La génétique fait briller la perle de Tahiti


Chin-Long Ky, chercheur en génétique à l’Ifremer, portant des huîtres perlières issues de sélection génétique fixées sur des collecteurs @Ifremer / Chin-Long Ky
PAPEETE, le 18 octobre 2016. Décrypter le processus de formation de la perle de culture polynésienne grâce à un travail de sélection génétique à l’échelle expérimentale, c’est possible ! Des scientifiques l’ont montré dans un article publié en juillet 2016 dans la revue internationale Animal Genetics, et dont l’auteur principal travaille au Centre Ifremer du Pacifique.

Avec plus de 500 producteurs, 1 300 emplois directs et une part représentant 70% des exportations locales, la perliculture est une activité essentielle à l’économie de la Polynésie française. Elle constitue la seconde activité aquacole française (après l’ostréiculture) et la seconde source de revenus de la Polynésie française derrière le tourisme. Le Centre Ifremer du Pacifique, situé sur la presqu’île de Tahiti, met son expertise scientifique et technique au service de la filière perlicole de Polynésie française et étudie la Pinctada margaritifera, également appelée huître perlière à lèvres noires, présente en abondance dans les lagons polynésiens. « Cette espèce est réputée pour la gamme de couleurs très large de ses perles. Sa culture repose encore aujourd’hui sur la collecte de naissains issus de stocks sauvages », explique Chin‐Long Ky, chercheur en génétique à l’Ifremer, qui a publié avec quatre autres auteurs un article dans la revue internationale Animal Genetics en juillet dernier. Cette étude s'intègre dans les projets sur la génétique de l'huître perlière menés par l'unité Ressources Marines en Polynésie française (RMPF), Unité Mixte de Recherche 241 "Ecosystèmes Insulaires Océaniens" (Université de la Polynésie française, Institut Louis Malardé, IRD, Ifremer) et les travaux ont été initiés en 2007 au sein du groupement de recherche "Adequa" (2008‐2012), et cofinancés par le Pays.

A LA RECHERCHE D’HUITRES AUX COULEURS RARES
Dans le but d’améliorer la couleur et le lustre des perles produites, les scientifiques ont travaillé sur des spécimens de Pinctada margaritifera très particuliers. « Avec l’aide d’un vaste réseau de producteurs, nous collectons des huîtres présentant des caractères biologiques peu communs : coquille rouge, blanche ou chair orange », précise Chin‐Long Ky. L’espèce est habituellement noire mais certains coquillages présentent des variantes de couleurs rares. Utilisés en tant que donneurs de greffon dans l’industrie perlière, ces spécimens transmettent des colorations particulières aux gemmes produites et présentent ainsi un réel potentiel pour le secteur.

« A partir de ces collectes d’huîtres singulières, nous avons constitué des cheptels de géniteurs et réalisé des croisements artificiels en laboratoire »,
poursuit le scientifique. « Notre objectif était d’étudier les lignées obtenues par voie d’écloserie et la fréquence d’apparition, d’une génération à l’autre, des caractères qui nous intéressent. Ainsi, nous avons pu déterminer les règles de transmission génétique de ces caractères, afin d’orienter la production de perles de plus grandes valeurs. » Un modèle permettant de prévoir l’aspect des perles récoltées en fonction des caractéristiques des géniteurs utilisés a pu ainsi être élaboré.

« L’objectif de ces travaux est d’offrir à la filière polynésienne une avance technologique et ainsi lui faire gagner en compétitivité sur le marché international. Sur cette espèce d’huître perlière, nous sommes aujourd’hui les seuls à maitriser l'ensemble des étapes de l’élevage conduisant à la sélection génétique»
, souligne‐t‐il.


Juvéniles d’écloserie de Pinctada Maragaritifera de lignées de couleurs différentes @Ifremer / Chin-Long Ky
DEFI RELEVE
L’article publié dans la revue Animal Genetics décrit les résultats obtenus. « Nous sommes les premiers à avoir analysé ce lien entre la couleur de la coquille de l’huître ou de sa chair et la couleur des perles de culture », précise Chin‐Long Ky, auteur de l’article. « A une époque où les connaissances en génétique se développent très rapidement et où les techniques de séquençage de génome sont de mieux en mieux maîtrisées, notre travail peut surprendre par sa simplicité. Nous travaillons par ailleurs sur l’assemblage du génome de la Pinctada margaritifera, mais ici nous sommes en quelque sorte revenus aux bases de la génétique : observer les phénotypes, réaliser des croisements, étudier les descendances et en tirer des règles d’hérédité. Il est intéressant de constater que les « vieilles » approches permettent aujourd’hui encore d’obtenir des résultats essentiels », remarque Chin‐Long Ky.

Le titre de l’article fait d’ailleurs référence à Gregor Mendel, père de la génétique, qui a posé au XIXe siècle les bases des connaissances modernes à partir d’expériences assez comparables, réalisées en croisant différentes variétés de petits pois entre elles.

Autre objectif de l’étude : déterminer la fréquence de distribution de ces huîtres aux variantes de couleurs rares au sein des principaux atolls collecteurs polynésiens. Le lagon de l’île de Mangareva a par exemple révélé le taux le plus élevé d’huîtres sauvages à chair orange, tandis que l’atoll de Takaroa présente un taux relativement élevé d’animaux à coquille rouge.

L’amélioration de la qualité de la perle par la sélection génétique de la Pinctada margaritifera constitue un défi majeur pour l’avenir de la perliculture polynésienne. Grâce à son savoir‐faire zootechnique, l’Ifremer travaille en appui à la filière et fournit déjà des solutions pour augmenter la couleur et le lustre de la « perle de Tahiti », ouvrant ainsi aux producteurs locaux des perspectives réjouissantes vers une « perliculture moderne ».

Rédigé par D'après un communiqué de l'Ifremer le Mardi 18 Octobre 2016 à 11:04 | Lu 2822 fois