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"La plus grande pollution nucléaire est encore durablement dans nos esprits" (Rohfritsch)


Teva Rohfritsch, jeudi 4 décembre à l'Assemblée
Teva Rohfritsch, jeudi 4 décembre à l'Assemblée
PAPEETE, 4 décembre 2014 – Lors du débat budgétaire, jeudi matin, le représentant autonomiste d'opposition Teva Rohfritsch a mis à profit le temps de parole de son groupe pour souligner les divisions qui animent la majorité Tahoera'a et l'analyse de la politique économique que soutient son mouvement.

Il a fait le plaidoyer de la vision libérale défendue par son mouvement politique. L’initiative privée est présentée comme le véritable moteur de l’Economie, son accompagnement doit se conjuguer avec un désengagement de la puissance publique dans l’économie. La "dualité entre la relance et la rigueur n’a à mon sens plus trop de justification aujourd’hui car elle est fondée sur le postulat selon lequel la collectivité publique fait l’Economie : c’est justement ce que nous devons tous ensemble changer", a-t-il estimé.

Le leader du mouvement A Ti’a Porinetia est également largement revenu sur l’épisode du vote, la semaine dernière, de la résolution pour une indemnisation des conséquences environnementales du nucléaire en Polynésie française. Il s’en est pris à mots couverts au leader du Tahoera’a huira’atira, Gaston Flosse, en critiquant une ambition politique de la main tendue avant d’appeler à écrire une motion "pour la dépollution nucléaire de nos esprits et de nos façons de faire".

Il termine en interpellant le Président Edouard Fritch : "Nous voterons en faveur de votre budget si celui-ci n’est pas dénaturé, déséquilibré, déstabilisé par voie d’amendements par ceux et celles qui vous sourient, guidés par la même force obscure qui guette votre moindre faux pas pour faucher d’un coup de lame l’élan que vous tentez d’insuffler".

Discours de Teva Rohfritsch

"Un homme debout va toujours plus loin que celui qui reste assis. Un homme debout voit toujours plus loin et que celui qui se contente de contempler son nombril dans le lit de l’insouciance.

La Polynésie française, notre pays, a besoin aujourd’hui d’hommes et de femmes debout, droit dans leurs bottes, décidés à avancer pour l’intérêt général et non pas pour satisfaire la somme des intérêts particuliers de ses amis et autres redevables. La Polynésie a besoin d’hommes et de femmes courageux, déterminés, réfléchis, travailleurs, et elle doit se défaire des carpettes ou des affairistes, les uns servant les autres, les autres n’existant que grâce aux premiers, l’ensemble s’évertuant à vivre sur la bête en la maintenant tout juste en vie pour luis soutirer ce qu’elle peut leur offrir. La Polynésie ne peut plus se satisfaire des déclarations d’opérettes et des pirouettes des uns et des autres pour justifier l’injustifiable en veillant à chaque instant à préserver un équilibre douteux entre la satisfaction de son égo, de sa soif de pouvoir et d’argent et le prétendu bien être des Polynésiens.

La plus grande pollution nucléaire est encore durablement dans nos esprits : celle qui consiste à penser que pour avoir il faut réclamer, pour obtenir il faut trépigner, pour gagner la confiance il faut mentir, pour avancer il faut tourner le dos à l’avenir, pour vaincre il faut trahir.

Notre économie est en panne, le gouvernement s’est efforcé de recharger la batterie et de redémarrer le moteur. Il est grand temps de tourner la clé du contact mais surtout de la faire à nouveau avancer. Car un moteur qui tourne à vide finira à coup sûr par se vider de tout carburant inutilement.

Ceci ne signifie néanmoins pas faire n’importe quoi et nous l’avons bien compris ce n’est pas dans cet état d’esprit que le gouvernement a préparé cet exercice budgétaire que nous nous apprêtons à examiner. La rigueur ou la relance reste à notre sens un débat tiré des livres d’économie et bientôt d’histoire des années 80 où s’affrontaient ces deux thèses au lendemain des chocs pétroliers qui ont pu révéler dans les faits la désuétude de plus en plus affirmée de l’intervention publique sur une économie qui s’affranchissait peu à peu du tout Etat. Cette dualité entre la relance et la rigueur n’a à mon sens plus trop de justification aujourd’hui car elle est fondée sur le postulat selon lequel la collectivité publique fait l’économie : c’est justement ce que nous devons tous ensemble changer.

L’économie réelle, solide, tangible doit être faite par les acteurs économiques et en premier lieu le secteur privé. Il faut donc poursuivre l’œuvre de libéralisation, d’allègement des procédures et des contraintes administratives, libérer notre tissu d’entreprises de cette toile d’araignée tissée patiemment et résolument au temps du tout nucléaire, de l’argent facile et surtout des privilèges que certains ont voulu s’octroyer sur le dos d’un Pays qui savait pourtant que ce temps ne durera… qu’un temps. Voici le sens vrai et entier de la reconversion économique et tout l’enjeu de l’orientation d’un budget d’investissement qui ne doit pas être simplement conçu pour dépenser et occuper une main d’œuvre faiblement qualifiée mais davantage pensé comme une voir d’orientation, de structuration, un souffle d’espoir et d’encouragement à un tissu économique en pleine régénération. La puissance publique est un acteur économique indéniable. Elle doit le rester mais avec cette priorité qui n’est pas de faire à la place du privé mais de préparer, de soutenir et d’encourager ce que l’initiative et l’esprit d’entreprise doivent confirmer et consolider. Nous reviendrons dans nos débats sur les investissements chinois que nous encourageons à ce titre dans le secteur du tourisme mais continuons de rejeter les projets risquant de mettre en péril notre écosystème dans les domaines de nos ressources alimentaires et de l’exploitation de nos lagons. En résumé nous disons à ATP : OUI aux touristes chinois, NON à la mort de nos lagons.

La puissance publique doit jouer ce rôle moteur, ce rôle d’entrainement au travers de ses investissements ciblés, structurants et générateurs d’activité, d’emplois et de développement intégré. Elle doit pour cela améliorer ses performances et se débarrasser de son embonpoint comme un athlète se prépare à la compétition avec méthode, rigueur et constance. Cette rigueur sert à la performance de sa capacité de déploiement et donc à la relance. Ces deux concepts ne doivent donc plus s’opposer.

Un budget de fonctionnement affuté sert à propulser le moteur économique adapté à la course que l’on souhaite lui faire gagner. En ce sens nous souscrivons aux efforts du Gouvernement d’Edouard FRITCH en faveur de l’ajustement sincère et rigoureux du budget de fonctionnement, du rétablissement d’un autofinancement net séduisant, de la limitation du recours nouveau à l’endettement à moins de 7 milliards quand près de 50% des crédits de 2014 sont reportés sur 2015, nous souscrivons au principe qui vise à inscrire des montants d’investissements plus proches de ce que l’on pourra réaliser car au-delà de l’affichage d’une programmation pharaonique, ce qui comptera effectivement, c’est son niveau réel d’exécution. Aussi soutenons-nous l’objectif d’injecter en 2015 25 milliards de FCFP d’investissements publics quand la machine publique polynésienne a pu sombrer à 13 milliards les années passées.

Les Polynésiens le savent déjà : l’avenir c’est l’effort et la responsabilité. Ca n’est pas la piste des clowns ni celle des inconscients. C’est encore moins celle des ripoux qui cherchent à sauver leurs privilèges sur le dos de la bête à l’agonie. Notre protection sociale est entrée en salle de réanimation et risque la mort clinique. On ne la ramènera pas à la vie avec des massages aux huiles essentielles ni avec des recettes de grand-mère. Il faut avoir le courage de brandir les électrochocs et de prendre les mesures à la hauteur des enjeux de sa survie. Rien ne sera plus impopulaire à terme que de constater l’échec de ceux qui se sont contentés de regarder le malade mourir de sa belle mort avec une bouteille d’huiles essentielles plutôt que de tenter de le réanimer. Un électro choc laissera des traces mais la peau finit toujours par cicatriser… Si le malade reste en vie.

Nous vous soutiendrons si vous prenez les décisions ce que la raison appelle de toutes ses entrailles et vous appelons à réunir rapidement une table ronde pour enfin trancher sur ces questions de la générosité et du financement de l’assurance maladie avec notamment la question du niveau du ticket modérateur, de la pérennité du système de retraite et notamment la question de l’âge de départ à la retraite parmi plusieurs mesures fortes à prendre… Osons braver les tabu ! Les placards sont remplis d’études et de recommandations. Il est temps de prendre des décisions et de les partager avec tous ceux qui croient dans notre capacité collective à assumer nos responsabilités d’élus et de décideurs pour le bien de tous, quitte à déplaire sur le moment
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Nous sommes en pleine transition politique car notre société a évolué. La Polynésie des 40 glorieuses du nucléaire a changé. Deux mondes s’affrontent y compris dans notre assemblée. Le pathétique épisode de la motion sur Moruroa et Fangataufa en est la plus belle démonstration. 18 ans après l’arrêt des essais nucléaires mais aussi 18 ans après la création des multiples fonds en faveur de la reconversion de notre économie, de charte de développement, de pacte de progrès, de contrats de développement, d’états généraux, de contrats de projet, de DGDE, d’instruments financiers… Alors que notre PSG est en faillite, que le développement de nos ressources propres et au point mort, que notre tourisme se tape la tête sous la barre des 180000 visiteurs laborieusement, que notre agriculture s’étouffe de ses pesticides et de sa commercialisation anarchique, que notre pêche se meurt à quai de subventions subversives quand des flottilles étrangères viennent piller notre océan en flirtant avec nos limites de zones exclusives. Ne faudrait-il pas écrire une motion appelant les architectes de ce système et les gouvernements successifs à faire la lumière sur l’utilisation de ces milliards de fonds publics déversés à perte au regard des résultats que nous constatons ? Les 90 milliards sont largement dépassés dans ces puits de gaspillage de l’argent public. Où est passé tout cet argent déversé par la France toutes ces années ??? Qui est le premier responsable de ces gaspillages ? Qui indemnisera les générations futures sur autant de gâchis ?? Nous devrions écrire une motion donc, monsieur le Président, pour la dépollution nucléaire de nos esprits et de nos façons de faire !!!

Et tout ceci n’est pas un reproche fait à notre gouvernement actuel mais au système entretenu depuis 50 ans, cette économie de la chute d’eau qui consiste pour une faible partie de la population à placer tous les récipients possible le long de cette chute afin de capter individuellement un maximum de cette ressource sans penser à la fertilisation du sol en contre bas et à tous ceux qui doivent se contenter des quelques gouttes que les paniers percés placés plus haut daigneront leur laisser pour apaiser leur soif.

Alors après 18 ans mais je dirai même 50 ans de gaspillages, de tromperies, de gabegies et de prébendes, alors que le débit d’eau commence à se réduire en haut de la cascade des fonds publics français, que viennent faire les partisans du vieux système et leurs dignes redevables ? Veulent-ils changer le système nucléaire ??? Veulent-ils tourner cette page ??? NON !!!!!

Ils viennent réclamer l’ouverture de nouveaux robinets artificiels en instrumentalisant la cause du nucléaire devenue une arme pointée sur la tempe de celui que l’on appelle à l’aide au nom de la fraternité et de la solidarité nationale. Mais sur qui cette arme était-elle vraiment pointée ?

Il n’est pas question dans cette fameuse résolution de faire de cette cascade artificielle une source de développement réel, il n’est pas question d’élargir le cercle fermé de ceux qui profitent du système, il n’est pas question de se soucier réellement des déchets atomiques et de leur évolution à venir dans un sous-sol océanique fragilisé par les explosions répétées, il n’est pas question de se soucier de nos lagons et nos îles qui souffrent de ces pollutions nucléaires …

Cette résolution portait bien son nom car elle a confirmé qu’une partie de notre famille autonomiste reste résolue à mettre un prix sur chaque meuble de la maison, à vendre ce qu’elle a de plus précieux, à brader ce que nos parents lui ont laissé pour continuer de vivre comme si rien n’avait changé et prolonger un maximum ce système pernicieux mais confortable pour eux, quitte à servir la cause indépendantiste et se rabibocher le temps d’une motion et plus si affinité, quitte à agresser sa propre famille au pouvoir, son propre gouvernement, quitte à poignarder dans le dos l’Etat, ce partenaire que l’on appelle au chevet de notre société malade de son diabète de fonds public, accro du pakalolo de fcfp qu’elle ne cesse de vouloir fumer.

Alors effectivement nous n’avons pas souhaité tomber dans le piège grotesque qui était tendu, celui de mettre une étiquette et un prix à la cause nucléaire non pas pour traiter le sujet de fond mais pour obtenir encore de quoi dépenser, festoyer et se gaver sur les tombes de nos anciens à quelques kilomètres des déchets atomiques enfouis pour l’éternité.

L’UPLD n’est pas tombé dans le piège mais a sauté les bras ouverts sur cette occasion inespérée depuis les dernières élections qui lui a été donnée par une partie des autonomistes d’alimenter son combat historique en faveur de la décolonisation et de l’indépendance de la Polynésie. On vous accusait de compromission et de traitrise de votre famille politique monsieur le Président lorsque vous avez voulu non pas ouvrir la majorité mais simplement ouvrir certains conseils d’administration à l’opposition et je parle bien en particulier de l’opposition autonomiste. On a fait voter un conseil politique et un grand conseil pour savoir si ATP pouvait siéger dans un CA mais qui a été consulté au sein de votre parti pour savoir si Moruroa, Fangataufa et la mémoire de nos disparus valaient bien 90 milliards ? Fort heureusement vous n’avez pas inscrit cette recette dans votre budget 2015.

Ceux-là même qui vous pointaient d’un doigt accusateur se sont jetés dans les bras de nos amis indépendantistes et n’hésiteront pas à poursuivre cette entreprise de vengeance et de déstabilisation quitte à saborder l’autonomie elle-même en préparant une nouvelle évolution statutaire pour séduire à nouveau les ennemis d’hier, et peut être les convaincre de vous faire tomber. Gaston TONG SANG depuis Paris doit revoir le film des élections de 2008 où le vote des électeurs avait été trahi. Il transpire des couloirs sombres de notre assemblée qu’un nouveau statut d’Etat-associé serait en cours de conception depuis le Haut Conseil créé à coups de centaines de millions de FCFP et certainement dans votre dos pour tenter de sceller à nouveau une alliance sacrée contre la France. Il s’agit de faire payer la France coûte que coûte car elle n’aura pas accordé sa grâce présidentielle et par la même occasion vous faire payer votre émancipation au sein de votre famille qui est sensée vous porter.

Monsieur FRITCH il est temps de rassembler autour de vous pour une cause saine et sincère en faveur d’une Polynésie debout, responsable et digne au sein de l’ensemble républicain !! Ouvrons un dialogue confiant, franc et direct, sans tabou avec l’Etat et rejetons toute cette hypocrisie qui ne vise qu’à vous faire échouer quitte à couler la pirogue polynésienne. On va encore continuer longtemps à supporter tout ça ? Wake up chers collègues de la majorité arrêtez de cautionner ce qui finira par vous enterrer tous au fond du puits de la soumission et de la compromission !!

Faaitoito Monsieur le Président et à votre gouvernement tout entier. Nous voterons en faveur de votre budget si celui-ci n’est pas dénaturé, déséquilibré, destabilisé par voie d’amendements par ceux et celles qui vous sourient, guidés par la même force obscure qui guette votre moindre faux pas pour faucher d’un coup de lame l’élan que vous tentez d’insuffler. Si déséquilibrage il y a par des amendements sauvages et contrenature, le groupe A TI’A PORINETIA reviendra sur sa position au terme de l’examen du document budgétaire.

Monsieur le Président nous sommes convaincus que c’est dans le rassemblement des bonnes volontés que notre pays trouvera la force de se relever et surtout de changer de système.

A TI’A PORINETIA !!! A ti’a ana’e !! Levons-nous tous ensemble chers amis, bougeons et osons changer le monde ! En commençant par changer ce qui nous touche le plus : notre Pays. Faisons de notre fierté pour notre Fenua, non plus une fabrique d’égos à l’autel de la suffisance, mais une machine à gagner les défis que seuls l’union, la sueur et la persévérance nous permettront de faire triompher
".

Réaction du président de l’assemblée Marcel Tuihani, à la reprise de la séance budgétaire

Le président de l'Assemblée de Polynésie française s'est fait remplacé au perchoir, à la reprise séance vers 13h30, pour apporter une réponse à la polémique ouverte en milieu de matinée par Teva Rohfritsch :

"Madame la présidente, j’ai souhaité intervenir dans le cadre de nos discussions en ce qui concerne le budget. Bien entendu ce matin il m’était interdit de réagir aux interventions des différents groupes politiques. J’ai bien entendu écouté et observé les interventions des uns et des autres, de tout bord politique dans notre hémicycle, et j’ai été sensible à la qualité de ces interventions.

Malheureusement, chers collègues, je suis en quelque sorte obligé de réagir aux propos qui ont été tenus par le président d’A Tia Porinetia ce matin, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention évidemment. J’ai écouté ses propos, et je ne peux pas cacher mon sentiment en ce qui concerne le manque de respect que l‘on pourrait éventuellement déceler s’agissant d’un homme souvent évoqué, apprécié, ou pas apprécié, mais qui de mon point de vue mérite avant tout le respect.

Nous sommes tous des Polynésiens de souche ou de cœur, je suis Polynésien. Mon éducation m’a conduit a respecter mes pairs, qu’on les apprécie ou pas. Mon éducation m’a conduit à respecter le travail accompli. Malheureusement ce matin nous avons été confronté à ce que je pourrais qualifier, et je pense que c’est un constat souvent fait dans le milieu sportif, d’un coup bas ! Ce n’est pas digne des Polynésiens. Je ne veux pas tomber dans le piège des propos irrespectueux, et je veux rester digne, debout, face aux gens, afin de donner mon sentiment.

Il est d’ailleurs assez étonnant que l‘opposition UPLD, le Tavini Huiraatira, accorde plus de respect aux personnalités de notre pays. J’invite, et je vous invite, chers collègues, à ce que nos débats soient animés de respect. J’invite, et je vous invite cher collègue, à ce que nos débats mettent avant tout la situation de notre Polynésie et des Polynésiens au centre de nos discussions. De mon point de vue, ce sont les seules choses qui comptent.

Je vous remercie
"

Rédigé par JPV le Jeudi 4 Décembre 2014 à 11:48 | Lu 1227 fois