La levée des motifs impérieux, un moindre mal pour le tourisme


Tahiti, le 20 mai 2021 - Sursaut d’espoir inattendu pour l’industrie touristique. Mais si la suppression des motifs impérieux pour les voyages depuis ou vers les Outre-mer est accueillie avec soulagement, elle ne concerne pas les moins de 16 ans, par ailleurs non éligibles à la vaccination. Un manque à gagner important, alors que les familles représentent près de 40% de la clientèle en saison haute.
 
Personne ne s’y attendait. La suppression d'un motif impérieux pour les voyages depuis ou vers les territoires d'outre-mer, dont la Polynésie, dès le 9 juin, est donc un signal encourageant pour les professionnels du tourisme et de manière générale, le monde économique. D’autant que le ministre des Outre-mer s’était montré particulièrement ferme sur la contrepartie des 70% d’adultes vaccinés. Quand il est venu, à aucun moment il nous a laissé l’espoir de ce type d’annonce, s’étonne Christophe Guardia, coprésident du CHP. On espère qu’il y en aura d'autres”. Au rang des plus optimistes, le directeur de Tahiti tourisme, Jean-Marc Moccelin, reconnaît lui-même que le 9 juin était inespéré.

Du côté des acteurs du transport aérien, c’est évidemment une belle surprise, résume le pdg d’ATN, Michel Monvoisin. En fonction de l’évolution, il n’est pas impossible qu’on rapatrie notre appareil qui est dans le désert de l’Arizona pour intensifier les fréquences à l’été et préparer les mois de juillet et août”, confie le responsable. Ce qui dépendra bien-sûr des réservations, alors que la compagnie au tiare s’apprête à relancer ses réseaux de distributions et ses campagnes de communication, jusqu’ici en stand-by.

Lui aussi surpris du changement soudain de critères, le numéro un du Medef, Frédéric Dock, salue une bonne nouvelle pour l’économie : la Polynésie ne pouvait pas rester fermée sous prétexte que certaines personnes ont fait le choix de ne pas se vacciner, ce qu’on peut respecter par ailleurs, mais ce n’est pas une raison pour empêcher ceux qui veulent voyager, ou recevoir des touristes.
 
Quid de la clientèle familiale ?
 
Mais malgré cette avancée imprévue, de nombreuses interrogations subsistent, à l’instar des moins de 16 ans. Toujours soumis à l’obligation de motif impérieux, ils ne sont pas éligibles à la vaccination. De quoi fermer la porte à la clientèle familiale. Si on ne peut pas vacciner les enfants, comment fait-on ? interroge le pdg d’ATN. De ce côté-là, une clarification est vivement attendue alors que les familles représentent 30 à 40% de la clientèle sur les mois de juillet et août. C’est un manque à gagner important. La levée des motifs impérieux c’est une demi-réponse pour nous. On est content que ça évolue, mais ce n’est pas encore suffisant nuance le directeur régional de l’InterContinental Tahiti, Guillaume Epinette.

Le directeur de Tahiti by Pearl Resorts et coprésident du CPH (Conseil polynésien de l'hôtellerie) le rejoint sur ce point, rappelant par ailleurs que la majorité des personnes vaccinées en métropole sont plutôt âgées, ou avec des problèmes de santé, donc pas forcément enclins à voyager jusqu’ici, indique Christophe Guardia. On a quand même l’espoir qu’ils soient plus nombreux dans les mois qui viennent.
 
Pas encore de quoi sauver la saison
 
Autre point bloquant : l’obligation du motif impérieux touristique pour les visiteurs des États-Unis. Les Américains ont toute une procédure à faire, avec des formulaires à remplir qui doivent être validés par le haut-commissariat”, déplore Christophe Guardia. Une pénibilité dissuasive selon lui. Nos clients nous le disent quand ils arrivent à l’hôtel. Si l’annonce du ministre reste une bonne nouvelle, elle ne va pas sauver la saison craint le directeur. A moins peut-être que tous les pays d’Europe ouvrent leurs portes”

Du côté des patrons, on s’inquiète surtout de l’afflux prochain de voyageurs à l’aéroport. Ce qui entraînera nécessairement un renforcement des ressources humaines au contrôle sanitaire, alors que les services de santé du Pays sont déjà à flux tendu. Il faut qu’on soit prêt à l’aéroport, il faudra mettre les moyens, alerte le président de la CPME, Christophe Plée. Les protocoles mis en place avec les Américains ont mis du temps, avec deux avions qui arrivent de métropole, on n’aura pas affaire aux mêmes volumes.
 

Jean-Marc Mocellin, directeur de Tahiti Tourisme : "Il reste quand même le problème des enfants"

Que vous inspire l’annonce du ministre des Outre-mers ?

“On avait quelques signes qui nous permettait d’être optimiste et de nous engager sur une ouverture au plus tard le 1er juillet. Personnellement j’espérais le 15 juin, donc le 9 juin c’est inespéré. Mais il reste quand même le problème des enfants qui ne peuvent pas être vaccinés pour l’heure. Sachant qu’en juillet et août on a beaucoup de famille, ça va générer pas mal d’annulations. On va espérer que le vaccin passe de 16 à 12 ans en Europe comme c’est le cas aux États-Unis et au Canada depuis quelques jours. Ça devrait être autorisé en Europe dans les prochains jours.”
 
Le protocole mis en œuvre sera-t-il le même que celui appliqué aux Américains ?

“Je pense que oui, mais on attend une confirmation des autorités sanitaires, parce qu’on a besoin de réadapter notre plateforme Etis. Aujourd’hui, sur Etis on te renvoie sur le haussariat pour le motif impérieux, ou sur celui de la direction de la Santé pour télécharger tes justificatifs sanitaires. J’espère qu’on va sauter l’étape du haussariat parce qu’il n’y a plus de motif impérieux.”
 
Une fois que vous avez cette certitude qu’allez-vous faire ?

“Nous allons alerter les partenaires de ces formalités d’entrée qui privilégient les personnes vaccinées ou immunisés par une contamination antérieure. Ce qui va inévitablement générer des annulations, puisque des gens étaient restés sur le fait que depuis la France il suffisait d’un test RT PCR pour venir. Des familles vont également s’apercevoir que les enfants ne peuvent pas être vaccinées. Ça nous évitera d’avoir des annulations de dernière minute et ça nous permettra de faire de la place du coup pour les vaccinés. Parce que d’après les tour-opérateurs, en juillet et août, notamment à Bora et Moorea, les hôtels principaux sont déjà complets. Ça permettra aussi de laisser le temps à ceux qui veulent se vacciner pour venir. D’autant qu’il faut compter trois à six semaines entre les deux injections, auxquels s’ajoutent 15 jours pour pouvoir venir. Donc, s’il doit y avoir des annulations il faut qu’elles aient lieux maintenant”.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Jeudi 20 Mai 2021 à 09:28 | Lu 2709 fois