La souveraineté alimentaire en marche


Tahiti, le 4 décembre 2023 - Les trois premières entreprises d’agro-transformation, lauréates d’un appel à candidatures, se sont installées ce lundi dans les nouveaux ateliers de Mataiea. Le développement de ces projets innovants constitue un premier pas dans la démarche de souveraineté alimentaire du pays.
 
Les trois premiers ateliers d’agro-transformation de Mataiea viennent d’être attribués aux lauréats ayant remporté un appel à candidatures pour leur permettre de développer des projets innovants, s’agissant de la fourniture de produits agricoles locaux frais et prêts à l’emploi au bénéfice des cantines scolaires, d’une biscuiterie à base de farine locale de taro, de uru et de coco, ainsi que des emballages éco-responsables à partir de fibres végétales locales.
 
Les lauréats ont été ravis de présenter leurs projets, ce lundi, devant les autorités du Pays et de la commune de Teva i Uta. Le domaine de l’agro-alimentaire demande à être innové en Polynésie, afin de privilégier l’éco-responsabilité, l’utilisation de produits locaux et la promotion du “mieux-manger” pour une meilleure santé du consommateur. Tels sont les défis que se sont lancé les trois entreprises d’agro-transformation installées depuis ce lundi dans les nouveaux ateliers de Mataiea.
 
Des alternatives à l’importation
 
La jeune start-up Fenua Smart a été la première entreprise à présenter son projet de biscuiterie à base de farine locale de taro, uru et de coco. Selon sa gérante, Ornella Lichon, “la nouvelle compagnie aérienne locale faisait son entrée sur le marché local des transports et ne trouvant pas de produits locaux, a fait appel à nos services pour lui proposer des snacks sucrés et salés. C’est comme cela que notre activité a débuté dans l’agro-transformation”. Pour pallier le manque de produits transformés localement, “Fenua Smart se lance dans la découverte de la farine locale avec des propriétés, des textures et des goûts bien différents de la farine de blé, grâce à la collaboration de deux cheffes pâtissières, pour obtenir un bon biscuit”, a-t-elle indiqué, avant de poursuivre sur la nécessité d’une meilleure alimentation : “Des mois de tests ont été nécessaires pour élaborer de nombreuses recettes et affiner nos procédés de fabrication, avec comme mots d’ordre ‘gourmand’ et ‘allégé en sucre’ afin de promouvoir le mieux-manger”. Une collection de 24 biscuits sera présentée dans un emballage fabriqué en fibre de banane par la société Biobase, deuxième lauréate ayant bénéficié d’un atelier d’agro-transformation à Mataiea, dont le principe de base, selon sa gérante Ayana Champot, est de “proposer des emballages personnalisables entièrement biodégradables et compostables, de fabrication entièrement locale”.
 
La souveraineté alimentaire en marche
 
Mataiea a donc ouvert le bal pour accueillir sur son territoire les premiers ateliers d’agro-transformation, une première étape de l’aboutissement d’une longue phase opérationnelle démarrée en 2019. Au total, neuf ateliers d’agro-transformation sont programmés entre Tahiti et les Raromatai. En effet, après Mataiea, “l’année 2024 poursuivra l’attribution de l’atelier de Huahine et la réception de trois ateliers à Raiatea, plus particulièrement dans la commune de Taputapuātea, et de deux ateliers à Taha’a, dans le cadre d’un programme bénéficiant d’un co-financement du Pays et de l’État ”, a précisé le ministre de l’Agriculture Taivini Teai. “Pour continuer la dynamique de démarche vers l’agro-transformation, 2024 verra également le lancement des appels d’offres de construction des ateliers de Rurutu, Tubuai et Rimatara”, a-t-il poursuivi en précisant que “près de 17 milliards de fonds publics sont inscrits au budget 2024 au titre du pilier ‘Faatupu’, afin de poursuivre la construction des infrastructures de base essentielles à notre souveraineté alimentaire et consolider la chaîne de valeurs de notre système alimentaire de demain”. Le ministre a également profité de cette occasion pour demander à ce que “tout soit mis en œuvre pour équiper rapidement ces infrastructures en équipements photovoltaïques, afin de maximiser la valorisation de toutes les fractions de matières, qu’elles soient alimentaires ou énergétiques”.
 
Une bonne alimentation pour une meilleure santé
 
Sous l’impulsion du maire de Teva i Uta et ancien ministre de l’Agriculture Tearii Alpha, une politique de souveraineté alimentaire a été mise en place afin de soutenir l’agriculture locale mais aussi améliorer l’alimentation de la population en général mais plus particulièrement celle des enfants. La commune de Teva i Uta, qui possède une forte densité agricole, veut ainsi montrer l’exemple “puisque nous sommes la commune pilote de la restauration scolaire en y introduisant les produits locaux, malgré le fait que l’on dise toujours que c’est compliqué en approvisionnement, en saisonnalité ou en qualité de produits”, a souligné Tearii Alpha. Se réjouissant de la poursuite de sa politique par le nouveau gouvernement, le tāvana s’est dit confiant vis-à-vis des autres communes pour l’adopter à l’échelle de toute la Polynésie. “Nous vivons à une époque où nous privilégions une alimentation naturelle pour éviter beaucoup de maladies, car mieux nous mangeons, meilleure sera notre santé dans le temps”, a-t-il expliqué.
 
Une révision nécessaire des appels d’offre
 
Si les écoles primaires et maternelles, sous tutelle des municipalités, ont adopté le principe du “manger-local”, les établissements secondaires, collèges et lycées soumis à l’autorité de l’État, sont bien loin de s’y conformer. Le tāvana de Mataiea s’est donc adressé au représentant de l’assemblée en charge de l’agriculture, Mitema Tapati, pour qu’il puisse demander au ministre de l’Éducation d’intervenir dans la rédaction des appels d’offre en matière de fourniture de produits alimentaires dans ces établissements, afin de privilégier les produits locaux à la place de produits importés frais comme les pommes, les poires ou le raisin.

Rédigé par Paora’i Raveino le Lundi 4 Décembre 2023 à 20:26 | Lu 4668 fois