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La désinformation aggrave la crise du Covid en Papouasie-Nouvelle-Guinée


Port Moresby, Papouasie-Nouvelle-Guinée | AFP | vendredi 25/03/2021 - La désinformation menace les efforts pour contrôler la flambée de Covid-19 apparue en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où un soignant sur quatre est réticent à se faire vacciner.

Après une année sans contamination massive, ce pays pauvre de Mélanésie enregistre à présent presque chaque jour des chiffres record de nouvelles infections.

Les hôpitaux ont dû refuser des patients en raison d'un manque de personnel médical, de nombreux soignants étant malades ou contraints de se confiner.

Alors que des experts avertissent que le système de santé est proche de l'effondrement, l'Australie voisine a envoyé cette semaine une cargaison d'urgence de 8.000 doses de vaccin destinées à immuniser le personnel de première ligne.

Le service Fact Check de l'AFP a démonté plusieurs posts largement partagés sur Facebook - qui est avec WhatsApp la principale plateforme numérique dans ce pays - affirmant faussement que les habitants étaient vaccinés de force dans le cadre d'une expérience massive, ou même d'un génocide racial.

Doutes des soignants

Gary Nou, médecin d'un service des urgences à Port Moresby, la capitale, a demandé à plus de 130 de ses collègues s'ils allaient se faire vacciner. Il a déclaré à l'AFP que 24% avaient dit qu'ils refuseraient de le faire et que 37% ne savaient pas s'ils le feraient.

"Les soignants eux-mêmes sont troublés, ils ne savent pas si le vaccin va les aider ou pas", a-t-il déclaré.

"Des gens leur disent que le vaccin est +expérimental+, que c'est +de la thérapie génique+ et que +des gens vont en mourir+, ils copient toutes ces vidéos qui apparaissent sur les réseaux sociaux", a rapporté ce médecin.

Pourtant, "ce sont des personnels de santé éduqués", a-t-il souligné.

Le ministre de la Santé, Jelta Wong, a communiqué à l'AFP un sondage gouvernemental qui montre un important scepticisme sur le vaccin dans l'ensemble de la population, où beaucoup évoquent des craintes pour leur sécurité ou des motivations religieuses.

Le sondage indique que près de 10% des habitants de la Papouasie-Nouvelle-Guinée refuseraient d'être vaccinés. Dans certaines provinces, le nombre de ceux qui refuseraient dépasse le quart de la population.

Glen Mola, un professeur qui travaille à l'hôpital général de Port Moresby, a déclaré à l'AFP que si les soignants refusaient la vaccination à cause de la désinformation, le système de santé pourrait s'effondrer.

"Une fois que vous avez une baisse de 20% du personnel dans les secteurs à haute intensité, comme par exemple le service des urgences ou la salle d'accouchement, ils ne peuvent tout simplement pas fonctionner", a-t-il expliqué.

Même en période normale, la Papouasie-Nouvelle-Guinée souffre d'un manque sévère de personnel médical, moins de 30.000 personnes pour une population de neuf millions d'habitants.

Matt Cannon, responsable pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée de Saint John Ambulance, une ONG caritative britannique, dit avoir vu sur les réseaux sociaux "une quantité inquiétante" de désinformation affirmant que le Covid n'existe pas.

"Nous voyons des gens qui ont très vraisemblablement le Covid ou qui sont des cas confirmés et qui continuent leurs activités normales", a déclaré M. Cannon.

Dans un post partagé des centaines de fois, le docteur Sam Maima a conseillé à ses concitoyens de ne pas se faire tester, leur proposant à la place divers traitements à l'efficacité non prouvée, comme boire toutes les six heures deux tasses de tisane de citron vert.

Le dirigeant de l'opposition Belden Norman Namah a appelé le gouvernement à stopper la vaccination, déclarant que le coronavirus pourrait avoir existé dans le pays depuis des centaines d'années.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée a depuis longtemps des problèmes avec la vaccination. C'est l'un des rares pays dans le monde où la poliomyélite reste endémique.

L'Australie a demandé à la firme AstraZeneca de diriger vers ce pays un million de doses de son vaccin achetées par Canberra afin que la vaccination massive puisse commencer avant la date de mi-mai prévue par le gouvernement.

"Interdire Facebook" 

Mais même si les nombreuses difficultés logistiques dues à la nature du pays sont surmontées, la désinformation pourrait faire échouer ce plan.

Pour le professeur Mola, le gouvernement doit faire davantage pour combattre la désinformation et les autorités de santé doivent communiquer efficacement avec les personnes qui ne sont pas encore décidées à être vaccinées.

Le ministre des communications, Timothy Masiu, a déclaré à l'AFP que le gouvernement est préoccupé par la désinformation mais qu'actuellement il n'a pas de stratégie pour la combattre.

"Pour le moment nous ne faisons rien parce que nous croyons en la liberté d'expression. Mais si cela empire, en tant que gouvernement nous pouvons prendre des mesures en vue d'interdire Facebook", a-t-il dit.

"Nous avons aussi une loi sur la cybercriminalité, que nous pouvons appliquer aux personnes qui diffusent de la désinformation sur les réseaux sociaux", a ajouté le ministre.

le Vendredi 26 Mars 2021 à 04:17 | Lu 543 fois