La concurrence à Tahiti. Une utopie ?


Florent Venayre et Christian Montet, les auteurs de l'ouvrage.
PAPEETE, mercredi 22 mai 2013. Sous un titre pour le moins accrocheur «La concurrence à Tahiti. Une utopie ?», la maison d’édition Au Vent des Îles publie dans sa collection «Société», un vrai livre de référence en la matière. Les auteurs, enseignants en sciences économiques à l’Université de Polynésie française, Christian Montet et Florent Venayre connaissent bien le sujet de la concurrence dans les systèmes économiques en général, mais aussi les particularités de l’économie polynésienne pour l’étudier dans ses moindres détails depuis plusieurs années. Pour ceux qui connaissent déjà les concepts et les notions de la concurrence -et particulièrement de la libre concurrence- comme moteur de dynamisme d’une économie moderne et encore les grandes lignes du droit à la concurrence, passez la première partie pour aborder les chapitres qui concernent Tahiti uniquement.

Cette deuxième partie intitulée : «Tahiti, un éden de non-concurrence injustifié» est un portrait argumenté qui démonte pièce par pièce et point par point les dysfonctionnements du système économique local où le trop grand interventionnisme du politique dans l’économie grippe la machine, où les situations de monopole ont conduit à des abus et/ou à l’essoufflement du secteur, où les prix pratiqués sont parfois totalement injustifiés, où la régulation de certains secteurs produisent des effets encore plus calamiteux que si on avait laissé faire le marché, où la fiscalité pratiquée encourage certains lobbies au détriment d’une saine et revigorante concurrence ouverte.

En économistes patentés, les auteurs défendent l’idée que la libre concurrence est ce qu’il y a de mieux pour dynamiser une économie
, moderniser un pays, le faire aller de l’avant pour peu que ce droit à la concurrence soit encadré d’une part par une réglementation efficace, une loi anti-trust et d’autre part, régulé et contrôlé par une autorité de la concurrence qui soit une entité administrative indépendante des pouvoirs locaux. Or pour l’instant à Tahiti, il n’existe ni loi sur le droit à la concurrence, ni la liberté des prix, ni a fortiori d’autorité de contrôle et de régulation de la concurrence. Les deux tentatives législatives récentes, en 2005 puis en 2011-2012 ayant échoué.

Mais selon les auteurs, cette loi sur la concurrence est une évidence annoncée
: «Jamais auparavant la situation n’avait été aussi propice à l’ouverture d’une vraie concurrence. Les émeutes dans l’outre-mer contre la vie chère depuis 2009 sont des mouvements populaires qui ont réclamé plus de concurrence. L’un des premiers textes sur l’outremer adopté par le nouveau gouvernement central et porté par le ministre Victorin Lurel a été une loi sur la régulation économique en outremer. De même dans les rapports qui s’établissent entre la France et la Polynésie, il y a des règles de la conditionnalité de l’aide. La France pousse des réformes dans le sens d’une ouverture de la concurrence. C’est notamment écrit dans le rapport Bolliet» détaille Florent Venayre.

Et Christian Montet d’ajouter que la stabilité politique de la nouvelle loi électorale va permettre à la majorité en place pour les cinq prochaines années «de lancer des chantiers qui pourront peut-être déplaire à certains», bref d’aborder des réformes importantes que les lobbies (sur l’énergie, les télécommunications) ne pourront pas contrecarrer aussi facilement que précédemment. Dans tous les cas, les deux auteurs préviennent déjà qu’ils seront attentifs au texte d’une future loi sur le sujet et également à la création ou pas de l’autorité de la concurrence qui va nécessairement de pair.

Les deux auteurs dédicaceront leur ouvrage le samedi 25 mai de 9h à 12h à la librairie Archipels
et le samedi 1er juin de 9h à 12h à la librairie Odyssey. Le livre de 310 pages paru dans la collection Société de la maison d’édition Au Vent des îles est vendu 2950 Fcfp. Il s’adresse aussi bien aux étudiants en économie, notamment aux élèves de Master en droit des activités économiques, qu’à tous ceux qui s’intéressent à la Polynésie, à son fonctionnement politico-économique, à son développement. Pour acheter le livre en ligne cliquer ici



EXTRAIT


«Progressivement, la Polynésie s’est engluée dans un système hautement administratif et réglementaire, laissant la part belle aux actions individuelles des hommes politiques et des entreprises bien implantées, avec une part non négligeable d’arbitraire (…) Tahiti apparaît donc comme un territoire anachronique au plan mondial et renoue avec son image originelle de paradis, mais un paradis des monopoles, des ententes et des abus de position dominante, sous la bienveillante autorité du pouvoir politique. Les contraintes inhérentes à la Polynésie (petite taille, faible population, éloignement, insularité…) et les inquiétudes qu’elles génèrent, cumulées aux ambitions souverainistes, ont forgé l’idée que l’intervention de la puissance publique dans l’économie était indispensable. Dans tous les secteurs de l’économie, que ce soit de manière directe ou indirecte, l’intervention publique est venue modifier les conditions de marché, nuire à la concurrence, au détriment systématique du consommateur polynésien».

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 22 Mai 2013 à 14:26 | Lu 3247 fois