Le hall de la Caisse de protection sociale à Mamao accueille une exposition didactique sur les 20 ans de la PSG avec des panneaux bourrés de chiffres qui montrent l'importance de ces prestations et le besoin, urgent, de les pérenniser.
PAPEETE, le 28 octobre 2015. En 1995 la mise en place de la protection généralisée en Polynésie française assurait un accès pour tous aux soins et l'ouverture de minima sociaux, un sacré bond en avant. 20 ans plus tard, cette PSG a du mal à financer les retraites en raison d'un déséquilibre entre le nombre de cotisants en activité et l'enveloppe des pensions à payer. Mais, la nécessaire réforme tarde à se mettre en place.
C'est symptomatique : poser des questions au sujet de la réforme de la protection sociale généralisée au gouvernement relève en ce moment presque du tabu. Il serait "trop tôt" pour en parler nous a-t-on répondu il y a quelques semaines. Pourtant la mise en place de cette réforme pour rééquilibrer le versant retraite de cette PSG est non seulement primordiale mais inscrite dans la convention du retour de l'Etat au financement du régime de solidarité territorial (RST ou RSPF).
L'absence, ce mercredi matin, de la ministre de la solidarité Tea Frogier à l'ouverture de l'exposition sur les 20 ans de la PSG dans les locaux de la Caisse de prévoyance sociale à Mamao était révélateur, même si on nous répondra que la réunion hebdomadaire du conseil des ministres était prioritaire. Soit. Mais faute d'avoir des réponses sur le calendrier de cette réforme, sur son avancement, on comprend bien que les projets de loi du Pays sont loin d'être prêts. D'après des partenaires sociaux, la rédaction de ces textes n'aurait même pas commencé car les propositions initiales apportées par le gouvernement ont été considérées comme inacceptables. "Invendable" lance le président du conseil d'administration de la CPS, Yves Laugrost issu du sérail syndical (voir en interview ci-dessous). Au point, qu'il n'espère plus de texte pour la fin de l'année 2015.
Pourtant, il va bien falloir s'y mettre. La tranche A de la retraite est déficitaire depuis 2008. Entre 2009 et 2014, il a manqué à la CPS plus de 23 milliards de francs de cotisations pour couvrir les besoins de la retraite : pour payer les pensions dues, la caisse a pioché dans ses réserves. Si rien n'est fait, dès l'année prochaine, le risque est de voir les montants des pensions retraites diminuer de près de 20% pour les ajuster aux recettes réellement perçues en cotisation. Une situation explosive et impossible à justifier pour les retraités actuels qui ont cotisé tout au long de leur vie professionnelle et verraient leurs propres efforts de solidarité ne pas être payants au moment de leur cessation d'activité.
Depuis une bonne dizaine d'années la situation est connue, des centrales syndicales ont lancé des alertes, des alarmes même. Le coût de la PSG a triplé en 20 ans et l'écart entre recettes et cotisations a atteint son niveau de rupture avec le passage de la crise économique : moins de cotisants et une progression exponentielle des ressortissants du régime de solidarité territorial (RST) qui bénéficient des prestations familiales et d'une couverture santé mais sans participer financièrement au régime. "On paie des années d'instabilité où il était difficile de faire des réformes" commente Armelle Merceron, vice-présidente du comité de gestion du régime de solidarité territorial (RST). "Il y a des décisions à prendre" poursuit-elle. Quand ? La question reste posée d'autant que le gouvernement n'a plus de majorité à l'assemblée de Polynésie : la réforme de la PSG est donc de nouveau aux prises de positions politiques contraires. A suivre…
C'est symptomatique : poser des questions au sujet de la réforme de la protection sociale généralisée au gouvernement relève en ce moment presque du tabu. Il serait "trop tôt" pour en parler nous a-t-on répondu il y a quelques semaines. Pourtant la mise en place de cette réforme pour rééquilibrer le versant retraite de cette PSG est non seulement primordiale mais inscrite dans la convention du retour de l'Etat au financement du régime de solidarité territorial (RST ou RSPF).
L'absence, ce mercredi matin, de la ministre de la solidarité Tea Frogier à l'ouverture de l'exposition sur les 20 ans de la PSG dans les locaux de la Caisse de prévoyance sociale à Mamao était révélateur, même si on nous répondra que la réunion hebdomadaire du conseil des ministres était prioritaire. Soit. Mais faute d'avoir des réponses sur le calendrier de cette réforme, sur son avancement, on comprend bien que les projets de loi du Pays sont loin d'être prêts. D'après des partenaires sociaux, la rédaction de ces textes n'aurait même pas commencé car les propositions initiales apportées par le gouvernement ont été considérées comme inacceptables. "Invendable" lance le président du conseil d'administration de la CPS, Yves Laugrost issu du sérail syndical (voir en interview ci-dessous). Au point, qu'il n'espère plus de texte pour la fin de l'année 2015.
Pourtant, il va bien falloir s'y mettre. La tranche A de la retraite est déficitaire depuis 2008. Entre 2009 et 2014, il a manqué à la CPS plus de 23 milliards de francs de cotisations pour couvrir les besoins de la retraite : pour payer les pensions dues, la caisse a pioché dans ses réserves. Si rien n'est fait, dès l'année prochaine, le risque est de voir les montants des pensions retraites diminuer de près de 20% pour les ajuster aux recettes réellement perçues en cotisation. Une situation explosive et impossible à justifier pour les retraités actuels qui ont cotisé tout au long de leur vie professionnelle et verraient leurs propres efforts de solidarité ne pas être payants au moment de leur cessation d'activité.
Depuis une bonne dizaine d'années la situation est connue, des centrales syndicales ont lancé des alertes, des alarmes même. Le coût de la PSG a triplé en 20 ans et l'écart entre recettes et cotisations a atteint son niveau de rupture avec le passage de la crise économique : moins de cotisants et une progression exponentielle des ressortissants du régime de solidarité territorial (RST) qui bénéficient des prestations familiales et d'une couverture santé mais sans participer financièrement au régime. "On paie des années d'instabilité où il était difficile de faire des réformes" commente Armelle Merceron, vice-présidente du comité de gestion du régime de solidarité territorial (RST). "Il y a des décisions à prendre" poursuit-elle. Quand ? La question reste posée d'autant que le gouvernement n'a plus de majorité à l'assemblée de Polynésie : la réforme de la PSG est donc de nouveau aux prises de positions politiques contraires. A suivre…
+ 197% C'est l'augmentation entre 1995 et 2014 des dépenses de la PSG. En 2014, près de 85% des prestations servies par la Caisse de prévoyance sociale se rapportent à la santé et à la vieillesse. Le financement de la PSG est assuré à 66,2% par les cotisations des employeurs et des salariés. Cette participation a triplé en l'espace de 20 ans.
Yves Laugrost, président du conseil d'administration de la CPS.
Yves Laugrost, président du conseil d'administration de la CPS
La réforme de la PSG où en est-on ?
C'est le gouvernement qui porte cette réforme. Sur la maladie il y a eu un consensus sur la réforme de l'assurance maladie entre les différents partenaires : gouvernement, CPS, employeurs et certaines organisations syndicales pour faire un régime d'assurance maladie unique financé par une cotisation de type CSG qui viendrait se substituer aux cotisations.
Donc on sépare maladie et retraite : qu'est-ce que ça apporte ?
D'abord ça élargit l'assiette de cotisation puisque aujourd'hui les entreprises au travers des salariés et de la part patronale cotisent pour 75% des dépenses à travers la CST. L'idée c'est d'élargir l'assiette de cotisation et de faire participer plus de monde au financement.
Les salariés vont-t-ils devoir payer plus ?
Non, la logique veut qu'en élargissant on fait payer moins ! On n'a pas encore les chiffres mais on a des idées là-dessus : les salariés devraient payer moins. La réforme sur ce sujet avait été initiée par les partenaires sociaux en 2011 et présentée alors au gouvernement Temaru. On n'a fait que reprendre les travaux faits à l'époque.
On a pris du retard ?
Sur la maladie on n'a pas pris de retard on va avoir normalement un budget à l'équilibre cette année sur l'assurance maladie mais par contre sur la retraite on a de vraies difficultés et on a pris énormément de retard, on a 15 ans de retard.
Et la retraite, du coup, on la finance comment ?
En sortant la maladie ça nous permet de récupérer des marges de manœuvre sur la retraite. On peut surtout arriver à une réforme équilibrée sans forcément que ça soit trop pénible. Car aujourd'hui, tel que ça a été présenté par M. Luc Tapeta ce n'est pas acceptable par les salariés et je crois même que les employeurs ne sont pas favorables à ça car pour leurs salariés c'est invendable.
Ça mettrait le feu aux poudres ?
Voilà, tout à fait.
La réforme de la PSG où en est-on ?
C'est le gouvernement qui porte cette réforme. Sur la maladie il y a eu un consensus sur la réforme de l'assurance maladie entre les différents partenaires : gouvernement, CPS, employeurs et certaines organisations syndicales pour faire un régime d'assurance maladie unique financé par une cotisation de type CSG qui viendrait se substituer aux cotisations.
Donc on sépare maladie et retraite : qu'est-ce que ça apporte ?
D'abord ça élargit l'assiette de cotisation puisque aujourd'hui les entreprises au travers des salariés et de la part patronale cotisent pour 75% des dépenses à travers la CST. L'idée c'est d'élargir l'assiette de cotisation et de faire participer plus de monde au financement.
Les salariés vont-t-ils devoir payer plus ?
Non, la logique veut qu'en élargissant on fait payer moins ! On n'a pas encore les chiffres mais on a des idées là-dessus : les salariés devraient payer moins. La réforme sur ce sujet avait été initiée par les partenaires sociaux en 2011 et présentée alors au gouvernement Temaru. On n'a fait que reprendre les travaux faits à l'époque.
On a pris du retard ?
Sur la maladie on n'a pas pris de retard on va avoir normalement un budget à l'équilibre cette année sur l'assurance maladie mais par contre sur la retraite on a de vraies difficultés et on a pris énormément de retard, on a 15 ans de retard.
Et la retraite, du coup, on la finance comment ?
En sortant la maladie ça nous permet de récupérer des marges de manœuvre sur la retraite. On peut surtout arriver à une réforme équilibrée sans forcément que ça soit trop pénible. Car aujourd'hui, tel que ça a été présenté par M. Luc Tapeta ce n'est pas acceptable par les salariés et je crois même que les employeurs ne sont pas favorables à ça car pour leurs salariés c'est invendable.
Ça mettrait le feu aux poudres ?
Voilà, tout à fait.
Régis Chang, directeur de la CPS.
Régis Chang, directeur de la CPS
Savez-vous où nous en sommes de la réforme de la PSG ?
Des réformes on en a fait beaucoup déjà depuis cinq ans, progressivement sur les principales branches de l'assurance maladie et des retraites. Ce qui est enclenché depuis quelques années, c'est une remise à plat du système global.
Et cette remise à plat, ça se fera comment précisément ?
C'est une réforme globale dans laquelle on doit mettre la famille au centre de la protection sociale, ensuite discuter de la prise en charge de la maladie, puis probablement ajuster les paramètres de la retraite et enfin réfléchir sur les risques nouveaux qui sont à relever, notamment la dépendance.
C'est là une partie du problème du financement de cette PSG : on a plus de maladie parce qu'on vit plus vieux mais moins de cotisants parce qu'il y a la crise économique…
On a un système par répartition où les actifs cotisent pour les inactifs, effectivement la protection sociale est étroitement liée à l'économie de la Polynésie. Tout dépend de la situation de cette économie. Par exemple, pour cette année en 2015, la protection sociale est bien meilleure que ce qu'on a connu au cours des six dernières années. La masse salariale progresse un peu, donc en cotisations nous avons plus de recettes. Les réformes mises en œuvre sur les retraites anticipées notamment et les ajustements sur l'assurance maladie vont permettre cette année, sauf pour la retraite A des régimes des salariés, d'avoir trois régimes à l'équilibre.
On nous a agité un chiffon rouge qui n'était pas nécessaire ?
Non, les réformes de 2013 portent leurs fruits. Maintenant il convient de poursuivre les efforts réalisés mais en ouvrant le volet de la famille. Depuis 1995 c'est une branche qui n'a pas fait l'objet d'une modernisation. Est-ce qu'il ne convient pas d'ajouter des prestations légales ? En Polynésie nous n'avons par exemple de prestations légales sur les aides au logement pour les jeunes… Certaines prestations légales verront probablement le jour, un dispositif d'aides sociales, des allocations familiales sous conditions de ressources, ça fait partie des sujets abordés… Mais la famille doit être mise au centre de la protection sociale.
Savez-vous où nous en sommes de la réforme de la PSG ?
Des réformes on en a fait beaucoup déjà depuis cinq ans, progressivement sur les principales branches de l'assurance maladie et des retraites. Ce qui est enclenché depuis quelques années, c'est une remise à plat du système global.
Et cette remise à plat, ça se fera comment précisément ?
C'est une réforme globale dans laquelle on doit mettre la famille au centre de la protection sociale, ensuite discuter de la prise en charge de la maladie, puis probablement ajuster les paramètres de la retraite et enfin réfléchir sur les risques nouveaux qui sont à relever, notamment la dépendance.
C'est là une partie du problème du financement de cette PSG : on a plus de maladie parce qu'on vit plus vieux mais moins de cotisants parce qu'il y a la crise économique…
On a un système par répartition où les actifs cotisent pour les inactifs, effectivement la protection sociale est étroitement liée à l'économie de la Polynésie. Tout dépend de la situation de cette économie. Par exemple, pour cette année en 2015, la protection sociale est bien meilleure que ce qu'on a connu au cours des six dernières années. La masse salariale progresse un peu, donc en cotisations nous avons plus de recettes. Les réformes mises en œuvre sur les retraites anticipées notamment et les ajustements sur l'assurance maladie vont permettre cette année, sauf pour la retraite A des régimes des salariés, d'avoir trois régimes à l'équilibre.
On nous a agité un chiffon rouge qui n'était pas nécessaire ?
Non, les réformes de 2013 portent leurs fruits. Maintenant il convient de poursuivre les efforts réalisés mais en ouvrant le volet de la famille. Depuis 1995 c'est une branche qui n'a pas fait l'objet d'une modernisation. Est-ce qu'il ne convient pas d'ajouter des prestations légales ? En Polynésie nous n'avons par exemple de prestations légales sur les aides au logement pour les jeunes… Certaines prestations légales verront probablement le jour, un dispositif d'aides sociales, des allocations familiales sous conditions de ressources, ça fait partie des sujets abordés… Mais la famille doit être mise au centre de la protection sociale.