La jalousie maladive, mobile du meurtre de Pirae


Tahiti, le 22 novembre 2022 – Au premier jour du procès de l'homme poursuivi pour l'assassinat, le 18 juillet 2020 à Pirae, du compagnon de son ex-femme, la cour d'assises s'est penchée sur la personnalité de l'accusé. Alors que ce dernier a toujours nié avoir eu l'intention de tuer son rival, les débats lors de l'audience ont permis de dresser le portrait d'un homme extrêmement jaloux qui n'a pas supporté que sa compagne le quitte après dix ans d'une relation émaillée par la violence et les séparations. 
 
La dernière session de la cour d'assises de Papeete de l'année 2022 s'est ouverte mardi avec le procès d'un maçon de 35 ans poursuivi pour avoir assassiné le compagnon de son ex-femme et avoir violemment frappé cette dernière. Tel que l'a rappelé la présidente de la cour en ouverture d'audience, ce terrible fait divers s'était déroulé à l'aube, le 18 juillet 2020, dans une maison située à côté du complexe sportif de l'OPT à Pirae. Ne supportant pas que sa femme lui ait annoncé son intention de le quitter quelques jours auparavant, l'accusé avait passé la soirée à essayer de la contacter pour savoir où elle se trouvait. 
 
La soupçonnant d'entretenir une relation avec un autre homme, l'accusé s'était rendu au domicile de ce dernier et avait trouvé le couple endormi. Après s'être saisi d'un couteau doté d'une lame de 20 cm dans la cuisine, il avait poignardé son rival à plusieurs reprises. Il avait ensuite frappé son ex-femme et l'avait tirée hors de la maison pour finalement accepter de l'emmener aux urgences. La victime, un capitaine de thonier décrit comme un bon père de famille et un compagnon aimant, était décédée après avoir agonisé dans une mare de sang sans que son agresseur ne tente à aucun moment de lui porter secours ou d'appeler le Samu. 
 
Pas une “vraie séparation”
 
En ce premier jour de procès, mardi, la cour s'est intéressée à la personnalité de l'accusé, un homme déjà condamné à plusieurs reprises dont une fois pour avoir mis des coups de poing à son propre père car ce dernier lui reprochait de trop boire. Après une enfance tranquille passée à Rurutu dans une famille décrite comme équilibrée, l'homme avait rejoint Tahiti avec sa famille pour intégrer un lycée. Déscolarisé à 16 ans car il préférait “aller fumer du paka avec les copains”, il avait rencontré sa compagne quelques années plus tard. S'en était suivi des années teintées de violences conjugales et de multiples séparations souvent motivées par la jalousie maladive de l'accusé. Interrogé sur les origines de cette jalousie mardi, l'intéressé n'a pas su l'expliquer. Il a seulement indiqué qu'il avait réalisé en détention qu'il avait un problème, mais a tout de même expliqué à la cour que “quand tu as une copine, c'est à toi”.
 
Et c'est bien ce sentiment d'appartenance qui semble avoir motivé le geste fou de l'accusé qui a ensuite affirmé qu'il n'avait pas supporté que sa compagne lui annonce qu'elle ne l'aimait plus. “Elle ne m'a pas dit franchement que c'était fini, je n'ai même pas reçu d'explications.” À ses yeux, il ne s'agissait pas d'une vraie séparation puisqu'ils s'étaient déjà quittés “plein de fois”. Pas particulièrement ému au début du procès, l'accusé a vacillé lorsque la présidente de la cour lui a demandé de parler des deux filles qu'il a eues avec son ex-compagne. Il a ainsi expliqué que malgré plusieurs demandes au juge d'instruction, il n'avait pas pu revoir ses enfants depuis le meurtre. 
 
Traque nocturne
 
Très attendue, l'audition de l'ex-compagne de l'accusé est intervenue mardi après-midi. La jeune femme, qui attend un enfant, a fait part de son effroi en ce matin du 18 décembre 2020 lorsqu'elle avait ouvert les yeux et qu'elle avait vu son ex-concubin poignarder son nouveau compagnon. Ce jour-là, elle avait elle-même été frappée par l'accusé qui lui avait cassé le bras et lui avait porté de nombreux coups de poing. Des coups d'une telle violence qu'une fois arrivée au service des urgences de Taaone, les médecins lui avaient conseillé de ne pas regarder son visage dans une glace. Malgré le traumatisme, la jeune femme a toutefois affirmé qu'elle était aujourd'hui sereine de savoir que ses deux filles étaient “heureuses” dans une vie bien plus calme qu'auparavant. 
 
De nouveau interrogé en fin de journée, cette fois sur les faits, le maçon a soutenu qu'il n'avait jamais eu l'intention d'ôter la vie à la victime. Sa description des heures précédant le meurtre a cependant donné l'impression qu'il avait mené une longue traque nocturne pour retrouver son ex-compagne et le nouveau concubin de cette dernière. Le procès doit continuer mercredi avec l'audition, notamment, des proches du défunt. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 22 Novembre 2022 à 18:39 | Lu 2078 fois