La revue Prescrire "poil à gratter" de l'information sur le médicament


PARIS, 8 janvier 2011 (AFP) - "Ayatollah" du médicament, pour les uns ou critique salutaire et poil à gratter de l'information médicale pour d'autres, la revue médicale Prescrire, en pointe sur plusieurs affaires de médicaments, se retrouve sous les feux des projecteurs pour son 30e anniversaire.

Le 4 janvier, cerné de micros et de caméras, le Dr Bruno Toussaint, directeur de la revue, n'en revient pas :"je n'ai jamais vu ça".

La raison de ce raz de marée médiatique ? La dernière livraison de Prescrire qui épingle directement trois médicaments "à retirer du marché", dont le buflomédil, vieux vasodilatateur "sans intérêt thérapeutique démontré", utilisé par 100.000 patients, responsable de problèmes de cardiaques et neurologiques parfois mortels.

Rien d'exceptionnel pour la revue qui joue un rôle de vigie sanitaire. Mais en pleine affaire du Médiator, cela rencontre forcément un écho.

Les autorités sanitaires envisagent d'ailleurs de le retirer de la circulation. "Une bonne décision, quand elle sera prise", lâche le Dr Toussaint.

Fondée en 1981, la revue qui avait alerté sur les dangers du Médiator, s'enorgueillit d'une totale indépendance "zéro publicité, zéro subvention". Elle vit uniquement grâce à ses 29.000 abonnés, dont 15.000 généralistes (257 euros par an).

Même "Xavier Bertrand, ministre de la Santé, s'est abonné, son cabinet reçoit la revue", assure-t-on au ministère.

La rédaction est composée essentiellement de médecins et de pharmaciens.

Chaque article fait l'objet d'un long travail d'écriture et de relecture interne et externe.

Le professeur Jean-Paul Giroud, pharmacologue, membre de l'Académie de médecine, connaît Prescrire depuis sa naissance : "on peut ne pas être toujours d'accord, mais elle donne une information objective par rapport à l'ensemble de la presse médicale".

Il note la "formation insuffisante" des médecins sur les médicaments et pour lui, "les visiteurs médicaux sont des hauts-parleurs de l'industrie pharmaceutique".

Difficile, en effet de s'y retrouver parmi les quelque 12.000 spécialités commercialisées, dont une large part se copient entre elles, selon ce spécialiste.

Le système d'autorisation de mise sur le marché n'exige pas de preuve de progrès thérapeutique, déplore Prescrire pour qui pouvoirs publics et agences sanitaires ont tendance à privilégier l'intérêt économique et celui des firmes, au détriment des patients.

Aux "rayons des nouveautés", Gaspard, petit bonhomme au grand chapeau, mi-apothicaire, mi médecin de Molière, illustre le tri effectué par la revue : il botte au loin la gélule "à écarter" ou scrute la pilule "éventuellement utile".

L'appréciation prend en compte la balance bénéfices-risques du médicament mais aussi sa valeur relative par rapport à ceux déjà disponibles.

Mais Prescrire n'est pas "Proscrire", prévient le pharmacien Pierre Chirac. La revue fourmille de conseils thérapeutiques, de médicaments à retenir. Elle organise des tests de lecture, qui rencontrent un certain succès car c'est une façon de se former, de mémoriser et..."d'alléger des ordonnances".

Chaque année, la revue dresse un palmarès des médicaments : Pilule d'Or s'il y a un réel progrès thérapeutique, "lanterne rouge" aux firmes qui font de la rétention d'informations.

Dès 1981, dans son numéro 1, Prescrire se penchait déjà sur les effets indésirables de la nitrofurantoïne, un vieil antibiotique contre les infections urinaires (cystites), aujourd'hui sur la sellette en raison notamment de graves troubles hépatiques...

Prescrire est membre d'un réseau international de revues indépendantes et du Collectif Europe et Médicament qui se bat pour une transparence bien difficile à obtenir.

BC/ah/phc

Rédigé par Par Brigitte CASTELNAU le Samedi 8 Janvier 2011 à 06:46 | Lu 715 fois