La bonne santé des Polynésiens au cœur de l'après-Covid


Tahiti, le 16 mars 2021 – Depuis le début de l’épidémie, le Covid a jeté une lumière crue sur l’importance d’une santé solide en Polynésie, où une personne sur sept est en longue maladie. “Au-delà des malades, le coronavirus a produit des effets sociaux-économiques qui ont influencé négativement la santé des Polynésiens”, résume le docteur Philippe Biarez, animateur du premier atelier “Restauration de la santé et développement communal en post-covid”, organisé hier par la direction de la Santé.
 
L’épidémie maîtrisée, l’heure est à la vigilance mais aussi à l’évaluation des dégâts collatéraux. Sur la santé en particulier. Crise économique, ruptures des liens sociaux ou familiaux, maladies chroniques mal suivies, arrêt des activités sportives ou culturelles, détresse psychologique due au chômage, à la diminution du pouvoir d’achat ou la disparition de proches… La liste est longue.

“Au-delà des malades, le Covid a produit des effets sociaux-économiques qui ont influencé négativement la santé des Polynésiens. Or, la bonne santé est un outil indispensable de croissance, au-delà du fait que c’est bon pour soi-même, c’est bon pour le développement”, insiste le médecin Philippe Biarez, médecin chef de l’hôpital de Moorea. Également en charge du programme de “modernisation des soins de santé primaires en Polynésie”, c’est lui qui s’est vu confier l’animation et le pilotage du premier atelier sur la “restauration de la santé et le développement communal en post-covid”, organisé hier par la direction de la Santé dans la salle du gouvernement. 

Les communes en premières lignes

Dans le sillage du plan “Covid Amui” qui avait déjà permis de “mieux connaître la population pour mieux agir et mieux communiquer”, cet effort de mobilisation communautaire s’appuiera sur la connaissance du terrain des communes de Polynésie, institutions de proximité par excellence, avec le renfort des associations et des confessions religieuses. “Parce que c’est toute la communauté qui fait la santé et qui travaille sur sa propre santé” résume la directrice de la santé, Laurence Bonnac-Théron.

Et comme “on ne peut pas faire de santé sans les gens” reprend Philippe Biarez, également représentant de l’OMS en Polynésie, l’approche se veut transversale, s’inspirant justement de la vision de l’organisation mondiale qui conçoit la santé comme un “état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité”.

Il s’agit dès lors “de mettre en place des mesures autres que le purement médical” et de “créer un environnement favorable à la santé globale”. Pour le ministre de la Santé, Jacques Raynal, “c’est une vision de l’avenir : la santé ce n’est pas que l’ordonnance du médecin, la pharmacie, et le médicament, c’est la vie de tous les jours.”

“Une population en bonne santé se défend mieux”

Il faut dire qu’un an après son apparition, le Covid aura au moins permis de mettre en exergue l’importance de la forme physique dans un pays où une personne sur sept est en longue maladie. Outre l’âge, l’étude de la plateforme Covid du Pays -sur le profil des patients polynésiens décédés alors qu'ils étaient atteints du coronavirus- avait d’ailleurs pointé la prépondérance des comorbidités que sont les antécédents cardiovasculaires, le déficit immunitaire, le diabète ou l’obésité.

“Non seulement une population en bonne santé se défend mieux contre le Covid, mais elle peut aussi se développer économiquement, insiste Philippe Biarez. La santé c’est quelque chose de beaucoup plus complexe, influencée par de très nombreux facteurs, et historiquement, ce sont les communes qui influencent ces facteurs sans le savoir, en ramassant les ordures ménagères par exemple”.

Mais le Covid a également impulsé une “collaboration extraordinaire” entre les communes et la direction de la Santé via le plan Covid Amui. Un “partenariat intéressant” que l’autorité sanitaire tient à pérenniser. Pour y parvenir, le service de santé a développé trois dispositifs de promotion de santé : les comités locaux de santé, les écoles en santé et les entreprises actives. “Relativement faciles à mettre en œuvre”, et “adaptés au monde polynésien” ces outils sont mis à la disposition des communes volontaires “pour stimuler l’amélioration de la santé de leur population”.

“Facile à mettre en œuvre et peu coûteux”

Partant du principe qu’“on apprend mieux quand on est bien dans son corps”, le dispositif “les écoles en santé” –en partenariat avec le ministère de l’Éducation– consiste à labéliser les établissements qui mettent en place un certain nombre d’actions de promotion de la santé entre les enfants, la communauté éducative et les parents d’élèves.

Alimentation, environnement, culture, rythme de vie et de sommeil, addictions : le dispositif a vocation à donner aux élèves, “dès leur plus jeune âge”, des compétences psycho-sociales pour être en bonne santé. Comme leur permettre de prendre des décisions éclairées en perspective du secondaire, “et par exemple, savoir dire non à une proposition de consommation de ice”, illustre le médecin.

Dans le même esprit, les comités locaux de santé (CLS) composés des “forces vives des communes” consistent à créer un réseau afin de promouvoir la bonne santé, identifier les actions déjà existantes et les valoriser. Et pourquoi pas, “imaginer d’autres actions adaptées à la santé de leur communauté, développe Philippe Biarez. Nous les accompagnerons, parce que ces actions doivent pouvoir se faire soit avec le budget habituel de la commune, soit sur la base de subventions associatives. Ça doit être facile à mettre en œuvre et peu coûteux.”

Présentés en atelier ce matin dans la grande salle du gouvernement à six communes des îles du Vent, ces dispositifs, sur la base “d’exemples concrets”, s’accompagneront d’un processus d’assistance technique. Les autres communes volontaires ne sont pas en reste. Un deuxième atelier est prévu en avril, et sera ensuite proposé aux communes des archipels.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 16 Mars 2021 à 18:09 | Lu 2273 fois