La défiscalisation locale est à bout de souffle


Nuihau Laurey soutien la prolongation de la défisc locale mais ne cache pas ses limites
PAPEETE, le 3 décembre 2014 - Alors que l'Assemblée a voté la poursuite de la défiscalisation territoriale jusqu'en 2025, le vice-présent souligne les difficultés de ce régime. L'une des principale est que les entreprises ne veulent plus l'utiliser par peur du redressement fiscal…


L'Assemblée de Polynésie a voté jeudi dernier la prorogation de la défiscalisation locale jusqu'en 2025. Sa suppression avait été annoncée par le gouvernement Flosse, avant que le gouvernement Fritch ne se rende à l'avis des organisations patronales et décide de sauver la "défisc locale" afin, selon la description du projet de loi, "d'inscrire l'action de relance économique de la Polynésie française dans une perspective de moyen et long terme et consolider ainsi la confiance des investisseurs dans notre économie."

Sauf que lors des débats, le vice-président et ministre du Budget et des Finances Nuihau Laurey s'est attardé sur la réalité de ce régime. "C'est vrai que c'est un dispositif d'incitation à l'investissement, notamment dans des secteurs où la Polynésie n'est pas compétitive par rapport notamment à ces voisins. Et c'est vrai que ce dispositif est très coûteux pour la collectivité et que ce coût est encore plus difficile à supporter dans ce contexte budgétaire" entame-t-il.

Nuihau Laurey admet aussi, en réponse aux questions des représentants, que l'efficacité de la défisc est mal évaluée et que la seule étude sérieuse disponible – une thèse concernant uniquement l'hôtellerie – est sévère sur l'efficacité du dispositif par rapport à des aides publiques ciblées. Autre limite que reconnait le vice-président : "on observe aussi une attitude des grands groupes qui consiste à réserver ou capter l'essentiel de ces crédits pour le développement des filiales de leurs propres groupes, et on ne peut pas empêcher ça puisque c'est le défiscalisant qui décide de financer les projets qu'il trouve valable."

Les limites de la défiscalisation


La part des impôts sur les entreprises qui peut être diminuée avec la défiscalisation locale
Le budget 2015 inclut 2,9 milliards Fcfp pour financer la défiscalisation, sur 9 milliards Fcfp de projets potentiels en 2015-2016. Mais "le contexte devient de plus en plus compliqué" assure le vice-président. "D'une part nous avons baissé le taux d'imputation de 65% à 50%, et d'autre part nous avons baissé l'année dernière l'impôt sur les sociétés. Enfin la situation économique est difficile pour les entreprises, ce qui fait que l'enveloppe fiscale disponible pour les crédits d'impôt est extrêmement réduite."

En résumé, les entreprises ont moins de bénéfices, qui sont moins taxés. Ils ont donc moins d'impôts à faire diminuer par la défiscalisation, et ce régime ne permet plus que de diminuer de 50% au maximum son impôt sur les sociétés (ou sur les transactions), ce qui réduit beaucoup les volumes d'argent mobilisables.

Les patrons ne veulent plus risquer le fisc pour la défisc

Mais en pratique, c'est surtout du côté des entreprises que la situation est bloquée pour l'instant : "nous commençons à observer des difficultés de la part des opérateurs à lever la totalité des crédits d'impôt durant l'exercice budgétaire, ce qui veut dire que la ressource fiscale a considérablement baissé. Et compte tenu des redressements fiscaux qui ont été opérés depuis l'année dernière sur des projets qui n'ont pas été mis à jour ou réalisés, on voit aussi que de nombreuses entreprises polynésiennes et certains secteurs d'activité choisissent, alors qu'ils le pourraient, de ne plus utiliser ce dispositif compte tenu du risque fiscal."

Finalement, en répondant une question sur un élargissement de la défisc au secteur perlier, Nuihau Laurey affiche son scepticisme face à ce supposé remède miracle pour relancer les investissements : "sur le choix entre une défiscalisation ou une intervention publique plus ciblée… Je pense que sur un plan de contrôle de l'argent public, il serait plus judicieux d'imaginer dans un deuxième temps des politiques sectorielles, notamment pour les petites entreprises qui ont des handicaps plus importants à surmonter."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 3 Décembre 2014 à 11:17 | Lu 1808 fois