette phrase du président de la Polynésie française, Édouard Fritch, est citée par l'historien Jean-Marc Regnault et Raihaamana Tevahitua, jeune Polynésien diplômé de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), dans un article intitulé Les Outre-mers dans la stratégie Indo-Pacifique française et qui vient d'être publié dans la Revue internationale stratégique. Dans cet article, les deux chercheurs s'intéressent à la stratégie Indo-Pacifique de la France vue depuis les îles concernées –Mayotte, La Réunion, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et bien sûr la Polynésie française. Les Terres australes et antarctiques françaises ainsi que l'île de Clipperton, comptant également parmi les territoires concernés, ne figurent pas dans l'article dans la mesure où elles ne comptent aucun habitant et que les premières sont administrées depuis La Réunion et la seconde est sous l'autorité directe du gouvernement central.
La stratégie française dans l'Indo-Pacifique a été mise en place en février 2022 et avec elle, la France affiche son ambition de jouer un rôle international dans une région en mouvement, marquée notamment par la montée en puissance de la Chine, en apportant des solutions aux défis sécuritaires, économiques, sanitaires, climatiques et environnementaux. Pour cela, la France “prétend” s'appuyer sur ses Outre-mers. “Des collectivités, qui semblaient naguère de moindre intérêt, permettraient aujourd'hui à la France de se considérer comme une puissance aux antipodes de son assise continentale”, écrivent les deux auteurs. Et ces territoires présentent certains atouts. Ils sont notamment tournés vers l'économie bleue sur laquelle “la stratégie vise à surfer”. Ils disposent également d'“un savoir-faire exportable”, que ce soit en termes de gestion des déchets en milieu insulaire ou de production énergétique durable. “En se raccordant à la mondialisation, ces territoires aspirent à devenir des hubs régionaux”, souligne l'article qui indique également que face aux changements climatiques, les collectivités françaises “veulent se positionner en territoires de solutions”.
Cependant, ces atouts sont contrebalancés par la fragilité des collectivités françaises, que ce soit à Mayotte où “le maintien de l'ordre est difficilement assuré”, à La Réunion qui fait face à “de lourds dégâts sociaux-économiques”, en Nouvelle-Calédonie qui “enchaîne les crises” avec une “économie en récession” et “l'incertitude [qui] plane sur l'avenir institutionnel” ou encore en Polynésie française où “les élections territoriales d'avril 2023 pourraient ramener l'instabilité, voire une victoire des partis défavorables à la présence française”. Dans ce contexte, Jean-Marc Regnault et Raihaamana Tevahitua s'interrogent : “Les collectivités des deux océans ne sont ainsi pas dépourvues d'atouts, mais ceux-ci compensent-ils les difficultés de leur gestion pour soutenir solidement la stratégie Indo-Pacifique de la France ?
Manque d'adhésion
Mais surtout, les auteurs soulignent dans leur article la “faible adhésion” des populations mais aussi des responsables politiques de ces collectivités à la stratégie Indo-Pacifique française, qui ne fait pas partie de leurs “préoccupations”, ni aux uns, ni aux autres. Finalement, l'attachement à la France est très varié en fonction des populations. “Les statuts différents d'une collectivité à l'autre ont eu pour conséquence de distendre les liens avec Paris dans la mesure où les identités locales ont pris leur essor”, peut-on lire. Côté politique, l'attachement n'est pas plus conséquent. En Polynésie par exemple, selon les auteurs, “c'est par 'réalisme' que les autonomistes tiennent à garder des liens avec la France.” Ils soulignent également que les “intérêts particuliers” de ces collectivités “ne sont pas forcément ceux de la France en tant qu'État”. Pour les deux chercheurs, le soutien politique et l'adhésion sociale à la stratégie Indo-Pacifique “restent” donc “à construire”.
Rappelons enfin qu'en janvier dernier, la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat s'était, elle aussi, penchée sur la stratégie française dans l'Indo-Pacifique. Une stratégie qu'elle qualifiait d'“ambitieuse” mais dont les moyens n'étaient, selon elle, “pas toujours à la hauteur des ambitions”. Elle déplorait également que les collectivités françaises de la région n'aient pas été consultées en amont de l'élaboration de cette stratégie.
Rappelons enfin qu'en janvier dernier, la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat s'était, elle aussi, penchée sur la stratégie française dans l'Indo-Pacifique. Une stratégie qu'elle qualifiait d'“ambitieuse” mais dont les moyens n'étaient, selon elle, “pas toujours à la hauteur des ambitions”. Elle déplorait également que les collectivités françaises de la région n'aient pas été consultées en amont de l'élaboration de cette stratégie.