La relance de l'emploi encore à la traîne en Polynésie


"La construction demeure depuis cinq ans le secteur le plus touché, 1 500 emplois ont été détruits depuis 2008". Extrait du Bilan annuel de l'emploi en 2013, publié par l'ISPF en septembre 2014.
PAPEETE, le 17 décembre 2014. En 2013, environ 500 emplois avaient été détruits par rapport à l'année précédente portant à près de 9 000 le nombre d'emplois perdus en six ans. En 2014 cette baisse s'annonce moins flagrante selon les chiffres publiés chaque mois par l'Institut de la statistique. Pour autant, c'est encore loin d'être satisfaisant et la population attend toujours les effets du plan de relance gouvernemental.
19 mois après le changement de majorité politique en Polynésie française, le bilan en matière de création d'emplois reste négatif. En 2014 certainement encore, -les chiffres pour les trois derniers mois ne sont pas encore disponibles auprès de l'ISPF- l'année s'achèvera certainement avec la destruction de plusieurs dizaines d'emplois. Selon les tendances mensuelles publiées par l'Institut de la statistique, cette destruction d'emplois devrait cependant être moins sensible que l'année précédente. En octobre, l'ISPF tablait sur une stabilité de l'emploi sur l'année évaluée à - 0,3% (la baisse était de -0,8% en 2013).

Bref, la stabilité réelle se cherche encore et l'emploi est soumis à des variations de yoyo avec des progressions suivies de nouvelles baisses. D'autant que l'emploi ne subit pas les mêmes variations en fonction des secteurs d'activité : ainsi, les créations d'emploi dans certains secteurs d'activité –l'industrie ou l'hôtellerie/restauration- ne compensent pas les baisses, encore sensibles dans d'autres. D'après les projections réalisées par l'ISPF sur l'année 2014 complète, le secteur de la construction reste par exemple sinistré avec un recul de 7,3% de l'emploi en un an, alors que partout ailleurs, l'emploi salarié marchand devrait se stabiliser.

En dépit de la relance de la commande publique (plus de 23 milliards de Fcfp de travaux effectués cette année), la traduction en matière d'emplois qui serait la grande victoire du gouvernement sur les années de crise, n'est pas encore au rendez-vous. Il faut dire que la commande publique a fait jusqu'ici intervenir essentiellement des entreprises des travaux publics aux lourdes machines sur les routes polynésiennes, des chantiers certes importants, mais qui ne mobilisent pas beaucoup de main d'œuvre. Sans une reprise d'activité dans le bâtiment, la commande publique n'a pas eu jusqu'ici d'effet levier sur l'emploi.

Faute de pouvoir se féliciter d'une inversion de la courbe du chômage, le gouvernement polynésien mettait en avant, début octobre "le déclin interrompu" de l'emploi après deux mois consécutifs de stabilisation. Pour le vice-président Nuihau Laurey qui remettait au moment de la formation du gouvernement Fritch son portefeuille de l'économie à Jean-Christophe Bouissou, cette impossibilité à redresser l'emploi était un regret palpable de son action volontariste. A la fin du mois d'octobre, dans son discours sur les orientations budgétaires, le président Edouard Fritch plaçait "l'amplification et la diversification des mesures de soutien à l'activité économique et à la création d'emploi" en priorité N°2, juste derrière le redressement des finances publiques.

Puis, l'annonce fin novembre par le ministre de l'économie Jean-Christophe Bouissou d'un "plan de dynamisation de l'économie à l'horizon 2016" a soufflé le froid sur l'enthousiasme encore partagé par certains entrepreneurs d'une hypothétique reprise économique, repoussant à fin mars 2015, via une Conférence économique, les grandes orientations prévues pour le développement du Pays ! Il n'en fallait pas plus pour que le patron des patrons polynésiens exprime sa "fiu" attitude dans un éditorial du Medef, publié ce mardi. Dans sa "Lettre au Père Noël", Olivier Kressmann rappelle ces dix années de piétinement de l'économie locale pendant lesquelles il a vu de "jeunes entrepreneurs originaires du Pays, perdre patience et finir par aller réaliser leurs projets innovants ailleurs, au grand drame de tous ceux qui rêvent de trouver un emploi". Ce mercredi 17 décembre, le site Internet du Sefi (service de l'emploi de la formation et de l'insertion) proposait 225 offres d'emploi à pourvoir. Au total, 2523 offres d'emploi ont été proposées tout au long de l'année 2013 –un chiffre en baisse de 33%- quand, dans le même temps, le service a comptabilisé jusqu'à 17 400 demandeurs d'emploi inscrits…


ZOOM SUR LES CHIFFRES

En Polynésie française, on comptait 59 925 salariés du secteur marchand en juillet 2014. Ils étaient 69 788 en décembre 2007. Dans le même temps, le personnel public d'Etat (forces armées comprises) a beaucoup moins baissé qu'on ne le pense en général : au plus fort, ces fonctionnaires d'Etat étaient 11 988 en Polynésie française en 2007 et 10 111 en 2013.

La grève "de conviction" des agents du Sefi

Dans une lettre adressée à leurs collègues en activité, la poignée d'agents grévistes du Sefi –ils sont moins de 10- explique que le mouvement de protestation entamé depuis le 9 décembre est "une grève de conviction". Les grévistes ne réclament "pas plus d'argent, pas moins de travail, mais une organisation plus cohérente pour être plus utile aux usagers". Et de citer des chiffres parlants : en 2014, selon ces agents les "offres d'emploi ont fait un nouveau recul à 2300 offres, preuve à nos yeux que le Sefi est passif" ; "nous allons clore l'année sur un record battu dans toute l'histoire de l'agence pour l'emploi en Polynésie, avec plus de 29 000 demandeurs d'emploi pour 68 salariés (…) Vous l'avez tous compris, nous dénonçons l'incapacité de la direction à soulager la pression du travail qui s'exerce sur les salariés, son incapacité à fluidifier et animer le marché autrement que par des formules toutes faites".

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 17 Décembre 2014 à 20:41 | Lu 1250 fois