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La réforme des experts-comptables bien reçue par l’APC


Tahiti, le 22 avril 2025 - La proposition de loi du Pays visant à ouvrir la profession de comptable libéral continue de recueillir les avis. Après la colère partagée par Vincent Law, président de l'ordre des experts-comptables de Polynésie française dans nos colonnes, le 3 avril dernier, c’est au tour de l’Autorité de la concurrence qui a communiqué son avis ce mardi, saisie par le président de l’assemblée de la Polynésie française, Antony Géros.

 
Le texte qui vise à réglementer l'exercice de la profession de comptable libéral et à instituer un ordre des comptables libéraux, a déjà été étudié en commission du Cesec, et c'est un avis défavorable qui a été rendu en séance plénière.
 
Cette proposition de loi entend ouvrir la profession de comptable libéral aux diplômés du DCG, le diplôme de comptabilité et gestion, autrement dit des Bac+3, qui en sont exclus depuis la loi de 2018 qui a réglementé le titre et la profession d'expert-comptable. Une restriction afin de palier le problème d’offre de comptabilité externalisée au Fenua. Vincent Law estimait au début du mois que cette réforme tirait la profession vers le bas. “C'est donner une fausse crédibilité à des gens qui légitimement n'en auraient pas”, estimait-il.
 
Dans son rapport, l’Autorité de la concurrence est moins incisive dans sa réaction et ses recommandations. En effet, si l’APC “reconnaît les objectifs d’intérêt général poursuivis par le texte”, elle “souligne l’existence de mesures alternatives moins restrictives”.

Dynamiser la concurrence

L’Autorité constate pour sa part, sur le sujet du manque d’experts-comptables en Polynésie, que “le constat relatif à l’existence de besoins non pourvus interroge au regard du fait que le nombre d’experts-comptables est en croissance” mais estime aussi que “la proposition de loi du Pays devrait dynamiser la concurrence entre acteurs exerçant dans le domaine comptable”.
 
De plus, l’APC recommande de mettre en œuvre des permanences régulières dans les archipels éloignés, ce que ne propose par l’ancienne loi, comme la nouvelle.
 
Sur la baisse des prix, exercés par les experts-comptables actuels, espérée par l’arrivée de nouveaux professionnels de la comptabilité dans le secteur, l’Autorité semble rejoindre les élus dans l’effet espéré, mais tempère néanmoins. “Il apparait très probable que l’installation de nouveaux comptables libéraux exercera une pression à la baisse sur les prix proposés par les experts-comptables, pour ce qui concerne les prestations sur lesquelles ces professions seront en concurrence. (…) Pour autant, ce raisonnement n’est envisageable qu’à la condition qu’un nombre suffisant de comptable libéral s’installe pour exercer une pression concurrentielle crédible.”
 
Enfin, elle rejoint la lecture du texte faite par Vincent Law concernant la crédibilité de ces nouveaux comptables. “La pérennisation du corps des comptables libéraux doit être conditionnée à l’adoption de garanties suffisantes et proportionnées pour assurer des prestations de qualité suffisante à une information comptable et financière fiable”, analyse le rapport de l’APC.

Divergence de point de vue sur les seuils


Pour Vincent Law, président de l'ordre des experts-comptables de Polynésie française, le seuil introduit dans la loi de 200 millions de francs de chiffre d’affaires au-dessus duquel il serait obligatoire de prendre un expert-comptable et pas seulement un comptable indépendant, est une aberration. “Dire qu'on ne s'occupe que des petites entreprises en limitant à 200 millions, c'est se moquer du monde parce que ça concerne les 95% de l'économie ! Comment peut-on accepter de dire à 95% de l'économie qu'elle n'a pas besoin de consulter un expert-comptable”, expliquait-il alors.
 
Une vision que ne partage pas l’Autorité qui explique que la mise en place de ces seuils revient à “organiser simplement le partage du marché de la comptabilité externalisée en consacrant des domaines réservés au profit des experts-comptables. Ces restrictions basées sur l’importance des entreprises clientes constituent une restriction de concurrence caractérisée à l’encontre de la profession de comptable libéral”, explique-t-elle.
 
L’Autorité préconise cependant que les seuils “soient levés afin que les entreprises puissent choisir d’externaliser la tenue, la centralisation, l’ouverture et l’arrêt de leur comptabilité auprès du professionnel libéral de leur choix après une éventuelle mise en concurrence”.

L’ordre des comptables libéraux “superfétatoire”


Prévu dans le nouveau texte, la création d’un ordre des comptables libéraux n’est pas non plus bien reçue par l’APC, qui le considère comme “superfétatoire”. “Une telle initiative introduit une complexité institutionnelle supplémentaire et crée un risque d’ambiguïté quant à la répartition des compétences entre les deux professions”, explique l’Autorité de la concurrence. “Ce chevauchement institutionnel est susceptible d’entretenir un flou concurrentiel préjudiciable à la lisibilité du secteur pour les entreprises clientes, tout en générant des conflits de périmètre entre les deux ordres professionnels sur les missions respectives, la régulation des pratiques et la représentation de la profession dans son ensemble.”
 
L’APC conclut quelques paragraphes plus loin que “ouvrir à nouveau, comme en 2018, la possibilité de pouvoir être agréé en tant que comptable libéral en ayant seulement le diplôme du baccalauréat, crée un risque de dégrader le niveau et la qualité des prestations de services de comptabilité”.
 
De fait, elle “recommande d’opter pour une intégration des comptables libéraux au sein de l’ordre existant des experts-comptables”.

Les recommandations
  • Développer les centres de gestion agréés (CGA) ;
  • Établir des permanences régulières dans les archipels éloignés ;
  • Renforcer la formation comptable en Polynésie française ;
  • Supprimer la possibilité de dérogation au niveau de diplôme requis ;
  • Élargir les types de structures permettant d’acquérir l’expérience professionnelle requise ;
  • Reconnaître l’expérience professionnelle acquise hors de la Polynésie française ;
  • Intégrer les comptables libéraux dans l’ordre existant des experts-comptables ;
  • Supprimer le double mécanisme d’agrément et d’inscription à l’ordre ;
  • Supprimer les seuils au-delà desquels les comptables libéraux ne peuvent intervenir, et prévoir une clef de répartition par missions ;
  • Encadrer strictement le pouvoir d’agrément du Président de la Polynésie française ;
  • Fixer une durée maximale à la sanction de suspension disciplinaire.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Mercredi 23 Avril 2025 à 09:19 | Lu 2600 fois