La course s'accélère pour le nouveau câble transpacifique


Les projets Moana (à gauche) et Hawaiki s'affrontent depuis plus d'un an pour créer la prochaine colonne vertébrale numérique du Pacifique.
PAPEETE, le 6 juillet 2016 - Les deux projets qui s'affrontent pour construire un nouveau câble sous-marin reliant l'Australie-Nouvelle-Zélande aux États-Unis, Moana et Hawaiki, ne sont toujours pas départagés. Mais la résolution pourrait être proche… Et l'issue sera importante même pour la Polynésie.

Nous vous en avons déjà parlé plusieurs fois, et la course continue à battre son plein. Le projet Moana contre le projet Hawaiki… Qui sera celui qui construira la nouvelle colonne vertébrale numérique de la région Pacifique ?

Depuis plus d'un an, les projets qui veulent relier l'Australie, la Nouvelle-Zélande et plusieurs îles du Pacifique à la côte Ouest américaine s'affrontent dans une chasse féroce aux financements et aux partenariats. Ce combat est important pour la Polynésie française puisque les deux projets prévoient la possibilité de construire une extension jusqu'à Tahiti et ainsi sécuriser notre propre câble Honotua.

Le câble Hawaiki, porté par l'homme d'affaires calédonien Rémi Galasso, a déjà annoncé avoir bouclé son plan de financement pour ce projet qui coutera entre 300 et 500 millions de dollars. L'entreprise assure avoir entamé la phase de construction pour une livraison en 2018. Son concurrent, l'entreprise samoane Bluesky Pacifique Group, assure que cette annonce n'est qu'un bluff, que rien ne prouve que la construction ait commencé et que M. Galasso continue de courir après les financements… Moana table sur un budget bien plus petit, de 150 millions de dollars, qui serait financé en partie par un rassemblement de petits états au lieu de ne compter que sur des investisseurs privés.

LA COURSE AUX FINANCEMENTS

Rémi Galasso, homme d'affaire calédonien à la tête de la société australienne Hawaiki Submarine Cable
Mais les lignes de démarcation se font plus claires. Hawaiki a par exemple reçu le soutien des Samoa américaines et signé en mai un partenariat important avec Amazon qui va investir dans le projet. "Ce n'est pas tous les jours que des Calédoniens parviennent à décrocher une affaire avec le numéro un mondial d'un secteur, en l'occurrence ici, celui du cloud. C'est en outre le premier investissement majeur d'Amazon dans les câbles sous-marins et c'est Hawaiki qui a été choisi, et non pas notre concurrent Southern Cross, et encore moins le projet Moana Cable" se félicite Rémi Galasso à ce sujet.

Du côté de Moana, on mise plutôt sur le Pacific International Connectivity Project qui pourrait financer toutes les extensions de leur câble à travers les petites îles du Pacifique, et une partie de la connexion vers Hawaii. Ce projet public est porté par la Nouvelle-Zélande, soutenue par l'OPT, et vise à connecter par câble ou liaisons satellites haut débit les îles de Tokelau, Niue, les Cook et enfin sécuriser la Polynésie française. Plusieurs concurrents sont en lice pour ce marché, dont Moana et Hawaiki. Mais le projet samoan part en favori, surtout pour une question de coût. Adolfo Montenegro, P-dg de Bluesky Pacific Group, nous expliquait ainsi en mai dernier : "nous regardons chaque portion du projet et expliquons que nous pouvons le construire à prix coûtant. Je pense que personne d'autre ne peut vous proposer de le construire à prix coûtant. Nous, notre idée est de relier ensuite tout le monde à Hawaii et à la Nouvelle-Zélande où il y a de la demande pour remplir le câble." Les gouvernements du Pacific International Connectivity Project devraient bientôt annoncer leur choix et ainsi sauver – ou achever – le projet Moana.

BLUESKY EST À VENDRE

Et le match prend encore une tournure inattendue : la maison-mère de Bluesky Pacific Group, l'espagnol Amper, connait de grosses difficultés financières, au point qu'un auditeur a publiquement assuré en mars dernier "avoir des doutes sur la capacité d'Amper à continuer ses activités". D'où la vente de ses actifs dans le Pacifique Sud.

Justement, selon nos confrères du journal Samoa Observer du dimanche 3 juillet, Bluesky pourrait être vendue à l'entreprise publique fidjienne Amalgamated Telecom Holdings (ATH) dans les trois mois qui viennent.

Adolfo Montenegro à droite, p-dg de Bluesky Pacific Group, accompagné de Maui Sanford, en charge du "business development" de Moana Communications
Maui Sanford, en charge du business development de Moana Communications en Polynésie, nous confirme que les deux entreprises "ont signé un protocole d'accord, mais la vente n'est pas encore faite. Et pour Moana, ça n'implique rien, on continue pour l'instant. Ça dépendra de ce que ATH décide, s'ils rachètent Bluesky. Mais le projet Moana fait partie d'un ensemble. Nous, on continue sur notre projet tant qu'on n'a pas de signe qu'ils (Hawaiki, NDLR) sont partis. On a encore des signes qu'ils courent après des gens pour des financements, leur annonce qu'ils ont bouclé leur financement n'est qu'un bluff."

Pour Rémi Galasso par contre, "Amper est en faillite, elle vend donc Bluesky. Pour rappel, Amper porte aussi le projet Moana Cable, qui a donc très peu de chance d'aboutir, s'il n'est pas déjà mort." Une autre analyse consiste à se demander quelle sera la stratégie du gouvernement fidjien si ATH s'empare de Bluesky. Cet archipel est déjà le hub numérique de référence dans le Pacifique Sud, avec pas moins de 4 câbles sous-marins qui s'arrêtent à Suva, dont le plus important : Southern Cross. Et Moana Communications a justement dans ses cartons un plan B qui passerait par les Fidji et doit fortement intéresser ce pays…

Bref, la tension est palpable entre les deux concurrents alors que la course qu'ils ont engagée il y a plus d'un an approche désormais de la ligne d'arrivée.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 6 Juillet 2016 à 13:54 | Lu 3790 fois