La relève peine à venir pour l'artisanat marquisien


Si l'art marquisien semble beaucoup intéressé les étrangers de la Terre des hommes, il peine à séduire les jeunes générations de l'archipel.
PAPEETE, le 22 novembre 2018 - ​Le 47ème salon des Marquises a officiellement ouvert ses portes hier du côté du parc expo de Mamao. Sur place plus d'une centaine d'artisans de l'archipel y exposent des tikis, tapas, et autres sculptures en bois ou en pierre. Un savoir traditionnel qui peine à séduire les jeunes générations de la terre des hommes.  

Les pahu, orero, et les chants ont résonné hier du côté du parc expo de Mama'o, annonçant l'ouverture officielle du 47e Salon des Marquises. Organisé par la fédération "Te tuhuka o te henua enana", présidée par Stéphane Tuohe, cette nouvelle édition du salon bis-annuel rassemble plus d’une centaine d’artisans tous originaires des îles de Ua Pou, Ua Huka, Nuku Hiva, Hiva Oa, Tahuata et Fatu Hiva.
 
C'est donc le moment de découvrir ou de re-découvrir les spécialités de chacune des îles de l'archipel, au travers d'objets exposés et mis en vente. De la pyrogravure sur bambou aux tapa, en passant par les sculptures sur os, bois, pierre ou rostre d’espadon et créations en graines, ce salon est la parfaite vitrine des arts du Henua Enana.  
 
Une vitrine victime de son succès. Certains exposants avaient déjà vendu hier une grande partie de leurs objets. C'est le cas par exemple de Margarette, originaire de Fatu Hiva : "Le salon n'était même pas encore ouvert que les gens, des touristes et des locaux, étaient déjà venus acheter mes tiki en bois. Il me reste une petite dizaine de tiki à vendre." Même situation pour  Pierre, un sculpteur de Ua Huka, qui présentait déjà hier un stand dépouillé par les nombreux visiteurs du salon. "A ce rythme je n'aurai plus rien d'ici dimanche, et je rentrerai plus tôt aux Marquises", s'amuse l'artiste.

"LES JEUNES S'INTERESSENT PLUS AU SPORT "

Si l'art marquisien semble beaucoup intéresser les étrangers de la Terre des hommes, il peine à séduire les jeunes générations de l'archipel. Il est en effet difficile de trouver des artisans âgés de moins de 30 ans sur le salon. "En ce moment aux Marquises, les jeunes s'intéressent plus au sport comme le futsal, ou le va'a, et se détournent du coup de l'artisanat", regrette Marie-Joseline, artisane de Fatu Hiva.
 
"Les jeunes n'ont plus la patience d'apprendre. Ils veulent que tout soit fait en un claquement de doigts aujourd'hui. Alors que l'artisanat nécessite de la patience, et beaucoup de travail", explique de son côté Margarette, qui a tenté en vain de former des jeunes de son île.
 
Pour sa part Georges, tailleur de pierre de Ua Pou, a initié son fils aîné, Poetai 22 ans à son art dès son plus jeune âge. "C'est important de transmettre notre savoir à nos enfants pour ne pas que notre culture disparaisse. Je suis fier de lui parce qu'il expose avec moi au salon. Il a encore du travail pour peaufiner sa technique, mais il est sur la bonne voie."  
 
Poetai quant à lui semble ravi d'avoir fait le choix de la vie d'artisan : "ce n'est pas tous les jours facile, mais au moins je gagne ma vie avec les objets que je fabrique."

PAROLE A

Marie-Joseline, artisane de Fatu Hiva
"J'essaye d'initier mes nièces"

En tout cas beaucoup de jeunes de mon île arrêtent l'école très tôt, et ne font rien de leur journée. Alors qu'ils pourraient se lancer dans l'artisanat pour gagner de l'argent. Je vis de l'artisanat depuis sept ans maintenant. Je fais de la sculpture sur bois, et je fais du tapa. Mon mari, qui est sculpteur, vit aussi de ça. Personne ne m'a appris à faire tout ce que je sais faire aujourd'hui. Mais j'ai beaucoup observé les mama de l'île quand elles travaillaient. Et aujourd'hui j'arrive à faire des pièces qui intéressent beaucoup de gens. J'arrive à vivre de mon art, même si c'est beaucoup de travail tous les jours. Je n'ai pas encore d'enfants, donc j'essaye d'initier mes nièces pour le moment à la peinture sur de petites toiles de tapa. Après si elles sont toujours intéressées par l'artisanat je leur apprendrai davantage.

Simon, sculpteur de Fatu Hiva
"Le travail dans la poussière peut décourager"

Je sculpte des tiki. Il me faut à peu près deux mois de travail pour en finir un, que je vends ensuite autour d'un million de franc. Je peux comprendre que le travail manuel, ou dans la poussière peut décourager certains jeunes à devenir artisans. Il y a aussi des jours où je travaille jusqu'à minuit. Ce n'est pas tous les jours facile, mais si tu fais du bon travail, tu peux très bien gagner ta vie comme artisan. Mon fils travaille avec moi quand il vient en vacances. Je lui ai dit de se concentrer sur ses études pour le moment. Mais que s'il souhaitait devenir sculpteur, je l'encouragerai dans sa démarche.  

Poetai et Georges, sculpteurs de Ua Pou
"Important de transmettre notre savoir"

Poetai : C'est la première fois que j'expose au salon. C'est vraiment très bien parce que je suis au contact des clients, et ça me fait plaisir de voir que mes sculptures plaisent aux gens. Depuis tout petit je m'intéresse au travail de mon père. Quand il allait sculpter des pierres je l'ai toujours suivi, et donc je me suis mis naturellement  à faire la même chose. Ce n'est pas tous les jours facile, mais au moins je gagne ma vie avec les objets que je fabrique.
 
Georges : Je suis très fier d'avoir mon fils à côté de moi au salon. C'est important de transmettre notre savoir à nos enfants pour ne pas que notre culture disparaisse. Aujourd'hui il se débrouille assez bien, même si il a encore du travail. Mais c'est en tout cas très bien qu'il s'intéresse à sa culture. J'espère que ça va continuer.

Rédigé par Désiré Teivao le Jeudi 22 Novembre 2018 à 17:22 | Lu 2054 fois