La reconnaissance d'un Etat palestinien enflamme l'Assemblée nationale


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Paris, France | AFP | mardi 28/05/2024 -L'éventuelle reconnaissance d'un Etat palestinien a agité mardi l'Assemblée nationale, où un député La France insoumise a été exclu après avoir brandi un drapeau palestinien en plein hémicycle, alors qu'une réponse évasive de Gabriel Attal avait déjà indigné la gauche.

Sébastien Delogu s'est levé pendant la séance de questions au gouvernement pour agiter ce drapeau, après une intervention d'une autre députée insoumise, Alma Dufour, sur l'offensive israélienne à Rafah dans le sud de la bande de Gaza, où une frappe meurtrière sur un camp de déplacés palestiniens a suscité l'indignation internationale.

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a dénoncé un comportement "inadmissible" et suspendu la séance.

Convoqué immédiatement, le bureau de l'Assemblée a proposé d'exclure le député des Bouches-du-Rhône pour 15 jours de séance, en raison du "tumulte" provoqué. La sanction, la plus lourde possible selon le règlement de la chambre basse, a été validée par les élus dans l'hémicycle.

LFI a aussitôt fait part de sa "stupéfaction" quand la majorité, LR et le RN saluaient la décision.

Entre-temps, le tumulte s'est poursuivi Salle des Quatre colonnes, où une vive altercation verbale est intervenue entre le député LFI David Guiraud et son collègue du parti Les Républicains Meyer Habib, proche du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Ce monsieur est un porc, il fait honte à la France", a lancé le premier, "espèce de pourriture", a répondu le second. Les huissiers se sont interposés.

Ces scènes enflammées interviennent le jour où trois pays européens - l'Espagne, l'Irlande et la Norvège - ont formellement reconnu l'Etat de Palestine dans le but affiché de favoriser la paix.

En France, le camp présidentiel reste circonspect, voire partagé sur cette option qui provoque la fureur d'Israël.

- "Minable et politicienne" -
Interrogé à l'Assemblée, peu avant cet incident, le Premier ministre a esquivé la question.

"Oui ou non, le gouvernement français va-t-il enfin reconnaître l'État de Palestine?", a demandé la cheffe de file des députés écologistes Cyrielle Châtelain.

Gabriel Attal n'a pas répondu, mais il a accusé l'élue d'"appeler à un cessez-le-feu" à Gaza "sans appeler clairement" à la "libération" des otages.

Or Cyrielle Châtelain avait entamé son intervention en rappelant que les écologistes se joignaient "à la demande de libération des otages retenus par les terroristes du Hamas".

Elle a déploré ensuite "une réponse minable et politicienne" du chef du gouvernement, alors que les esprits commençaient déjà à s'échauffer.

Emmanuel Macron avait déclaré mi-février que "la reconnaissance d'un Etat palestinien" n'était "pas un tabou pour la France", franchissant un pas diplomatique notable.

Mais pour la tête de liste macroniste aux élections européennes, Valérie Hayer, "les conditions ne sont pas réunies", même s'il faudra aboutir "à une solution à deux Etats". Une position alignée sur celle de la diplomatie française.

Elle était interrogée lors d'un débat sur BFMTV lundi soir sur les déclarations du numéro deux de sa liste, Bernard Guetta, qui s'est lui prononcé pour une reconnaissance de "l'existence d'un Etat palestinien".

Mardi sur LCI, Bernard Guetta a semblé rejoindre Mme Hayer pour dire que cette reconnaissance n'était "pas forcément (pour) maintenant" sinon elle serait perçue comme une "mesure de rétorsion" aux bombardements d'Israël sur Rafah.

L'ex-chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, qui pilote le comité de soutien de Valérie Hayer, considère pour sa part que ce geste diplomatique est devenu "indispensable", notamment pour faire pression sur Israël.

L'Etat de Palestine est désormais reconnu par 145 des 193 Etats membres de l'ONU, selon un décompte de l'Autorité palestinienne. Mais aucun pays du G7 n'a franchi le pas.

La gauche française est unanime à réclamer une telle reconnaissance. La députée écologiste Sabrina Sebaihi a ainsi déploré mardi une "illisibilité totale" de l'exécutif.

De leur côté, la droite et l'extrême droite ne veulent pas en entendre parler. 

Cela "reviendrait à légitimer le Hamas", a jugé le président du Rassemblement national Jordan Bardella. La tête de liste LR aux européennes François-Xavier Bellamy a lui évoqué un "grand danger" qui risque de "donner le sentiment que l'on donne raison à ceux qui ont déclenché l'attentat terroriste du 7 octobre".

La guerre dans la bande de Gaza a été déclenchée par une attaque sans précédent du groupe islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien le 7 octobre qui a causé la mort d'environ 1.170 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

Israël a lancé en représailles une opération militaire dans la bande de Gaza qui a fait plus de 36.000 morts, en majorité des civils, d'après le ministère de la Santé du Hamas.

le Mardi 28 Mai 2024 à 07:10 | Lu 524 fois