La femme de Parihaka : une épopée maorie


L'auteur Witi Ihimaera.
Avec La femme de Parihaka, son douzième roman, l’auteur néo-zélandais Witi Ihimaera offre une quête romanesque émouvante où la fiction se fond à la douloureuse histoire coloniale du "pays du long nuage blanc" au XIXe siècle, alors que les terres maories sont violemment spoliées par les colons et les troupes anglaises, au pied de l’imposante montagne Taranaki dans l’île du Nord.

"Naturellement, Taranaki est bien plus qu’une montagne. C’est un tipuna, un ancêtre, né dans un passé mythique. A l’époque où les montagnes étaient capables de se déplacer, Taranaki avait essuyé une déception amoureuse avec Pihanga, un autre volcan, et s’était éloigné à l’ouest pour s’en remettre ; le fleuve Whanganui coule aujourd’hui dans le profond canal creusé par le trajet du Taranaki".

Quand l’histoire d’un peuple se confond avec la quête à peine romancée d’un couple prêt à tout transcender pour se retrouver — par-delà les affrontements et les rébellions ; contre vents, neiges et marées —, le talent littéraire de Witi Ihimaera se révèle sous un angle d’autant plus personnel qu’il en devient intime et glorifie ainsi l’Amour d’un peuple envers ses terres et celui d’un couple à la destinée hors du commun. Le tout à la frontière entre mythes et traditions, à une époque troublée…

Quête identitaire et amour impossible

C’est ainsi qu’Erenora, jeune orpheline suite au pilonnage de son village en 1881 par les Pakeha (tant militaires que colons), occupe désormais une place de meneuse au sein de la communauté maorie insoumise établie à Parihaka, au pied de la "montagne qui brille", le Taranaki. Alors que les spoliations de terres maories par les Pakehas sont toujours plus virulentes, Horitana, lui aussi orphelin, rejoint les insurgés et s’illustre au combat auprès du grand guerrier Titokowaru, jusqu’au jour où sa tête est mise à prix… Après maints combats et démonstrations de bravoure, ce fin stratège finit pourtant prisonnier d’un bourreau perfide et d’un geôlier sans scrupule, à une époque où arrestations et emprisonnements abusifs sont monnaie courante. Pourtant, Erenora ne renonce à rien pour le retrouver, bravant les dangers et parcourant pendant deux ans le territoire du nord au sud, des sommets enneigés jusqu’aux îles les plus isolées. Une véritable ode "à la nature insatiable de l’amour et à l’invincibilité de l’esprit humain, incarnées par Erenora", confie l’auteur.

Quand la réalité devient fiction


L’auteur maori, pionnier de la littérature postcoloniale à explorer le genre du roman et des nouvelles, gratifié en 2005 par l’Ordre du mérite en littérature de la Nouvelle-Zélande, se distingue une nouvelle fois avec La femme de Parihaka en se livrant à ce mélange de "fiction-réalité-histoire" : un roman unique, émouvant et bouleversant à souhait, qui ne laisse aucun lecteur insensible. Un ouvrage qui offre une découverte poignante de la Nouvelle-Zélande d’antan et contemporaine, au milieu d’une nature luxuriante et capricieuse. Là où les traditions et le patrimoine culturel maoris revivent à la lueur du témoignage de cette héroïne de Parihaka, dont le cri du cœur révèle l’insoumission d’un peuple face aux injustices, en choisissant pourtant une forme de résistance non violente.

"Pleurez pour l'âme du peuple maori, pleurez. La lumière est masquée par les ombres, plus ténébreuses que la plus sombre des nuits".

L’écrivain signe ici une épopée des plus singulières, où les protagonistes principaux sont en fait ses propres ancêtres. Le récit est ponctué d’évènements bel et bien ancrés dans l’histoire coloniale de la Nouvelle-Zélande (tant politique et militaire que religieuse), le tout entremêlé de chassé-croisé avec le présent. Et pour cause, à 80 ans passés, Erenora consigna son histoire dans un manuscrit inédit, rédigé en maori et traduit par Witi Ihimaera. Ce manuscrit est précieusement conservé "dans les archives de l’église anglicane du Collège théologique St John d’Auckland" . À travers le témoignage d’Erenora, c’est bien un message universel et intergénérationnel que délivre cette épopée tirée de faits réels.

La femme de Parihaka, de Witi Ihimaera. Traduit par Mireille Vignol, Éditions Au vent des îles, 2750 Fcfp.

Plus d’informations sur l’ouvrage : ICI


le Jeudi 23 Février 2017 à 07:05 | Lu 1873 fois