La prescription cassée dans l'affaire Haddad-Flosse


Tahiti, le 5 janvier 2023 – La Cour de cassation a cassé, le 5 janvier, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Papeete qui avait prononcé, le 19 novembre 2019, la prescription de l'affaire de favoritisme, trafic d'influence et corruption dite “Haddad-Flosse”. Ce dossier, qui avait vu le jour en 2007, va désormais être renvoyé devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
 
Énième rebondissement dans l'affaire de favoritisme, trafic d'influence et corruption impliquant l'ancien président du Pays, Gaston Flosse, l'homme d'affaires Hubert Haddad ainsi que plusieurs hommes politiques. Dans un arrêt rendu jeudi, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction qui avait prononcé la prescription de l'un des plus importants dossiers d'atteintes à la probité de l'histoire de la Polynésie.

Dans sa décision, à laquelle Tahiti Infos a eu accès, la Cour de cassation a estimé, à l'inverse de la chambre de l'instruction de Papeete et des avocats, que les appels formulés dans cette affaire par les prévenus et le ministère public les 16 et 22 janvier 2013 étaient bien des actes interruptifs de prescription. Elle a par ailleurs affirmé qu'en prononçant la prescription dans cette affaire le 19 novembre 2019, la chambre de l'instruction avait “méconnu les textes” relatif à la prescription de l'action publique.
 
“Délibération spéciale”

Rappelons que cette affaire a fait l'objet d'un procès en correctionnelle en 2012 au terme duquel Gaston Flosse, Hubert Haddad et sept autres prévenus avaient été condamnés à des peines allant jusqu'à cinq ans de prison et d'inéligibilité. Lors du procès en appel deux ans plus tard, la cour d'appel avait à la fois annulé le jugement du tribunal correctionnel et l'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction en raison d'un vice de forme. Poursuivi, entre autres, pour des soupçons de favoritisme visant les sociétés SEP, Air Tahiti Nui et TNTV, l'ancien président n'ayant en effet jamais été entendu sur le sujet.

Or, saisie par les avocats des mis en cause, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Papeete avait estimé le 19 novembre 2019 qu'avec l'annulation de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et du jugement de 2012, l'affaire était prescrite puisqu'un délai de trois ans était passé entre le réquisitoire définitif rendu en 2011 et tout autre acte de poursuite dans la procédure. La prescription en matière de trafic d'influence et de favoritisme était alors de trois ans.
 
Pots-de-vin
 
La Cour de cassation a, elle, estimé que les appels formulés en 2013 par le parquet et les avocats étaient des actes interruptifs de prescription et a donc renvoyé l'affaire devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, une décision “prise par délibération spéciale en chambre du conseil”.

Notons que dans le cadre de cette affaire, l'ancien président, Gaston Flosse, est soupçonné d'avoir, entre 1993 et 2006, perçu plus de 190 millions de Fcfp de pots-de-vin de ma part de l'homme d'affaires, Hubert Haddad. Il aurait, en contrepartie, usé de son pouvoir pour favoriser les entreprises de ce dernier. Le préjudice matériel subi par l'Office des postes et télécommunications avait été évalué, en 2013, à 492,8 millions de Fcfp.
 
“Délai insensé”

 
Contacté jeudi, l'avocat de Gaston Flosse, Me François Quinquis, a dénoncé une “situation inextricable” : “ Cette décision n'est pas une surprise puisqu'il est manifeste que la Cour de cassation a, entre guillemets, voulu sauver ou tenter de sauver un dossier qui est bien mal parti. Maintenant, je souhaite bon courage et bonne chance à l'autorité de poursuite qui voudra régulariser cette situation qui, en raison des décisions déjà intervenues est devenue totalement inextricable. L'affaire est renvoyée à Paris probablement car le dossier en lui-même était susceptible de créer un certain émoi dans la communauté judiciaire.”

Également interrogé, l'avocat d'Hubert Haddad, Me Benoît Bouyssié, a quant à lui évoqué un “délai non plus déraisonnable mais insensé au sens étymologique du terme”. Pour l'avocat de l'homme d'affaires, “le combat cessera un jour faute de combattants”.

 


Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 5 Janvier 2023 à 09:07 | Lu 4131 fois