La Présidence Flosse plus que jamais en sursis


PAPEETE, 4 septembre 2014 – La Cour d’appel de Papeete a rendu un arrêt, jeudi, rejetant le recours en relèvement de peine présenté par Gaston Flosse, pour échapper à l’inéligibilité. Le Président de la Polynésie française annonce se pourvoir en cassation, mais la fermeté de son assise à la tête du Pays est plus que jamais compromise.

"Je suis innocent : je me battrai jusqu’au bout !", a affirmé Gaston Flosse, visiblement ému, lors d’une de ses rares et brèves interventions devant la presse, ce jeudi. Un peu avant 9 heures, la Chambre des appels correctionnels de Papeete a rendu un délibéré rejetant pour irrecevabilité le recours en relèvement partiel de peine présenté le 21 août dernier par le Président de la Polynésie française.

A 83 ans, le leader du Tahoera’a Huira’atira, président du Pays et chef de l’exécutif polynésien tente d’échapper à une peine de trois ans d’inéligibilité rendu "exécutoire et définitive" le 23 juillet, date du rejet par la Cour de cassation d’un pourvoi formé contre l’arrêt d’appel prononcé en février 2013, dans l’affaire des Emplois fictifs.

Malgré le pourvoi en cassation qu’a annoncé former Gaston Flosse, jeudi matin, il se trouve maintenant sous la menace imminente d’un arrêté du haut-commissaire ordonnant sa démission d’office. L’arrêté est prêt confirme-t-on au Haut-commissariat, dans l’attente de la décision attendue de Paris, au sujet de la demande de grâce partielle adressée par le Président polynésien en sursis au chef de l’Etat français, fin juillet.
Le 23 juillet, l’élu définitivement condamné avait engagé un recours en relèvement partiel, une demande de grâce présidentielle et un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Aucune de ces procédures n’était normalement suspensive.

Pourtant, comme le rapporte le journaliste Alex Du Prel, dans l’édition de septembre du mensuel Tahiti Pacifique, au sujet de la demande de grâce présidentielle: "Le caractère suspensif de cette procédure a été admis par Matignon après analyse des pouvoirs particuliers et hors droit commun qui sont accordés au président de la République". Le haut-commissaire de la République en Polynésie française a donc reçu instruction d’attendre. Position qu’il observe depuis le 28 juillet dernier.

François Hollande a de son côté laissé entendre, interrogé le 23 août lors d’un déplacement à Mayotte, qu’il pouvait être dans l’attente de la décision de la Cour d’appel de Papeete saisie de la demande de relèvement.

Mais le rejet décidé jeudi pour une question de forme donne l’occasion à Gaston Flosse de se pourvoir en cassation. Et son avocat rappelle d'une main qu’"il appartiendra au Président de la République d’apprécier s’il respecte le caractère suspensif du pourvoi en cassation" et estime de l'autre "qu’un arrêté du haut-commissaire intervenant sans que toutes les voies de recours soient épuisées serait contraire (…) aux droits de la défense".

Voir l'interview de Maître François Quinquis ICI

Au Haut-commissariat, on assure que l’arrêté de démission d’office du président polynésien est prêt, dans l’attente du "feu vert" de Paris. Une source à Paris indiquait jeudi que la décision du président de la République est actée : la demande de grâce présidentielle de Gaston Flosse est refusée. La période de réserve des sénatoriales qui s'ouvre mardi 8 septembre pour s'achever le 29 n'empêche en rien Lionel Beffre de publier l'arrêté du président polynésien, qui n'est autre qu'un acte administratif.

En attendant, au plan politique, tout semble maintenant suspendu au dénouement qui, s’il doit intervenir bientôt, devrait se produire en début de semaine prochaine.
Pour la suite, en dépit des multiples annonces faites depuis plusieurs mois, sur le thème d’une succession par Edouard Fritch dans la continuité, beaucoup d’incertitudes demeurent sur les alliances en gestation et la stabilité politique de la séquence à venir. Pour l'instant, tout est calme et le climat est lourd. Mais n'est-ce pas comme ça, avant chaque tempête ?

Edouard Fritch "à la messe", pas au tribunal

Une cinquantaine de proches, d’élus, de ministres, et de militants Tahoera’a Huira’atira étaient présents autour de Gaston Flosse, jeudi matin au Palais de justice de Papeete. Mais pas son "fils spirituel" et ancien gendre, le président de l’Assemblée. Celui qui est présenté comme le successeur à la Présidence de la Polynésie française en cas d’inéligibilité "était à la messe", nous apprend-on dans l’entourage d’Edouard Fritch sans autre précision.

"C’est ma famille, ma plus grande famille", a estimé Gaston Flosse au sujet des soutiens présents autour de lui, jeudi. Quant à l’absence d’Edouard Fritch : "Ah ça, il faut lui demander à lui : moi je n’ai pas de directive à lui donner. C’est lui qui décide de la conduite à avoir", avant de compléter, interrogé sur ce qui pouvait expliquer cette absence : "Je ne sais pas. Alors là, je ne sais pas : je ne le vois pas ; je ne l’ai pas vu depuis quelques temps".

Depuis la condamnation en appel

Le 7 février 2013, la Cour d'appel de Papeete a jugé le leader autonomiste coupable de prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics et l’a condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis, 15 millions Fcfp d'amende et trois ans d'interdiction des droits civils, civiques et de famille. L’instruction de l’affaire dite des Emplois fictifs avait démarré en 1995.

Le 5 mai 2013, le Tahoera'a Huira'atira remporte 38 des 57 sièges de l'Assemblée après avoir totalisé près de 62 000 voix aux Territoriales. Le 17 mai, Gaston Flosse est élu président de la Polynésie française.

Le 23 juillet 2014, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par Gaston Flosse contre l'arrêt du 7 février 2013. Celui-ci devient donc "définitif et exécutoire".
Le 23 juillet, le Président de la Polynésie française engage un recours en relèvement partiel et formule une demande de grâce présidentielle, pour échapper à sa peine d’inéligibilité.

Le 28 juillet, le haut-commissaire Lionel Beffre déclare que la demande de grâce présidentielle a un caractère suspensif de fait.

Le 21 août, examen du recours en relèvement présenté par Gaston Flosse.

Le 23 août, au sujet de la grâce présidentielle dont il est saisi, François Hollande indique "La justice n'a pas encore donné toutes ses décisions", évoquant la procédure encore en cours à Papeete. Il précise : "Ensuite, je déciderai".

Le 4 septembre, rejet du recours en relèvement.


Rédigé par JPV le Jeudi 4 Septembre 2014 à 14:47 | Lu 3621 fois