La montagne de Tahuareva dynamitée


Tahiti, le 30 août 2021 – Après quatre mois de rebondissements, le dynamitage de la montagne Tahuareva à Tautira a eu lieu lundi matin. Une vingtaine de manifestants, postés pacifiquement à l’entrée du barrage installé par les forces de police, ont longuement pleuré la montagne “sacrée” qu’ils auront défendu jusqu’au bout. 
 
Annoncé depuis le 4 mai dernier, le dynamitage de la montagne Tahuareva, située à l’entrée de Tautira, a finalement eu lieu lundi matin au grand désespoir des militants investis depuis des mois pour faire annuler le projet. Sur place depuis 3h du matin, les forces de police avaient dans un premier temps filtré la circulation à 6h30 avant de barrer la route une heure plus tard. Initialement prévu à 8h30, le tir aura finalement été déclenché à 9H30.
 
Un grand danger pour les usagers”
 
Patrouilles à terre, experts du GIGN en haut de la montagne, vedettes en mer et hélicoptère en alerte à Taaone, ils étaient 92 unités des forces de police impliqués lundi matin. Sous les ordres du général Frédéric Saulnier, commandant de la gendarmerie en Polynésie française, ils ont veillé à la sécurisation du site lors de cette “opération d’ordre publique à la suite d’une décision du tribunal”, a expliqué le commandant. Le 28 juin dernier, le juge des référés saisi par le Pays avait rendu sa décision et ordonné l’expulsion de treize manifestants contre le dynamitage. “Nous sommes ici pour sécuriser les lieux dans le cadre d’une opération où des rochers sont susceptibles de tomber à tout moment sur la route. Ils présentent un grand danger pour les usagers de cet axe très fréquenté”. L’objectif étant pour le général et ses hommes de déblayer la route au plus vite et rétablir dans les meilleurs délais la circulation “sur une voie puis définitivement”. Ainsi, Frédéric Saulnier tablait sur un barrage de la route lundi et mardi de 7h30 à 16h avant le déblayement complet de la route et le retour à la normale de la circulation.
 
En attente dans la baie pour empêcher une intrusion du site par la mer, les deux bateaux de la gendarmerie représentaient également un appui sanitaire, pouvant prendre en charge les potentielles evasan dues au Covid durant l’opération. “Étant dans un contexte sanitaire très difficile, nous ne voulions pas qu’il y ait une rupture dans la capacité à prendre en charge les urgences”. Après le tir, Frédéric Saulnier a insisté auprès des manifestants présents : le site présentait une vraie dangerosité. “Nous ne pouvions pas laisser perdurer cette situation parce qu’il y a un vrai danger pour les usagers au quotidien”.  
 
Menés par Laiza Pautehea, professeure en arts plastiques, artiste plasticienne et présidente du collectif Te Hono Tia’au, les manifestants n’ont pu retenir leurs larmes à la suite de l’explosion. Comme pour le deuil d’un être humain, ils ont souhaité rendre hommage à Tahuareva durant plus d’une heure à travers des chants et le dépôt de couronnes de fleurs sur la route. Préoccupés par la situation sanitaire et le souci de déblayer le plus rapidement la route, les forces de police ont ensuite demandé calmement aux manifestants de se retirer du passage pour la suite des travaux. 
 
C’est la nature qui a fait ça”
 
Inconsolable après le tir, Laiza Pautehea a souhaité rappeler ce pourquoi elle se battait au quotidien depuis des mois. “On a été voir les anciens de Tautira et personne ne savait qu’il y avait ces sculptures là. C’est sacré, tapu. Comme le ministère ne savait pas, nous on a travaillé pendant quatre mois bénévolement pour mieux connaître cette montagne. Le gouvernement a accepté d’amener deux archéologues sur le site qui ont confirmé que ce n’était pas fait par la main de l’Homme. Alors ça été encore pire pour nous. Je n’arrive toujours pas à le croire, c’est incroyable. C’est la nature qui a fait ça. Cette montagne qu’ils ont dynamitée, elle est magnifique. En haut, on sentait tout le mana, le bien-être. On se sentait bien sur cette montagne”, termine la militante avant d’éclater en sanglots. “S’ils nous avaient donné encore un peu de temps on aurait pu regrouper encore plus d’informations. On va perdre quelque chose d’incroyable, de très grand. On va perdre un héritage”.







Rédigé par Etienne Dorin le Lundi 30 Aout 2021 à 22:22 | Lu 3980 fois