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La lutte contre la pêche profonde gagne du terrain


PARIS, 31 janvier 2014 (AFP) - Si le Parlement européen n'a pas interdit en décembre le chalutage en eaux profondes, le combat des ONG contre cette pratique gagne du terrain: la grande distribution renonce peu à peu à commercialiser certaines espèces et la Scapêche (Intermarché) a décidé de limiter cette activité.

"L'armement du Groupement des Mousquetaires a pris plusieurs engagements, dont le plus important est de ne plus pêcher en dessous 800 mètres", a indiqué vendredi la Scapêche, en soulignant que cette "démarche volontaire allait au-delà des objectifs du règlement voté par le Parlement européen en décembre".

Filiale d'Intermarché (257 salariés), la Scapêche est le principal armateur français de pêche fraiche et dédie 6 de ses 18 chalutiers à la pêche profonde. Elle a résolument évolué dans ce dossier, au point de "vouloir tendre la main aux ONG", avec qui les rapports ont été très tendus ces derniers mois.

D'un côté, l'ONG Bloom mettait en avant les données scientifiques montrant les dégâts d'une pêche si profonde, de l'autre côté les armateurs brandissaient l'argument de la défense de l'emploi, avec des estimations allant de 600 emplois directs et indirects à une fourchette de 1.500 à 3.000.

"Ils ont été obligés d'entendre la demande des citoyens qui ne veulent pas avoir dans leur assiette des espèces pêchées à un coût environnemental énorme", résume Claire Nouvian, porte-parole de Bloom. "Il n'y aura pas d'impact sur l'emploi, ils vont réorienter leur production, c'était donc possible", souligne-t-elle.

Au delà de 400 mètres et jusqu'à 1.200 mètres, la lumière est nulle et les sources pour se nourrir sont plus limitées: du coup, les écosystèmes évoluent plus lentement (croissance, reproduction), ce qui les rend plus fragiles.

Les scientifiques dénoncent depuis plusieurs années la technique du chalutage, qui racle les fonds marins, détruisant au passage coraux et éponges, et ne permet pas de cibler les espèces, conduisant ainsi à beaucoup de rejets.

Les Walling, chercheur à l'université de Hawaï et un des spécialistes mondiaux des grands fonds, compare le chalutage à "l'action d'un bulldozer dans un jardin".

Une BD à succès

Pour Philippe Cury, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), "cette pêche n'est pas viable écologiquement, mais elle n'est possible aujourd'hui que grâce aux subventions". Son poids est aussi limité : environ 1% des prises européennes.

Dans ce contexte, la Commission européenne a proposé en juillet 2012 d'interdire, dans un délai de deux ans, le chalutage profond. Mais les discussions ont ensuite beaucoup traîné au Parlement, des députés français, espagnols et portugais défendant le statu-quo.

Finalement, le 10 décembre dernier, les parlementaires n'ont pas suivi la Commission, mais ont décidé de mieux encadrer cette pêche, en restreignant les zones où elle est autorisée et en renforçant le suivi scientifique.

Entretemps, les ONG ont reçu un coup de pouce aussi inattendu qu'efficace : fin novembre, une BD reprenant les arguments des pro-interdiction a connu un succès phénoménal sur internet et abouti à faire monter en flèche les signatures à une pétition lancée en juin. Fin novembre, 700.000 personnes avaient signé le texte invitant François Hollande à soutenir l'interdiction du chalutage profond.

Face à une opinion publique sensibilisée, Casino, puis Carrefour et Auchan s'engageaient en décembre à arrêter en 2014 la vente des espèces d'eaux profondes (sabre noir, grenadier, lingue bleue, empereur, etc.). Système U donne déjà des consignes à ses magasins dans ce sens depuis 2010.

Quelques semaines plus tard, c'est donc la Scapêche qui prend le chemin d'une limitation.

Greenpeace a salué "un pas en avant", en regrettant que la limite de 600 mètres n'ait pas été retenue. "C'est une bonne nouvelle pour la biodiversité, même si 800 mètres c'est encore trop profond par rapport à la vulnérabilité des espèces et des milieux océaniques", a commenté Philippe Germa, directeur du WWF.

Désormais, les défenseurs des abysses ont les yeux rivés sur le Conseil européen, les États devant arrêter leur position avant le 14 février, avant un nouveau vote par le Parlement courant 2014.

Rédigé par Par Céline SERRAT le Vendredi 31 Janvier 2014 à 06:09 | Lu 277 fois