La justice pénale passe au numérique


Tahiti, le 3 avril 2023 – Dans le cadre de la volonté de l'État de donner une nouvelle impulsion en matière de modernisation de la justice, un projet de numérisation de la procédure pénale a été entamé dans les juridictions nationales. En Polynésie, cette dématérialisation devrait notamment faciliter le fonctionnement de la justice dans les îles.
 
Quatre ans après que le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé une modernisation de la justice et la mise en place d'un projet de numérisation avancée de toutes les procédures, le projet fait son chemin sur le territoire. Référent procédure pénale numérique (PPN) pour les juridictions en Polynésie et conseiller à la cour d'appel de Papeete, Karim Sekkaki, indique ainsi qu'une “phase de généralisation” de la dématérialisation des procédures a été entamée au niveau local : “Le procureur général, Thomas Pison, et le président de la cour d'appel, Thierry Polle, m'ont désigné comme chef de projet pour cette procédure pénale numérique et son développement local. Nous conduisons ce projet avec une fonctionnaire marquisienne nommée il y a deux ans, Carole Hituputoka-Teriinoho, qui a travaillé au sein de l'administration centrale à Paris avec l'équipe de ce programme et qui a été nommée en Polynésie pour être l'ambassadrice de la transformation numérique. Elle est spécialisée dans les logiciels que nous allons utiliser et forme les fonctionnaires d'ici.”
 
A terme, les forces de sécurité intérieure –policiers de la Direction territoriale de la police nationale et gendarmes– seront amenés à faire des procès-verbaux 100% numérique qu'ils signeront avec une signature électronique grâce à une carte qui leur est dédié. Les justiciables, explique Karim Sekkaki, auront des “pads de signature” (signature électronique sur tablette, ndlr), un peu “comme chez le notaire, pour signer leurs procès-verbaux”. Tout cela sera numérisé et sera envoyé par flux à la juridiction. En audience, les magistrats n'auront plus que les ordinateurs pour regarder les procédures et signeront les jugements avec les greffiers de manière numérisée. Pour les avocats, un dispositif de communication électronique pénale, effectif dès aujourd'hui, a été mis en place afin qu'ils puissent s'adresser à la juridiction uniquement par mail via un réseau privé. 
 
Fonctionnalités nouvelles
 
Mais afin de commencer l'envoi par les forces de l'ordre des procédures vers la justice, l'équipe en charge de la dématérialisation de la procédure pénale à Papeete doit encore augmenter le flux internet encore inadapté à la transmission des documents. Tel que le précise Karim Sekkaki, l'équipe en charge de la PPN travaille actuellement sur la configuration afin d'obtenir un “système plus performant”. Outre cette problématique en cours de règlement, il explique par ailleurs que la numérisation des éléments de procédure pénale va “faciliter le travail des magistrats” car il s'agit de “moderniser le système, d'améliorer la qualité de ce que l'on lit et d'utiliser les fonctionnalités nouvelles qui s'offrent à nous car avec le 100% numérique, on peut faire des recherches par mot-clé alors qu'il faut actuellement feuilleter tout le dossier papier”
 
En cas de problème informatique, l'équipe chargée de la PPN a instauré des “solutions de remplacement avec des serveurs de sauvegarde et des possibilités de travailler en local”. Mais cette question soulève également la question de l'accès à internet, une “vraie préoccupation pour les chefs de cour” et l'équipe chargée de la PPN qui sont “très attentifs à ce que les sites distants soient bien connectés”. “Aux Marquises par exemple, en plus de la fibre existante, il faut connecter un matériel plus moderne” explique ainsi Karim Sekkaki qui rappelle que le numérique a un “intérêt particulier pour un territoire” : “En Polynésie française, l'on doit encore transporter les dossiers physiques par avion lorsque l'on fait des audiences foraines –ce qui coûte d'ailleurs assez cher– puis les rapatrier”. 
 
Points d'accès au droit
 
Mais le magistrat sait qu'il y a “des limites” à ce projet : “Il est bien de faire du 100% numérique pour la justice, nous sommes très volontaires à ce sujet, mais nous n'oublions pas les justiciables qui n'ont pas accès à internet soit pour des questions générationnelles, soit pour des questions financières. Il faut que ces gens aient accès à leur dossier et nous avons commencé à y réfléchir. Nous allons mettre des solutions en place, notamment pour que ces gens puissent venir consulter leur dossier sur des sites distants avec accès à un poste informatique. Par ailleurs, nous les accompagnerons bien évidemment dans les points d'accès au droit.”
 
Enfin, en matière de calendrier, l'échéance a été fixée par le président de la République et le ministre de la Justice à 80% de procédures numérisées pour fin 2024 et à 100% de numérique fin 2027. 

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 3 Avril 2023 à 19:58 | Lu 1348 fois