A La Havane, sur l'île de Cuba, un médecin contrôle la pression d'un patient AFP PHOTO/STR
"Quand je suis à l'extérieur, je pense aussi au pays. Quand j'étais à New York, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'ambassadeur de Cuba. Je lui ai demandé également dix médecins généralistes, parce que nous manquons cruellement de médecins. Alors il était très étonné, il pensait que dans ce pays il y a tout ce qu'il faut. J'ai dit non, nous manquons de médecins. Il m'a demandé d'envoyer une lettre à la Havane au gouvernement cubain et je vais le faire. Et je vais peut-être me rendre à Cuba pour voir comment ils font au niveau de la santé. Et j'espère que ces médecins cubains seront bien reçus ici.”
Ces propos, tenus par Oscar Temaru sur le plateau de Polynésie Première dimanche soir, ont été accueillis avec amertume, mais surtout, fatalisme par les médecins qui exercent en Polynésie française. "Ses déclarations ne nous étonnent plus" commente le président du syndicat des médecins libéraux de Polynésie française, Pascal Szym, qui rappelle que le manque de médecins dans les dispensaires est dû essentiellement aux problèmes administratifs et budgétaires du Pays (On se souvient du conflit social engagé par les médecins de l'hôpital d'Uturoa pour obtenir l'embauche d'un pédiatre, en juillet) .
Et selon le docteur Szym, la situation n'est guère plus brillante du côté des médecins libéraux, une population vieillissante et qui refuse de faire plus d'efforts pour le sauvetage de la PSG. Ce chirurgien négocie actuellement au nom de son syndicat le renouvellement de la Convention qui les lie à la CPS. Et se dit déjà au bord de la rupture. Selon nos informations, le gouvernement et la Caisse seraient sur le point de leur proposer une baisse de 400 francs des honoraires conventionnés, ainsi qu'une baisse du tarif des actes médicaux. Une nouvelle réunion de discussions doit avoir lieu vendredi. La signature de la convention devra intervenir, elle, au plus tard en janvier. "S’ils nous proposent ça, c’est clair qu’en janvier personne ne signera, et on va au bras de fer" assure le Dr Szym, pour qui la Polynésie pourrait alors effectivement, se retrouver en manque de médecins.
Interview.
Tahiti Infos : Oscar Temaru a déclaré qu’il souhaitait faire appel à des médecins cubains. Vous avez été choqué par ces propos ?
Dr Pascal Szym : Des médecins cubains à Tahiti ? Il faut savoir que sur le plan légal, ces médecins ne peuvent pas exercer à Tahiti. Les diplômes de médecine ne sont pas reconnus partout, et en Polynésie pour l’heure, jusqu’à l’indépendance, seuls les médecins français peuvent exercer. Mais ces déclarations ne nous étonnent plus, on commence à avoir l’habitude des propos ubuesques. On entend depuis deux ans sur la réforme de la PSG des bêtises plus grosses que celui qui les sort. Toutefois mon rôle n’est pas de critiquer le président, je ne suis pas là pour faire de la politique, mais pour défendre ma profession. Notons tout de même que la majorité des politiques, lorsqu’ils sont malades, vont en France en Evasan. La prochaine fois qu’Oscar sera malade, ira-t-il se faire soigner à Cuba ?
Peut-on parler de pénurie de médecins en Polynésie comme l’a fait Temaru ?
Ça dépend de quoi on parle. Il y a trois grandes médecines : hospitalière, privée, et de dispensaire. Cette dernière a quasiment disparu, puisqu’il n’y a presque plus de médecins, non pas faute de candidats mais parce qu’ils ne sont pas payés. Donc le bénévolat, ça va un temps, mais les médecins finissent pas partir. Ensuite il y a la médecine hospitalière publique, à laquelle ils n’osent pas toucher pour l’instant. Et puis enfin, il y a la médecine libérale. Le gouvernement et la CPS préparent une nouvelle convention qui est encore dans les cartons et qui nous sera proposée au moins de janvier . Si mes informations sont exactes, cette convention prévoit une baisse de 25% à 50% de nos honoraires. Elle ne sera signée par personne, on ira au bras de fer, donc il n’y aura plus de médecine conventionnée libérale en Polynésie.
Ça fait deux ans, trois ans qu’on fait sans arrêt des économies. L’année dernière on a fait 500 millions d’économies et personne ne le dit. Cette année au 1er semestre on est à 250 millions à peu près. On fait déjà beaucoup d’efforts qui ne sont pas reconnus.
La Polynésie ne serait donc plus attractive pour les médecins ?
Citons l’exemple d’une jeune femme, fille d’un médecin local. Elle a fait ses études de médecine en France, et est devenue spécialiste en néphrologie. Elle est venue travailler après son diplôme au CHT, mais elle a jeté l’éponge au bout de deux ans. Elle est repartie en métropole. Les jeunes médecins ne veulent pas venir en Polynésie, avec la convention qu’on nous prépare. Résultat, 10 cabinets de médecins sont en vente, et ne trouvent pas de repreneurs. La moyenne d’âge des médecins en Polynésie est de 54 ans. Les jeunes préfèrent aller s’installer en France, ils peuvent s’installer sans avoir à reprendre un cabinet, et la sécurité sociale ne leur baisse pas leurs honoraires tous les 36 du mois, et ne les menace pas non plus de les renvoyer dans leur pays, comme on nous l’a déjà dit en réunion. Quand vous êtes un jeune médecin tout juste diplômé, avant de vous installer quelque part, vous regardez les relations conventionnelles avec votre partenaire, c’est-à-dire la CPS ici. Et quand les jeunes voient la convention qui se prépare, ils font demi-tour tout de suite, c’est clair.
Les médecins pourtant ne vivent pas si mal en Polynésie ?
Depuis 1995, les actes techniques n’ont jamais été augmentés, ils n’ont fait que baisser. Quant à la consultation, elle a baissé, augmenté, baissé, augmenté…elle est relativement stable, mais elle est plus à la baisse qu’à la hausse. En 15 ans, trouvez une profession qui n’a pas augmenté mais baissé ses tarifs, en Polynésie ou ailleurs ! Et pendant ce temps nos frais augmentent sans arrêt, nos assurances, nos cotisations… donc on arrive à un point de rupture.
La Polynésie compte 202 médecins libéraux, spécialistes et généralistes, en ville et en clinique, pour l'essentiel installés sur l'île de Tahiti.
Ces propos, tenus par Oscar Temaru sur le plateau de Polynésie Première dimanche soir, ont été accueillis avec amertume, mais surtout, fatalisme par les médecins qui exercent en Polynésie française. "Ses déclarations ne nous étonnent plus" commente le président du syndicat des médecins libéraux de Polynésie française, Pascal Szym, qui rappelle que le manque de médecins dans les dispensaires est dû essentiellement aux problèmes administratifs et budgétaires du Pays (On se souvient du conflit social engagé par les médecins de l'hôpital d'Uturoa pour obtenir l'embauche d'un pédiatre, en juillet) .
Et selon le docteur Szym, la situation n'est guère plus brillante du côté des médecins libéraux, une population vieillissante et qui refuse de faire plus d'efforts pour le sauvetage de la PSG. Ce chirurgien négocie actuellement au nom de son syndicat le renouvellement de la Convention qui les lie à la CPS. Et se dit déjà au bord de la rupture. Selon nos informations, le gouvernement et la Caisse seraient sur le point de leur proposer une baisse de 400 francs des honoraires conventionnés, ainsi qu'une baisse du tarif des actes médicaux. Une nouvelle réunion de discussions doit avoir lieu vendredi. La signature de la convention devra intervenir, elle, au plus tard en janvier. "S’ils nous proposent ça, c’est clair qu’en janvier personne ne signera, et on va au bras de fer" assure le Dr Szym, pour qui la Polynésie pourrait alors effectivement, se retrouver en manque de médecins.
Interview.
Tahiti Infos : Oscar Temaru a déclaré qu’il souhaitait faire appel à des médecins cubains. Vous avez été choqué par ces propos ?
Dr Pascal Szym : Des médecins cubains à Tahiti ? Il faut savoir que sur le plan légal, ces médecins ne peuvent pas exercer à Tahiti. Les diplômes de médecine ne sont pas reconnus partout, et en Polynésie pour l’heure, jusqu’à l’indépendance, seuls les médecins français peuvent exercer. Mais ces déclarations ne nous étonnent plus, on commence à avoir l’habitude des propos ubuesques. On entend depuis deux ans sur la réforme de la PSG des bêtises plus grosses que celui qui les sort. Toutefois mon rôle n’est pas de critiquer le président, je ne suis pas là pour faire de la politique, mais pour défendre ma profession. Notons tout de même que la majorité des politiques, lorsqu’ils sont malades, vont en France en Evasan. La prochaine fois qu’Oscar sera malade, ira-t-il se faire soigner à Cuba ?
Peut-on parler de pénurie de médecins en Polynésie comme l’a fait Temaru ?
Ça dépend de quoi on parle. Il y a trois grandes médecines : hospitalière, privée, et de dispensaire. Cette dernière a quasiment disparu, puisqu’il n’y a presque plus de médecins, non pas faute de candidats mais parce qu’ils ne sont pas payés. Donc le bénévolat, ça va un temps, mais les médecins finissent pas partir. Ensuite il y a la médecine hospitalière publique, à laquelle ils n’osent pas toucher pour l’instant. Et puis enfin, il y a la médecine libérale. Le gouvernement et la CPS préparent une nouvelle convention qui est encore dans les cartons et qui nous sera proposée au moins de janvier . Si mes informations sont exactes, cette convention prévoit une baisse de 25% à 50% de nos honoraires. Elle ne sera signée par personne, on ira au bras de fer, donc il n’y aura plus de médecine conventionnée libérale en Polynésie.
Ça fait deux ans, trois ans qu’on fait sans arrêt des économies. L’année dernière on a fait 500 millions d’économies et personne ne le dit. Cette année au 1er semestre on est à 250 millions à peu près. On fait déjà beaucoup d’efforts qui ne sont pas reconnus.
La Polynésie ne serait donc plus attractive pour les médecins ?
Citons l’exemple d’une jeune femme, fille d’un médecin local. Elle a fait ses études de médecine en France, et est devenue spécialiste en néphrologie. Elle est venue travailler après son diplôme au CHT, mais elle a jeté l’éponge au bout de deux ans. Elle est repartie en métropole. Les jeunes médecins ne veulent pas venir en Polynésie, avec la convention qu’on nous prépare. Résultat, 10 cabinets de médecins sont en vente, et ne trouvent pas de repreneurs. La moyenne d’âge des médecins en Polynésie est de 54 ans. Les jeunes préfèrent aller s’installer en France, ils peuvent s’installer sans avoir à reprendre un cabinet, et la sécurité sociale ne leur baisse pas leurs honoraires tous les 36 du mois, et ne les menace pas non plus de les renvoyer dans leur pays, comme on nous l’a déjà dit en réunion. Quand vous êtes un jeune médecin tout juste diplômé, avant de vous installer quelque part, vous regardez les relations conventionnelles avec votre partenaire, c’est-à-dire la CPS ici. Et quand les jeunes voient la convention qui se prépare, ils font demi-tour tout de suite, c’est clair.
Les médecins pourtant ne vivent pas si mal en Polynésie ?
Depuis 1995, les actes techniques n’ont jamais été augmentés, ils n’ont fait que baisser. Quant à la consultation, elle a baissé, augmenté, baissé, augmenté…elle est relativement stable, mais elle est plus à la baisse qu’à la hausse. En 15 ans, trouvez une profession qui n’a pas augmenté mais baissé ses tarifs, en Polynésie ou ailleurs ! Et pendant ce temps nos frais augmentent sans arrêt, nos assurances, nos cotisations… donc on arrive à un point de rupture.
La Polynésie compte 202 médecins libéraux, spécialistes et généralistes, en ville et en clinique, pour l'essentiel installés sur l'île de Tahiti.