Moorea, le 27 décembre 2023 - Biologiste et spécialiste des oiseaux, Alexandre Fellous milite en faveur de la préservation de nos oiseaux endémiques au sein de la SOP Manu. Face à une vague de déforestation sur le fenua, le scientifique s’inquiète du devenir de nos oiseaux. Il a accepté de se confier à Tahiti Infos pour lancer un cri d’alerte à la population ainsi qu’aux autorités politiques locales.
Quelle est la situation des oiseaux en Polynésie française ?
“La situation des oiseaux en Polynésie s’améliore à certains endroits du fait de la mise en place de mesures de protection intenses en faveur, par exemple, du monarque de Tahiti aux îles Gambier, aux Tuamotu… Il y a aussi des mesures d’éradication des espèces invasives qui ont été mises en place. Il y a néanmoins beaucoup d’espèces en danger. Une des priorités par exemple de la SOP Manu en ce moment est de sauver le monarque de Fatu Hiva. Il n’y en a plus que 19 alors que c’était un oiseau très commun au début des années 2000. Si on s’intéresse aux ptilopes, c'est-à-dire le 'ū'upa, des îles Sous-le-Vent, ils sont en régression sur certaines îles du fait de la destruction de l’habitat et de sa prédation par des oiseaux de proie qui ont été introduits ici.”
La déforestation, qui semble s’accélérer dans nos îles, n’est-elle pas une grosse problématique pour les oiseaux ?
“Le problème dans beaucoup d’îles est l’urbanisation ainsi que la fragmentation de l’habitat. Il nous manque surtout des moyens pour estimer correctement le nombre de ces populations et pour savoir si elles sont stables ou pas. On a peu de données par exemple sur les oiseaux endémiques à Moorea comme le martin-chasseur de Young et le ptilope de la Société. On sait qu’il y a encore une population assez importante, mais elle semble être en régression du fait de la fragmentation de l’habitat qui est de plus en plus importante. Partout, les gens coupent toute la forêt en ne maintenant même pas quelques arbres. Pour maintenir le martin-chasseur, il est important d’avoir encore des arbres dans lesquels ils peuvent nicher leur cavité. Ce sont deux exemples parmi tant d’autres. C’est un peu la même situation dans toutes les îles. Comme partout dans le monde, il y a de plus en plus une fragmentation importante de l’habitat. Ce qui entraîne un manque de communication entre les populations, voire une destruction complète du milieu. Du coup, soit les individus partent, soit ils ne sont plus en mesure de se reproduire.”
Il y a pourtant une réglementation pour préserver l’habitat des oiseaux…
“Les gens ne respectent pas le code de l’environnement. Si les oiseaux endémiques sont présents sur un terrain, on est dans l’obligation de préserver au minimum leur habitat pour qu’ils puissent persister. Or, la réglementation n’est jamais prise en compte. On rase tout. C’est le cas dans tous les projets immobiliers. L’environnement doit être protégé si les oiseaux sont là. Cela passe par le maintien par exemple des grands arbres qui permettent l’alimentation et la nidification des oiseaux.”
Est-ce qu’il n’y a pas eu jusqu’à présent un manque de volonté politique pour faire appliquer la loi ?
“Je dirais tôt qu’il y a une absence de contrôle du fait de la méconnaissance par moment des autorités politiques et d’un manque d’intérêt. Vu qu’il n’y a jamais de contrôle, tout le monde fait à sa sauce. Ce sont souvent des domaines qui sont sous-financés et qui n’ont pas assez de personnel. Ils n’ont pas assez de moyens pour faire correctement leur travail. Les services gouvernementaux et les centres de recherches font face à une pénurie de financement et de personnel sur le long terme pour faire des contrôles, pour mettre en place des programmes de réglementation, etc. Il y a donc beaucoup de choses qui vont dépendre des associations et donc des gens qui travaillent bénévolement. L’environnement est par exemple pris en compte par les pêcheurs dans certaines zones parce que ces derniers voient que c’est bénéfique de le protéger, mais les recommandations des scientifiques ou l’application des lois ne sont jamais suivies.”
Qu’en est-il au niveau de la population ?
“Le problème est qu’on manque surtout de connaissance alors que la situation est plus qu’urgente pour certaines espèces. Beaucoup de gens ne connaissent plus les oiseaux tandis que certains s’en fichent un peu. Il y a une méconnaissance et un intérêt absent alors que les oiseaux sont traditionnellement importants dans la culture polynésienne ainsi que pour l’environnement. Les oiseaux marins sont par exemple importants pour avoir un récif en bonne santé du fait des nutriments qu’ils apportent à la mer. Les oiseaux terrestres, comme les 'ū'upa, sont très importants pour régénérer la forêt du fait qu’ils sèment les graines partout après en avoir mangées.”
Comment sensibiliser la population ou éduquer la population ? Faudrait-il le faire dans les écoles ?
“L’environnement, que ça soit ici ou en France, n’est en fait pas très inclus dans les programmes scolaires. Ça n’a jamais été une priorité. Il y a des programmes à ce sujet qui sont mis en place dans les écoles avec, par exemple, les aires marines éducatives. Certains professeurs l’incluent aussi dans leurs enseignements, mais le terrestre n’est globalement pas mis en avant. On parle très peu des forêts polynésiennes qui sont en danger ou des oiseaux pour montrer aux habitants qu’ils sont encore là et qu’il faut les préserver de toute urgence. Je pense qu’il faut en parler de manière urgente dans les écoles primaires jusqu’à l’université. Il faut aussi communiquer au niveau des adultes. On protège seulement ce qu’on aime et on aime uniquement ce qu’on connaît. Si donc on ne connaît pas quelque chose, on ne peut pas ou on ne veut pas la protéger.”
Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?
“J’attends de voir des vrais programmes de protection dans chaque archipel afin de maintenir et protéger les forêts ainsi que les oiseaux. Il faut par exemple préserver un certain nombre de forêts côtières sur chaque parcelle et donc garder des arbres natifs. Le fait de maintenir cette végétation va être bénéfique pour les animaux, mais aussi pour nous puisque cela va empêcher l’érosion des côtes. En protégeant les oiseaux, nous nous protégeons nous-mêmes. Il faut aussi empêcher l’introduction des espèces invasives de l’étranger, mais aussi entre les îles de Polynésie. Il y a les plantes, les insectes, certains oiseaux… Il y a déjà des contrôles, mais il faut éviter d’introduire encore plus. Il y a aussi des choses simples à mettre en place pour limiter les dégâts. Les engins lourds sont par exemple rarement nettoyés entre chaque chantier. Cela amène du coup des plantes invasives. Il faut garder espoir, s’informer, puis agir pour que tout le monde s’implique et ait son rôle à jouer. Si tout le monde commence à s’intéresser, ça serait déjà un bon début.”
Quelle est la situation des oiseaux en Polynésie française ?
“La situation des oiseaux en Polynésie s’améliore à certains endroits du fait de la mise en place de mesures de protection intenses en faveur, par exemple, du monarque de Tahiti aux îles Gambier, aux Tuamotu… Il y a aussi des mesures d’éradication des espèces invasives qui ont été mises en place. Il y a néanmoins beaucoup d’espèces en danger. Une des priorités par exemple de la SOP Manu en ce moment est de sauver le monarque de Fatu Hiva. Il n’y en a plus que 19 alors que c’était un oiseau très commun au début des années 2000. Si on s’intéresse aux ptilopes, c'est-à-dire le 'ū'upa, des îles Sous-le-Vent, ils sont en régression sur certaines îles du fait de la destruction de l’habitat et de sa prédation par des oiseaux de proie qui ont été introduits ici.”
La déforestation, qui semble s’accélérer dans nos îles, n’est-elle pas une grosse problématique pour les oiseaux ?
“Le problème dans beaucoup d’îles est l’urbanisation ainsi que la fragmentation de l’habitat. Il nous manque surtout des moyens pour estimer correctement le nombre de ces populations et pour savoir si elles sont stables ou pas. On a peu de données par exemple sur les oiseaux endémiques à Moorea comme le martin-chasseur de Young et le ptilope de la Société. On sait qu’il y a encore une population assez importante, mais elle semble être en régression du fait de la fragmentation de l’habitat qui est de plus en plus importante. Partout, les gens coupent toute la forêt en ne maintenant même pas quelques arbres. Pour maintenir le martin-chasseur, il est important d’avoir encore des arbres dans lesquels ils peuvent nicher leur cavité. Ce sont deux exemples parmi tant d’autres. C’est un peu la même situation dans toutes les îles. Comme partout dans le monde, il y a de plus en plus une fragmentation importante de l’habitat. Ce qui entraîne un manque de communication entre les populations, voire une destruction complète du milieu. Du coup, soit les individus partent, soit ils ne sont plus en mesure de se reproduire.”
Il y a pourtant une réglementation pour préserver l’habitat des oiseaux…
“Les gens ne respectent pas le code de l’environnement. Si les oiseaux endémiques sont présents sur un terrain, on est dans l’obligation de préserver au minimum leur habitat pour qu’ils puissent persister. Or, la réglementation n’est jamais prise en compte. On rase tout. C’est le cas dans tous les projets immobiliers. L’environnement doit être protégé si les oiseaux sont là. Cela passe par le maintien par exemple des grands arbres qui permettent l’alimentation et la nidification des oiseaux.”
Est-ce qu’il n’y a pas eu jusqu’à présent un manque de volonté politique pour faire appliquer la loi ?
“Je dirais tôt qu’il y a une absence de contrôle du fait de la méconnaissance par moment des autorités politiques et d’un manque d’intérêt. Vu qu’il n’y a jamais de contrôle, tout le monde fait à sa sauce. Ce sont souvent des domaines qui sont sous-financés et qui n’ont pas assez de personnel. Ils n’ont pas assez de moyens pour faire correctement leur travail. Les services gouvernementaux et les centres de recherches font face à une pénurie de financement et de personnel sur le long terme pour faire des contrôles, pour mettre en place des programmes de réglementation, etc. Il y a donc beaucoup de choses qui vont dépendre des associations et donc des gens qui travaillent bénévolement. L’environnement est par exemple pris en compte par les pêcheurs dans certaines zones parce que ces derniers voient que c’est bénéfique de le protéger, mais les recommandations des scientifiques ou l’application des lois ne sont jamais suivies.”
Qu’en est-il au niveau de la population ?
“Le problème est qu’on manque surtout de connaissance alors que la situation est plus qu’urgente pour certaines espèces. Beaucoup de gens ne connaissent plus les oiseaux tandis que certains s’en fichent un peu. Il y a une méconnaissance et un intérêt absent alors que les oiseaux sont traditionnellement importants dans la culture polynésienne ainsi que pour l’environnement. Les oiseaux marins sont par exemple importants pour avoir un récif en bonne santé du fait des nutriments qu’ils apportent à la mer. Les oiseaux terrestres, comme les 'ū'upa, sont très importants pour régénérer la forêt du fait qu’ils sèment les graines partout après en avoir mangées.”
Comment sensibiliser la population ou éduquer la population ? Faudrait-il le faire dans les écoles ?
“L’environnement, que ça soit ici ou en France, n’est en fait pas très inclus dans les programmes scolaires. Ça n’a jamais été une priorité. Il y a des programmes à ce sujet qui sont mis en place dans les écoles avec, par exemple, les aires marines éducatives. Certains professeurs l’incluent aussi dans leurs enseignements, mais le terrestre n’est globalement pas mis en avant. On parle très peu des forêts polynésiennes qui sont en danger ou des oiseaux pour montrer aux habitants qu’ils sont encore là et qu’il faut les préserver de toute urgence. Je pense qu’il faut en parler de manière urgente dans les écoles primaires jusqu’à l’université. Il faut aussi communiquer au niveau des adultes. On protège seulement ce qu’on aime et on aime uniquement ce qu’on connaît. Si donc on ne connaît pas quelque chose, on ne peut pas ou on ne veut pas la protéger.”
Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?
“J’attends de voir des vrais programmes de protection dans chaque archipel afin de maintenir et protéger les forêts ainsi que les oiseaux. Il faut par exemple préserver un certain nombre de forêts côtières sur chaque parcelle et donc garder des arbres natifs. Le fait de maintenir cette végétation va être bénéfique pour les animaux, mais aussi pour nous puisque cela va empêcher l’érosion des côtes. En protégeant les oiseaux, nous nous protégeons nous-mêmes. Il faut aussi empêcher l’introduction des espèces invasives de l’étranger, mais aussi entre les îles de Polynésie. Il y a les plantes, les insectes, certains oiseaux… Il y a déjà des contrôles, mais il faut éviter d’introduire encore plus. Il y a aussi des choses simples à mettre en place pour limiter les dégâts. Les engins lourds sont par exemple rarement nettoyés entre chaque chantier. Cela amène du coup des plantes invasives. Il faut garder espoir, s’informer, puis agir pour que tout le monde s’implique et ait son rôle à jouer. Si tout le monde commence à s’intéresser, ça serait déjà un bon début.”