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La commune de Fakarava “dépassée” par la réserve de biosphère


© archives Tahiti Infos
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Tahiti, le 27 mars 2023 - Dans un rapport sur la gestion de la commune de Fakarava, la chambre territoriale des comptes s'intéresse notamment à la gestion de la réserve de biosphère. Pour la CTC, la commune ne met pas les moyens suffisants et semble être dépassée face aux enjeux de ce classement, en se reposant sur l'accompagnement de la Diren.
 
La chambre territoriale des comptes (CTC) a publié ce lundi un rapport sur les comptes et la gestion de la commune de Fakarava au cours des exercices 2015 et suivants. Elle s'est notamment penchée sur le cas particulier de la réserve de biosphère, une labellisation qui date de 2006. L'atoll de Fakarava, ainsi que six autres atolls appartenant à cette commune – Aratika, Kauehi, Niau, Raraka, Taiaro et Toau – et l'espace maritime intercommunal, soit une surface totale de 20 000 km2, ont été classés en raison notamment de “la richesse exceptionnelle de leur faune sous-marine”, souligne la CTC. Ils comptent ainsi parmi les 738 sites répartis dans 138 pays du réseau international des réserves de biosphère de l'Unesco et représentent l'une des plus grandes réserves françaises.
 
La chambre indique que Fakarava est un site touristique extrêmement convoité, aussi bien par les visiteurs étrangers que par les résidents de îles de la Société, ainsi que les plaisanciers, notamment en raison de la “renommée internationale de ses sites de plongée”. Le tourisme est la principale économie de l'atoll, qui, en 2019, avant la crise Covid, connaissait la plus forte densité touristique de la Polynésie française avec “12 680 touristes pour 830 habitants, soit 15 touristes par habitant”. Si cet afflux touristique participe au développement économique de l'atoll et à la création d'emplois, la CTC souligne néanmoins qu'il n'est “pas sans conséquences”, notamment en termes de gestion des ressources naturelles, des déchets, de l'eau ou de l'environnement.

La commune “se laisse porter”

Malgré la labellisation de Fakarava comme réserve de biosphère, la CTC estime que la commune “est actuellement à la recherche de son modèle de développement durable”. La réserve est administrée par le Pays via la Direction de l'environnement (Diren). Un comité, présidé par le maire de Fakarava et dont les maires délégués sont membres, est chargé d'élaborer son plan de gestion, sa mise en œuvre et son suivi. Sauf que ce plan de gestion n'a toujours pas été validé. Si l'accompagnement financier par la Diren est “régulier et soutenu”, la CTC constate que du côté de la commune, “le fonctionnement de la réserve nécessite différents moyens qui font défaut depuis plusieurs années”. C'est le cas notamment pour un poste de coordinateur, dont la nécessité a été identifiée “dès l'origine”, mais qui n'a jamais été recruté. Selon la CTC, la commune n'a même jamais engagé les démarches en vue de ce recrutement. La chambre indique également que la commune ne paie pas non plus les cotisations annuelles à l'association internationale des réserves de biosphère. Enfin, la CTC souligne qu'aucun bateau public n'est mobilisable pour la gestion de la réserve, celui de la Diren étant en réparation “depuis plusieurs années” et l'acquisition d'un bateau par la commune prévue en 2021 est “restée sans suite”. Une nouvelle délibération a cependant été votée en conseil municipal en février 2022 en vue de cette acquisition. En attendant, l'absence de bateau pour assurer la mise en place des programmes, le suivi des actions et la surveillance des zonages “affaiblit les conditions de préservation du site et laisse perdurer des comportements individuels déviants”, souligne la CTC.
 
Pour la chambre, “la commune s'efface régulièrement et laisse la Diren porter les actions, aussi bien dans leur animation que leur financement”. La CTC s'interroge également sur “l'implication réelle des élus communaux quant à la réussite de ce projet” de réserve de biosphère et parle de “dépassement” de la commune face aux enjeux de ce classement. Ce que reconnaît le tāvana de Fakarava qui, dans sa réponse à la CTC, confirme “l'effacement régulier” de la commune dans la gestion de la réserve alors même qu'elle “se doit d'être au centre de cette gestion avec ses partenaires” que sont la Diren et les associations. Pour la CTC, “la municipalité actuelle semble se laisser porter par l'engouement lié à cette destination sans prendre la mesure des décisions structurantes à prendre” et l'invite à définir “sans tarder” son modèle de développement en concertation avec la population et l'ensemble des acteurs de la zone. Un modèle de développement qui doit notamment permettre d'offrir à la population, mais aussi aux touristes, des services publics adaptés aux enjeux.

Fakarava est un site touristique extrêmement convoité. En 2019, l'atoll enregistrait la plus forte densité touristique de la Polynésie française avec “12 680 touristes pour 830 habitants, soit 15 touristes par habitant”. Mais les services publics en matière de gestion des déchets et de service de l'eau ne sont pas au rendez-vous.  © archives Tahiti Infos
Fakarava est un site touristique extrêmement convoité. En 2019, l'atoll enregistrait la plus forte densité touristique de la Polynésie française avec “12 680 touristes pour 830 habitants, soit 15 touristes par habitant”. Mais les services publics en matière de gestion des déchets et de service de l'eau ne sont pas au rendez-vous. © archives Tahiti Infos

Absence de plan de gestion des déchets et d'eau potable

Et les services adaptés, ce sont notamment ceux de la gestion des déchets et de l'eau. Car selon la CTC, Fakarava “accuse un retard en matière de services environnementaux”. En effet, avec un nombre de touristes par an qui représente plus de 15 fois sa population, Fakarava se doit de gérer la grande quantité de déchets qui en résulte. Or, elle ne dispose pas de plan de gestion des déchets. Seules les ordures ménagères sont collectées par la commune. Les déchets verts peuvent être broyés par les habitants en louant le matériel à la commune et les encombrants sont entreposés sur une parcelle appartenant au Pays. Par ailleurs, la commune indique que certains types de déchets sont enfouis sur le site de ce dépôt d'ordures à ciel ouvert. Une pratique qui peut potentiellement engendrer une pollution des nappes d'eau proches des sols qui sont en lien avec l'océan, à proximité immédiate du lieu d'enfouissement. Pour la CTC, “cette situation non conforme à la réglementation traduit une absence de solutions de gestion durable des déchets sur cet atoll. Elle souligne que la situation est identique pour les autres communes associées.
 
Quant au service de l'eau – denrée rare, et plus encore aux Tuamotu –, la commune avait réalisé en 2015 un schéma directeur de l'alimentation en eau potable. La priorité avait été donnée à la récupération d'eau pluviale pour la production d'eau potable avec pour objectif de fournir 5 litres par jour et par habitant. La commune a donc acquis, depuis plusieurs années, plusieurs citernes d'eau collectives avec système de potabilisation pour Fakarava et les atolls associés. Mais la commune n'est pas en mesure d'effectuer les prélèvements pour le contrôle de la qualité de l'eau. Celle-ci est donc par défaut réputée non potable et ne peut par conséquent être vendue. Les touristes nautiques s'alimentent donc, à titre gratuit, auprès des citernes communales avec de l'eau qui n'est donc pas considérée comme potable. Quant aux résidents des atolls, ils disposent tous de réservoirs individuels pour ce qui relève de l'usage quotidien de l'eau (hors eau de boisson) et achètent des galons de 18 litres pour l'eau potable. Ce qui pose, là encore, “la question de la gestion des déchets plastique”, souligne la CTC. Cette dernière engage donc la commune à “dépasser ses difficultés techniques” et de délivrer de l'eau potable “a minima” aux bornes collectives.

L'ancien maire et sa gestion “approximative”

Dans son rapport, la chambre territoriale des comptes indique que malgré une faible structuration de la commune et le fonctionnement de ses services au quotidien très peu formalisés, la situation financière de Fakarava se présente “en fin de période 2021 sans risque majeur”. Cependant, la CTC pointe du doigt la gestion “approximative” de l'ancien maire, Tuhoe Tekurio, dont la mandature a été effectuée entre 2014 et 2020. La chambre cite en premier lieu l'exemple de la salle de sports Teputavaka, située dans le village de Fakarava. Construite en 2019 pour un montant de 3,8 millions de Fcfp (hors main-d'œuvre), elle est aujourd'hui fermée. Celle-ci avait été construite sur un terrain de 600 m2 appartenant à un propriétaire privé, sans permis de construire. Le maire actuel a donc décidé de la fermer en raison de la responsabilité qui pourrait être engagée à son encontre, d'autant qu'elle contenait des équipements sportifs sans manuels d'utilisation. De son côté, l'ancien tāvana a affirmé à la CTC que la salle avait été construite sur l'ancien “Fare biosphère” de la Diren et qu'il pensait, de ce fait, que le foncier était la propriété du Pays.
 
Autre exemple, en 2020, l'ancienne équipe municipale a autorisé la location d'engins communaux par des particuliers pour des travaux sur l'atoll de Kauehi. Des prestations qui s'élèvent à 661 000 Fcfp mais qui n'ont jamais été facturées aux bénéficiaires.
 
Un an auparavant, en 2019, la commune a acheté trois bus à la commune de Rangiroa pour un montant total de 3,2 millions de Fcfp. Mais ces bus n'auraient servi qu'une fois, à l'occasion du rassemblement culturel Te Nati Haga, qui s'est déroulé du 28 octobre au 1er novembre 2019, avant que deux d'entre eux ne soient réformés par la nouvelle équipe municipale qui a considéré qu'ils n'étaient “plus en état de fonctionner”. La recette globale de la vente de ces deux bus s'élève à 171 500 Fcfp, alors qu'ils avaient coûté à eux deux 3 millions. Le troisième bus, acquis pour 200 000 Fcpf, avait quant à lui été acheté pour pièces.
 
Enfin, la CTC cite l'exemple de la réforme d'un véhicule acquis en 2005 pour 3,9 millions de Fcfp et vendu au plus offrant pour un montant minimum de 50 000 Fcfp. Une seule offre aurait été faite dont on ne connaît pas le montant. La vente a été autorisée par le conseil municipal, mais aucun titre n'a été établi au nom de l'attributaire et il n'y a aucune trace de justificatifs d'encaissement de la recette. “Il est également constaté qu'aucune écriture de sortie d'actif, consécutive à cette vente, n'a été établie à ce jour”, souligne la CTC.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Lundi 27 Mars 2023 à 17:44 | Lu 4111 fois