La fromagère de Tahiti en fait tout un fromage


PAPEETE, le 06 décembre 2016 - À 33 ans, Juliet Lamy a choisi de changer complètement de vie : elle a quitté son métier de commerciale pour devenir fromagère à Tahiti. La rédaction de Tahiti Infos vous présente cette nouvelle "fromagère de Tahiti" qui nous en dit plus sur son projet.

Rien ne prédestinait Juliet Lamy à devenir fromagère, et surtout pas à Tahiti. Plutôt citadine et d'origine franco-japonaise, elle a grandi à Saint-Nazaire, dans une famille où la bonne chair est appréciée et mise en avant. Cette petite brune aux yeux en amande a été élevée entre deux cultures, française par son père, japonaise par sa mère. Rien ne la poussait à se retrouver les mains dans le fromage, et pourtant...

Juliet Lamy a suivi des études d'espagnol à l'université, à Rennes puis se lance dans un master de commerce international. Elle exerce par la suite le métier de commerciale pour une entreprise pharmaceutique jusqu'au jour où elle se dit que "tout ça n'a plus vraiment de sens". "J'en avais assez
de faire de la route du coup j'ai décidé de changer de métier. J'ai choisi la voie de la reconversion
." Ce petit bout de femme réfléchit, se cherche, et trouve sa voie. Il y a deux ans, elle se lance dans un brevet professionnel responsable d’exploitation agricole (BPREA) au Centre de formation professionnelle des adultes (CFPPA) d’Auvergne. Le CFPPA d’Aurillac est le seul à avoir un laboratoire de préparation de fromages. "J'ai suivi une formation de neuf mois qui permet de travailler dans une ferme mais également dans l'agroalimentaire. En l'occurrence, ma spécialité était la transformation laitière, donc ce qui permet de transformer le lait en yaourt, fromage…"

À la question "une reconversion certes, mais pourquoi dans le fromage et pas dans l'artisanat d'art ou la bijouterie?", elle répond naturellement " parce que j'adore le fromage. Dans ma famille, il y a une culture de bons produits, de bons fromages, etc. Et puis je voulais retourner à la campagne.
Le but était de retourner à la vie paysanne, pouvoir avoir une ferme et fabriquer mon propre fromag
e." Et puis la vie et ses surprises sont intervenues. Juliet Lamy arrive à Tahiti pour suivre son conjoint, son projet de faire du fromage est toujours là, dans ses valises. "Ce projet s'est greffé au déménagement. Aujourd'hui, ça fait un peu plus d'un an que je suis sur le territoire et mon projet est presque abouti."

"LANCE-TOI !"

La jeune femme réalise une étude de marché sur la consommation des Tahitiens. "Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de fromage fermier local. Il n'y a pas de fromage artisanal du tout à Tahiti et il y a une ferme de 1 000 vaches. La possibilité de faire de fromage à Tahiti existe." C'est un mois après ces observations qu'elle rencontre Olivier Poullard lors d'une master class qu'il donnait au Coco's l'an dernier. "Je suis allée le voir et il m'a dit "c'est un super projet, lance-toi!"Après cette rencontre, tout est allé très vite, parce qu'il a énormément de contacts. J'ai réussi à créer des réseaux. J'ai travaillé dans un hôtel en attendant et, à partir de février, après les accords que j'ai pu avoir avec Taravao, on a commencé à faire des essais de fabrication de fromage."


DEUXIÈME AU CONCOURS DES CRÉATEURS D'ENTREPRISE

Depuis le mois de septembre, elle loue le local de Moana Glace les week-ends pour pouvoir fabriquer ses fromages au lait de Taravao dans un laboratoire aux normes. Elle a présenté ses produits lors de dégustations organisées par certains grands hôtels.

"Aujourd'hui, je suis exclusivement dans une démarche de création d'entreprise, Là, j'ai fini les premières démarches de dépôt de dossiers pour des demandes de subventions, j'attends les réponses de subventions et puis l'impact du Salon, les retours que j'en aurais." Elle a également présenté son projet au concours des créateurs d'entreprise du Conseil économique, social et culturel (CESC). Elle est arrivée deuxième, la subvention qu'elle a remportée lui servira à monter son propre laboratoire afin de commencer une réelle production à temps plein.

"Je suis en contact avec le SDR [service du Développement rural, ndlr], avec l'hygiène et tout est en règle, aux normes. De toute façon, je ne travaille qu'avec du lait pasteurisé et dans un laboratoire déjà agréé "sanitairement" par les services d'hygiène."

QUELQUES MOMENTS DE DÉCOURAGEMENT

Après quelques difficultés, beaucoup de pertes de lait et des moments de découragement, Juliet Lamy commence à voir le bout. "Aujourd'hui, je fais un fromage qui s'appelle le Saint-Tahitien, c'est un fromage de type lactique. Un fromage à pâte molle, à croûte fleurie, de type Saint-Félicien, camembert. Je continue de faire des essais." Elle a commencé à faire goûter le fromage à ses proches, ses amis, tous sont emballés par ces fromages tahitiens.

Juliet Lamy veut pousser son projet plus loin, elle veut élargir sa gamme de fromages, mais surtout créer un fromage 100% polynésien : "Je suis en train de faire des essais pour faire une tomme, une pâte molle pressée. Dans l'idéal, j'aimerais pouvoir créer un fromage innovant, un fromage avec 100% de produits de Polynésie. C'est encore en étude mais j'aimerais bien pouvoir créer un nouveau fromage." Nous n'avons plus qu'à souhaiter Fa'aitoito à Juliet Lamy et à son Saint-Tahitien, qui ne devrait pas tarder à faire frémir les papilles des amateurs de fromages.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mardi 6 Décembre 2016 à 13:59 | Lu 11968 fois