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La filière photovoltaïque déterre ses doléances


Les entrepreneurs de la filière photovoltaïque se sont réunis, ce mardi, pour réactiver leur syndicat, en sommeil depuis plusieurs années. Ils souhaitent, à court terme, aller à la rencontre du nouveau gouvernement pour faire valoir leurs idées sur la manière dont l'énergie solaire peut influer sur la transition énergétique du fenua.
 
Les représentants de la filière photovoltaïque se sont réunis dans les locaux du Medef, ce mardi, pour réactiver leur syndicat et s'accorder sur les doléances et les propositions à présenter à la nouvelle gouvernance du Pays.
 
À l'heure actuelle, 70% de l'électricité produite à Tahiti restent d'origine fossile. Le photovoltaïque représente seulement environ 5% de la production énergétique totale. La future ferme solaire de Taravao devrait doubler l'impact de l'énergie solaire dans la production électrique globale et la batterie géante Putu Uira devrait, quant à elle, permettre de doubler à nouveau ce total. Il n'en reste pas moins que l'apport du photovoltaïque dans la transition énergétique du fenua reste à développer, particulièrement pour atteindre l'objectif de 70% d'énergies renouvelables d'ici 2030, fixé par le gouvernement sortant. Le syndicat espère que le nouveau gouvernement poussera vers les mêmes objectifs et soutiendra dans ce sens les professionnels de l'énergie solaire.

Un syndicat qui sort du sommeil

Fondé en 2016, le Groupement Synergie Solaire Polynésie était en sommeil depuis plusieurs années, certains membres fondateurs ayant eu l'impression que leurs demandes n'étaient pas suffisamment entendues par les autorités. “Parfois, il [était] compliqué d'avoir des retours sur nos demandes”, confie Jimmy Wong, nouveau président du syndicat.
 
Rassemblant une dizaine d'installateurs et des exploitants de fermes solaires, le syndicat voit donc dans l'arrivée du nouveau gouvernement l'occasion de faire entendre à nouveau ses idées sur le développement de la filière photovoltaïque et sur le rôle qu'elle peut jouer dans la transition énergétique du fenua. “Le but, c'est de défendre notre filière et de faire en sorte que plus de gens y adhèrent”, souligne Jimmy Wong, également directeur général de Sunzil Polynésie, car selon lui, “au final, c'est le consommateur qui en bénéficiera. Le prix du kilowattheure pour un réseau photovoltaïque sans batterie est inférieur à dix francs”.
 

Les toits bleus de Papeete

Cette première réunion de travail a permis de faire émerger les questions de fiscalité douanière sur l'importation du matériel solaire et la nécessité d'alléger les démarches administratives. “Les démarches auprès de la commission de l'énergie sont trop lourdes, par exemple. Si on veut développer le photovoltaïque en Polynésie, il faut alléger tout ça”, affirme Jimmy Wong. Le syndicat souhaiterait également être consulté lors de l'élaboration des appels à projets pour les futures fermes solaires.
 
La question du raccordement au réseau général était aussi au cœur des discussions, car les tarifs demandés pour des particuliers peuvent être totalement prohibitifs selon le président du syndicat. “Dans certains quartiers, on vous demande jusqu'à 500 000 Fcfp pour raccorder votre installation solaire au réseau parce que la puissance que vous injectez est trop forte et nécessite un renforcement du réseau. Si la volonté est vraiment d'inciter les gens au photovoltaïque, il est vraiment dommage que l'autorité concédante ne prenne pas en charge ces renforcements.”
 
Le président de Synergie Solaire Polynésie considère que c'est un obstacle important au développement du photovoltaïque au fenua. “Dans la zone urbaine, où l'énergie solaire est la plus rentable, il y a énormément de toitures qui ne sont pas équipées en panneaux solaires. Les coûts de raccordement sont trop forts et les coûts de rachat ne sont pas assez clairement définis”, explique-t-il. Il rêve d'un Papeete aux toits intégralement bleus : “On pourrait clairement utiliser plus efficacement les toitures de la zone urbaine”.

“Le fioul ne sera plus compétitif à moyen terme”

La question du stockage énergétique est vue par le syndicat comme une clé pour le développement du photovoltaïque en Polynésie. “Ce qui empêche clairement le solaire de se développer plus, aujourd'hui, c'est le prix du stockage”, affirme Fréderic Dock, directeur général de Cegelec Polynésie. Mais il voit ce prix baisser dans un avenir proche, en raison du développement des transports électriques et de l'interdiction à venir des voitures thermiques en Europe et en Chine. “Cela va faire baisser les prix des batteries par deux ou trois dans la décennie à venir”, enchérit Jimmy Wong. “D'ici vingt ans, en Polynésie, il n'y aura plus que du solaire. Le prix du panneau solaire a été divisé par presque 20 en 20 ans. La production de masse des batteries va faire baisser aussi le prix des stockages. Pour les zones insulaires, le fioul ne sera plus compétitif à moyen terme.”
 
Pour le patron du Medef, suivant les intentions affichées par le Tavini Huira'atira pendant la campagne des territoriales, il ne fait aucun doute que les doléances du syndicat obtiendront l'attention de l'administration dirigée par Moetai Brotherson. “On s'attend à ce que [le nouveau gouvernement] soit très réceptif”, déclare-t-il. “Mais ils sont conscients que ce qui existe en termes de ressources est très insuffisant” pour développer l'indépendance énergétique du Pays. “La transition énergétique au fenua, c'est au moins 100 milliards de francs”, assure-t-il. “Le fonds Macron [aide de l'état de 7 milliards de Fcfp, NDLR], ce n'est même pas 10% de ce qui est nécessaire”.

 

Rédigé par Antoine Launey le Mardi 16 Mai 2023 à 20:13 | Lu 1698 fois