La convention qui change la donne du transport en commun à Tahiti


PAPEETE, 17 octobre 2018 - Instauration de 21 lignes régulières, 173 lignes scolaires, triplement des véhicules en usage avec l’acquisition de 240 bus d’ici 2021, supervision informatisée du réseau, horaires fixes... La convention cadre de délégation de service public signée mercredi avec la société RTCT promet une métamorphose de l'offre des transports en commun sur l’île de Tahiti.
 
Jugé peu fiable, mal organisé, pas suffisamment ramifié et inadapté aux besoins, le réseau de transport en commun n’est toujours pas considéré comme une alternative à la voiture. On estime que guère plus de 5% de la population utilise régulièrement un mode de transport collectif, alors que la demande de déplacements est évaluée à 530 000 trajets par jour sur l’île de Tahiti, dont 460 000 sur la zone urbaine de Papeete et près de 145 000 en ville. Mais cette situation est appelée à changer. C’est en tout cas le souhait ouvertement exprimé par Edouard Fritch, mercredi, au moment de signer la nouvelle convention cadre pour les transports régulier et scolaire sur l’île de Tahiti.

Il aura fallu 5 ans depuis l’échéance de la précédente convention de délégation de service public, en 2013, pour être en mesure de jeter les bases du nouveau modèle. A partir du 1er janvier 2019, ce que l’on connait de l’offre de transport en commun est appelé à se transformer sur l’île la plus peuplée de Polynésie française, à en croire les termes de la convention cadre de délégation de service public signée mercredi avec la société par actions simplifiée Réseau de transport en commun de Tahiti (RTCT). Seul candidat à l’appel public à la concurrence ouvert en mars 2018, c’est finalement le pape du transport en commun de Tahiti, Willy Chung Sao, qui assurera la destinée de ce service public, jusqu’au 31 décembre 2033, après en avoir géré, bon an mal an, le quotidien depuis 2001.

4,6 milliards d'investissements

Mais contrairement aux dispositifs des précédentes délégations de service public, cette nouvelle convention prévoit l’accompagnement du Pays au travers de contributions financières forfaitaires dans le cadre d’un partenariat plus étroit, avec des obligations réciproques. Outre cette contribution forfaitaire du Pays qui pourrait être de l’ordre de 850 millions Fcfp par an, la collectivité se garde l’initiative de la tarification et s’engage à développer les infrastructures dédiées sur le réseau routier (accès, abris bus, supports de signalétique, etc).

​De son côté, le prestataire devra desservir un maillage de 21 lignes régulières dans l’agglomération de Papeete et dans les communes, sans considération de rentabilité, mais avec des horaires préétablis, une fréquence adaptée aux besoins et des lignes desservant les vallées les plus peuplées. RTCT devra en outre assurer, dans les mêmes conditions, la desserte de 173 lignes scolaires.

La société présidée par Willy Chung Sao s’engage à acquérir 240 bus neufs d’ici 2021, en remplacement du parc hors d’âge des 80 véhicules actuellement en circulation. Quarante véhicules sont déjà en commande. A terme, 112 autobus seront dédiés au transport régulier et 128 pour le transport scolaire. Vingt bus électriques seront mis en circulation dans l'agglomération de Papeete. Un investissement de 4,6 milliards Fcfp est envisagé par RTCT, dont une part en défiscalisation.

Le délégataire s’engage également à utiliser un outil moderne de contrôle et de supervision informatique du réseau de transport en commun. Cela permettra notamment la géolocalisation des autobus en fonction. Ce système développé pour la régulation en temps réel de l'exploitation du réseau, la gestion de l'information aux usagers et le contrôle des billetteries embarquées, devrait aussi permettre de diffuser une information en temps réel accessible par les usagers sur smartphone, au moyen d’une application dédiée.

Enfin, le nouveau prestataire s’est engagé à prendre à sa charge les 235 postes actuellement employés par les sociétés de transport collectif Réseau de transport urbain (RTU), Transport collectif de la côte ouest (TCCO), Nouveaux transporteurs de la côte est (NTCE). Des sociétés qui opèrent actuellement dans le secteur du transport en commun et avec qui RTCT signe un contrat de prestation pour 5 ans, mais sur de nouvelles bases.
"J'espère que nous pourrons rattraper cet énorme retard que nous avons dans le secteur des transports en commun, et que nous convaincrons une nouvelle clientèle de les utiliser", a souhaité le chef de l'exécutif polynésien, mercredi à l'issue de cette signature.

​"L'exigence, c’est la ponctualité, l’efficience du service et une vraie visibilité de la desserte"

Trois questions à Edouard Fritch, à l'issue de la signature de cette convention cadre avec la société RTCT.

Cette nouvelle convention de délégation de service public aura mis 5 ans pour aboutir. Etait-ce si compliqué ?
C’est une délégation qui a été très compliquée. Il nous a fallu tout regarder. Les possibilités de desserte en zone urbaine et dans les communes, les lignes autour de l’île, etc. Il nous a fallu analyser beaucoup de détail. C’est ce qui explique que ça a pris du temps. A cela il vient s’ajouter la question financière, puisque c’est une délégation de service public. Au-delà de l’exigence par l’administration sur certaines obligations de service, le Pays doit prévoir une compensation. (…) Mais enfin, aujourd’hui les choses sont pratiquement bouclées. Il nous restera à faire un point financier, à l’issue du premier semestre de 2019.
 
Qu’attendez-vous de cette nouvelle organisation des transports collectifs ?
Ce que tout le monde attend : d’abord de voyager dans de meilleures conditions. Les bus actuels sont vieillissants. Le délégataire va être obligé de beaucoup investir. D’ici 2020, c’est 240 véhicules nouveaux qui seront mis en ligne. Cela représente un investissement de plus de 4 milliards de francs. La deuxième exigence, c’est la ponctualité, l’efficience du service et une vraie visibilité sur le schéma de desserte. Lorsque l’on se rend au travail, on doit arriver à une heure précise ; lorsque l’on a terminé, on souhaite rejoindre son foyer… Il y a des obligations de ce type-là pour lesquelles le délégataire s’est engagé : les bus seront géolocalisables, les usagers pourront suivre leur trajet sur smartphone… On essaye de faire en sorte que le transport en commun, ici en Polynésie française, soit attractif. Et je crois que le délégataire en est bien conscient.
 
Qu’en est-il de votre promesse de campagne qui annonçait la gratuité des transports pour les handicapés, les personnes à la recherche d’un emploi, les étudiants ?
Mon principal souci, pendant la campagne, était de permettre à ceux qui recherchent un emploi de pouvoir se déplacer aisément, en particulier pour ceux qui résident loin de la ville. Nous avons vu avec le délégataire les conditions dans lesquelles cette facilité sera offerte. Je tiendrai parole. (…) Début 2019, je pense que l’on commencera à y voir plus clair.

Demi-tarif pour les enfants de 2 à 12 ans. Gratuité pour les personnes de plus de 60 ans sur présentation d'une carte "Matahiapo".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 17 Octobre 2018 à 15:17 | Lu 8174 fois