La gestion de l’assemblée de Polynésie française vue par la Chambre territoriale des comptes


L'hémicycle encore vide ce matin à 9h30.
Voici la synthèse du rapport d’observations définitives de la Chambre territoriale des comptes (CTC) sur la gestion de l’assemblée de la Polynésie française. L’examen de a été ouvert en novembre 2011 et couvre la période allant de 2005 à 2011, marquée par l’entrée en vigueur des nouvelles règles issues de la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à
renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie
française. Au cours de la période observée, six ordonnateurs différents se sont succédé sur la période, trois d’entre eux ayant présidé l’Assemblée à deux reprises. Dans son courrier adressé le 18 septembre dernier au président actuel de l’assemblée, Jacqui Drollet, il est à noter que tous les présidents successifs de l’assemblée ont été invités, en mai dernier, à répondre aux observations provisoires de la CTC pour les extraits concernant leur propre gestion. Or, seuls MM. Drollet, Schyle et Fritch ont fait parvenir une réponse dans les délais impartis. MM. Géros et Temaru n’ont pas répondu.


L’analyse quantitative des activités de l’Assemblée met en évidence une forte évolution
dans l’ensemble des commissions. La durée moyenne des réunions a ainsi augmenté
de 60 % entre 2006 et 2011. Pour la commission des finances, la durée moyenne des réunions dépasse six heures en 2010. En termes de répartition du temps de travail, il ressort que la
commission des finances concentre à elle seule 33 % du temps de travail des commissions alors d’autres ne requièrent qu’un temps bien plus réduit (5 % du total pour l’éducation, 6 %
pour la santé, 7 % pour le logement et les affaires sociales…).

En ce qui concerne le contrôle de l’action du gouvernement, le rapport note que l’Assemblée n’a pas encore réellement intégré cette dimension. Ainsi, il a été constaté
que le débat d’orientation budgétaire relève plus de l’exercice formel que d’un réel débat. De même, l’Assemblée n’est plus invitée à débattre des rapports de la CTC sur la gestion de la
Polynésie française ou de ses SEM depuis plusieurs années. Enfin, la commission de contrôle budgétaire et financier, qui doit notamment rendre des avis sur les projets d’aides publiques depuis la loi organique de 2007, n’a pas encore pris toute sa place. Elle rend des avis favorables à 95 % et la majorité des projets sur lesquels elle devait statuer aux termes de la loi ont été écartés de ses attributions en 2010.

Dans les conditions d’exercice par les représentants de leur mandat la chambre relève notamment que le régime concernant les absences pouvant donner lieu à des
retenues sur indemnités a été assoupli depuis 2008. Il est d’ailleurs observé qu’aucune retenue sur indemnité n’a été effectuée depuis 2005, alors même que les absences ont parfois été justifiées par des motifs contestables. Toujours sur l’exercice du mandat, la chambre regrette que les représentants participent peu (moins d’une fois sur deux en moyenne) aux
commissions extérieures où ils siègent pourtant es qualité.

L’analyse des moyens budgétaires de l’Assemblée fait ressortir une stabilité des recettes jusqu’en 2010 puis, en 2011 et surtout en 2012, un maintien prévisionnel de
l’équilibre grâce à la diminution des indemnités versées aux élus, découlant de l’application de la loi organique de 2011. Les réserves (fonds de roulement) diminuent sur la période
examinée sous le double effet de résultats de fonctionnement rendus négatifs par les subventions exceptionnelles accordées au budget général de la collectivité d’outre-mer et de
l’augmentation des actifs immobilisés (nouveau bâtiment de l’Assemblée). Corrélativement, le compte au Trésor diminue de plus de 70 % entre 2007 et 2011.

La chambre a analysé les principales dépenses de l’Institution : personnel, élus, collaborateurs et groupes politiques, charges à caractère général, construction du nouveau bâtiment de l’Assemblée. En ce qui concerne les fonctionnaires de l’Assemblée l’analyse de leurs effectifs, de même que celle des rémunérations versées n’ont pas fait ressortir d’évolution
appelant des commentaires particuliers, mise à part la proximité des sujétions prises en charge, d’une part, par l’indemnité de législature, d’autre part, par le paiement des heures
supplémentaires.
En ce qui concerne les emplois et crédits de collaborateurs des représentants, qui ont, à partir de 2005, remplacé les emplois cabinet, la chambre relève une série
d’assouplissements du dispositif (possibilité de rémunérer des prestataires et augmentation du montant du crédit en 2007, possibilité de cession des crédits en 2008, statut de droit public en 2010) qui, associés à l’absence de contrôle interne sur ces dépenses, laissent la porte ouverte à d’éventuels abus. La chambre a identifié un nombre conséquent de dérives possibles. La définition des missions confiées aux collaborateurs est parfois trop floue et ne permet pas de connaître leur activité réelle. Certaines rémunérations semblent en décalage avec le marché « normal » de l’emploi. La chambre a encore relevé des risques caractérisés par le manque de cohérence entre l’objet social des prestataires et les missions que le représentant devrait attendre d’eux (aide à l’exercice de son mandat).
Dans d’autres cas, les prestations demandées apparaissent redondantes ou mal évaluées. Enfin, certains contrats font apparaître des rémunérations horaires très importantes, équivalentes à plus d’un million de F CFP mensuel, pour des fonctions de conseiller technique ou de près de 400 000 F CFP pour un chauffeur planton. Considérant l’ensemble de ces éléments, l’assemblée de la Polynésie française, garante de la bonne utilisation des deniers publics qui constituent son budget, devrait mettre en place les mesures de contrôle interne qui lui permettraient d’affirmer que les crédits « collaborateur » sont effectivement utilisés selon leur objet initial, l’aide directe à l’exercice du mandat des représentants.

En ce qui concerne les charges à caractère général , la chambre relève que les avantages en nature ont fait l’objet de réductions affectant toutes les catégories de personnes
(véhicules) ou principalement les fonctionnaires de l’Assemblée (crédits de télécommunications, congés administratifs). La facture de carburant a pour sa part été
stabilisée, notamment grâce à la diminution du parc automobile. La chambre note la rationalisation du parc de véhicules ainsi que la mise en œuvre d’outils de suivi de leur
utilisation. Il conviendra de veiller au respect, par tous, des procédures prévues afin de pouvoir suivre efficacement la bonne gestion du parc. La chambre relève enfin la forte augmentation de la facture d’électricité (+ 20 millions par an entre 2007 et 2010) postérieurement à la livraison du nouveau bâtiment qui devait être pourtant équipé, en tout ou partie, par des panneaux photovoltaïques.

En ce qui concerne les marchés publics liés à la construction du nouveau bâtiment la chambre a noté que la commission consultative des marchés, qui s’est penchée
sur l’analyse des offres, avait relevé le manque d’utilisation de critères objectifs. Si le coût total de la construction est finalement inférieur à l’estimation initiale, il peut être regretté que
ce résultat soit le fait de la disparition de prestations, telles qu’un parking souterrain, et qu’un nombre non négligeable d’avenants soient venus modifier, voire bouleverser, l’économie de
certains lots. La chambre recommande donc à l’Assemblée la plus grande rigueur dans le cadre de la passation (choix des prestataires) et de l’exécution (avenants) de ses marchés
publics.

LES RECOMMANDATIONS

Sur l’exercice du mandat de représentant à l’APF. Dans le cadre de la défense du statut de l’élu et dans une optique d’exemplarité, la chambre recommande la plus grande rigueur dans la mise en œuvre des règles relatives aux conditions d’exercice du mandat des représentants (absences, participation effective aux commissions extérieures).

Sur les crédits « collaborateur ». L’APF pourrait envisager de renforcer les règles visant à assurer la transparence financière sur l’utilisation par les groupes politiques de leurs dotations et des crédits collaborateurs cédés. Elle devrait mettre en place les mesures de contrôle interne qui lui permettront d’affirmer que les crédits « collaborateur » sont effectivement utilisés selon leur objet officiel qui reste l’aide directe à l’exercice du mandat des représentants, en tenant compte notamment de l’avis n°9- 2011 du 20 juillet 2011 du tribunal administratif de la Polynésie française, selon lequel il appartient au président de l’Assemblée de s’assurer, auprès des représentants, de l’existence et de la consistance des missions des collaborateurs. Ce dispositif pourrait être complété par un audit externe, garant de l’impartialité et de l’indépendance des vérifications effectuées.

Sur le régime de retraite des élus. Dans différentes optiques se rejoignant (rationalisation des dépenses de l’APF, participation à l’équilibre des comptes de la CPS, recherche de l’équité entre citoyens…) il semblerait que l’aboutissement de la proposition de loi visant à intégrer le régime de retraite les élus de l’APF dans le droit commun, sans remettre en cause les droits qu’ils ont déjà pu acquérir, doive être considéré comme une priorité.

Sur le rattachement des charges à l’exercice
. La chambre recommande à l’assemblée de Polynésie française de poursuivre son effort d’amélioration du respect des règles comptables applicables, et notamment du principe d’annualité budgétaire en procédant au rattachement des charges à l’exercice qu’elles concernent. Le projet de comptes pour l’exercice 2011 est exemplaire en la matière. Sur l’utilisation des véhicules de fonction et de service. La chambre prend acte de la mise en œuvre d’outils de suivi de l’utilisation des véhicules.
Toutefois il conviendrait, pour achever le dispositif, de veiller au respect, par tous, des procédures prévues (carnets d’entretien) afin de pouvoir suivre efficacement, à l’aide de
ratios, la bonne gestion du parc.

Sur les marchés publics. La chambre recommande à l’Assemblée la plus grande rigueur dans le cadre de la passation
(choix des prestataires) et de l’exécution (avenants) de ses marchés publics.


Rapport complet sur le site Internet de la CTC

Rédigé par () le Jeudi 4 Octobre 2012 à 13:52 | Lu 1590 fois