Tahiti Infos

La peine maximale de 20 ans de réclusion requise contre Dominique Pelicot


Benoit PEYRUCQ / AFP
Benoit PEYRUCQ / AFP
Avignon, France | AFP | lundi 25/11/2024 - Espérant que ce procès des viols de Mazan permette de "changer les rapports entre hommes et femmes", l'accusation a requis la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle à l'encontre de Dominique Pelicot pour ses "agissements abjects" commis sur son épouse Gisèle.

"Je vous demanderai de déclarer Dominique Pelicot coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés", a lancé la vice-procureure Laure Chabaud au sujet du septuagénaire, dénominateur commun des 50 coaccusés de ce procès hors norme, ces 50 hommes de 26 à 74 ans auxquels il avait livré sa désormais ex-épouse, préalablement sédatée aux anxiolytiques, à leur domicile conjugal de Mazan (Vaucluse), entre juillet 2011 et octobre 2020.

"20 ans, c'est à la fois beaucoup (...) mais c'est aussi trop peu au regard de la gravité des faits", a souligné la représentante du parquet, en demandant "qu'à la fin de sa peine (l'accusé) fasse l'objet d'un réexamen en vue d'une éventuelle mesure de rétention".

Evoquant chez le principal accusé, 71 ans, une "personnalité structurée sur un mode pervers", la magistrate a estimé que celui-ci était à la "recherche de son propre plaisir" via la "soumission, l'humiliation, voire l'avilissement de son épouse".

Dominique Pelicot, qui n'a jamais caché sa responsabilité, se qualifiant lui-même de "violeur", a cependant paru touché par la peine requise contre lui. "Il est abattu, il n'est jamais très simple pour un homme d'entendre qu'une peine de 20 ans est requise à son encontre", a témoigné son avocate, Me Béatrice Zavarro, lors d'une suspension d'audience.

Concernant Caroline, la fille du couple Pelicot, persuadée d'avoir elle aussi été victime de viol ou d'agression sexuelle de la part de celui qu'elle n'appelle plus que son "géniteur", Laure Chabaud a estimé que si "la justice n'a pas pour objectif de laisser une victime sur le bord du chemin", aucun élément n'a été trouvé permettant à ces "souffrances de trouver une traduction juridique". 

- Après Gisèle Halimi, Gisèle Pelicot -

Ouvrant le réquisitoire du parquet lundi matin, Jean-François Mayet, procureur de la République adjoint d'Avignon, avait lui estimé que "l'enjeu" de ce procès "n'est pas une condamnation ou un acquittement" mais de "changer fondamentalement les rapports entre hommes et femmes".

Cette question "de la domination masculine sur les femmes" est un sujet "loin d’être inconnu de tous", a-t-il rappelé, dressant un parallèle avec le procès des viols d'Aix-en-Provence de 1978, où une autre Gisèle, l'avocate Gisèle Halimi, avait fait reconnaître le viol comme un crime.

Hasard du calendrier, le début de ce réquisitoire coïncidait avec la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, "un symbole de plus" relevé par Antoine Camus, l'un des deux avocats des parties civiles.

Et ces réquisitions étaient scrutées de près tant la victime principale, Gisèle Pelicot, 71 ans, a accédé au statut d'icône féministe après avoir refusé que le procès se déroule à huis clos, "pour que la honte change de camp", et tant l'écho de ce procès, couvert en quasi-mondovision avec 138 médias accrédités dont 57 étrangers, a dépassé les frontières de la France. 

"C'est beaucoup d'émotion", avait seulement lâché lundi matin Mme Pelicot, à nouveau très applaudie à son arrivée au tribunal.

Après avoir abordé le cas de Dominique Pelicot, l'accusation a requis une peine d'emprisonnement de 17 ans contre Jean-Pierre M., seul accusé à ne pas être poursuivi pour agression sexuelle sur Gisèle Pelicot mais sur sa propre épouse.

Puis, avant de commencer à aborder dans l'après-midi les 49 autres cas individuels de ce procès hors norme, Laure Chabaud a battu en brèche par anticipation les arguments de la défense, rejetant les supposés "consentement implicite" ou "consentement par procuration" qu'aurait donnés Mme Pelicot: "On ne peut plus, en 2024, dire +puisqu'elle n'a rien dit, elle était d'accord+, c'est d'un autre âge".

Les coaccusés pouvaient-ils légitimement croire qu'ils participaient au scenario d'un couple libertin, où l'épouse ferait semblant de dormir ? Ont-ils été "manipulés" par Dominique Pelicot ? Leur discernement était-il altéré au moment des faits, comme l'ont encore suggéré les avocats de 33 d'entre eux mercredi ? 

Non, a répondu la magistrate, notant notamment que "si les vidéos montrent une certaine insistance, aucune pression, aucun chantage, aucune menace n'est perceptible". Quant à l'état physique de Mme Pelicot, "inerte" sur les vidéos, il est "particulièrement saisissant", a-t-elle souligné, et il ne laissait aucun doute sur son incapacité à accorder son consentement à quoi que ce soit.

- "De la nuance" -

Si la plupart des accusés sont poursuivis pour les mêmes faits, à savoir des viols aggravés sur Gisèle Pelicot, et risquent donc également 20 ans de prison, l'individualisation des peines est obligatoire. Et le parquet devrait sans doute distinguer les récidivistes - dix hommes sont venus plusieurs fois - de ceux venus une seule fois à Mazan. 

"Il faut de la nuance dans les peines, ça on ne peut le comprendre qu'en suivant le procès", a témoigné auprès de l'AFP Brigitte Jossien, 74 ans, directrice de magasin à la retraite, arrivée dès 05h45 du matin lundi pour assister au procès. 

Pour les collectifs féministes qui ont apposé une banderole sur les remparts en face du tribunal, la demande était elle très claire: "20 ans pour chacun".

Le réquisitoire est en principe prévu sur trois jours mais il pourrait s'achever dès mercredi en fin de matinée. La parole sera dans la foulée donnée aux avocats de la défense. 

L'avocate de Dominique Pelicot, Béatrice Zavarro, ouvrira le bal. Puis ses confrères se succéderont jusqu'au 13 décembre, le verdict étant quant à lui attendu le 20 décembre au plus tard.

le Lundi 25 Novembre 2024 à 05:11 | Lu 362 fois