La Polynésie doit "renforcer sa gouvernance environnementale" (CTC)


PAPEETE, 10 octobre 2017 - La Chambre territoriale des comptes publie son rapport d'observations définitives sur la politique de l'environnement de la Polynésie française. Le document analyse un manque patent de volonté politique dans la gestion environnementale et recommande au Pays de "renforcer sa gouvernance".

On pourrait penser qu'une collectivité de 280 000 personnes dans un territoire de 118 îles réparties sur 5,5 millions de kilomètres carrés de surface océanique au milieu du Pacifique se trouve exempte de dégradations environnementales. En Polynésie française, pourtant, il n'en est rien constate les sages de la Chambre territoriale des comptes (CTC) dans le rapport d'observations définitives sur la politique de l'environnement dans la collectivité rendu public lundi. Ils notent au contraire qu'ici "la biodiversité y est menacée plus qu’ailleurs, que de nombreux lagons subissent la surpêche, que le domaine public maritime et le littoral sont malmenés, et que trop de cours d’eau douce sont pollués. Le territoire polynésien enregistre ainsi le plus grand nombre d’espèces éteintes ou menacées de toutes les collectivités françaises des outre-mer", même si depuis 1984, année d’accession à l’autonomie politique de la collectivité "des résultats notables sont à signaler : des outils réglementaires ainsi qu’une fiscalité environnementale sont en place, la zone économique exclusive est sanctuarisée, les atolls de Fakarava sont classés réserve de biosphère par l’UNESCO, la collecte et le traitement des déchets ménagers fonctionnent dans de bonnes conditions aux îles du Vent, l’assainissement collectif progresse, et la qualité de l’eau distribuée par les réseaux publics s’améliore".

La CTC relève pourtant des "faiblesses chroniques" qui peuvent s’apparenter dans leur constance à un manque de volonté politique. Et de noter au passage que "les sept services qui sont en charge de l’environnement dépendent de plusieurs ministères qui agissent la plupart du temps sans véritables lignes directrices communes. Les études préparatoires et les dossiers stratégiques qu’ils engagent s’accumulent, et les textes réglementaires qu’ils préparent restent trop souvent à l’état de projets". Aussi, pour la CTC "la collectivité de la Polynésie française ne parvient toujours pas à assurer suffisamment son rôle d’autorité organisatrice, et trop de projets sont restés au seul stade de l’effet d’annonce comme l’illustrent les échecs successifs de mise en place du schéma d’aménagement général dont la première tentative remonte à 1984". La Chambre territoriale des comptes recommande à la Polynésie française de "renforcer sa gouvernance environnementale", de "fusionner ses services environnementaux pour mieux coordonner son action publique", de "faire preuve d’exemplarité écoresponsable dans sa gestion" de "jouer son rôle d’animateur avec ses partenaires que sont les communes, les associations, et les services de l’Etat", et de "rationaliser ses moyens de contrôle".

D’autant que les "quatre filières identifiées comme secteurs stratégiques de développement par le pacte de progrès instauré en 1993 par la Polynésie française sont fortement dépendantes de la qualité des milieux naturels : le tourisme, la pêche, l’agriculture et la perliculture. C’est dire l’importance de la compétence générale en matière d’environnement attribuée au Pays par le statut d’autonomie", rappelle la Chambre territoriale des comptes dans ce rapport qui interpelle.

Les recommandations

La Chambre a souhaité formuler douze recommandations à la suite des observations de son rapport. Ces recommandations, respectueuses du statut d’autonomie de la Polynésie française, visent à contribuer à l’amélioration de la politique publique en matière d’environnement. Lors de ses prochains travaux, la Chambre établira un bilan des actions entreprises et réalisées dans ce domaine par la collectivité.

n° 1 : Formaliser un périmètre cohérent de la politique environnementale qui inclut l’ensemble des interventions conduites par la collectivité en vue de développer une vision d’ensemble appropriée.
n° 2 : Rationaliser les ressources de veilles technique et juridique pour en mieux doter les services en charge de l’environnement.
n° 3 : Renseigner les indicateurs contenus dans les rapports annuels de performances (RAP) et les plans annuels de performances (PAP) en vue d’optimiser les outils internes de gestion de la performance environnementale.
n° 4 : Organiser un véritable centre de ressources dédié à l’environnement au sein de la collectivité.
n° 5 : Assurer davantage un rôle d’animation auprès des communes et de leurs groupements portant sur l’organisation de leurs compétences environnementales.
n° 6 : Rationaliser sa politique de subventions en tenant compte des capacités financières des porteurs de projets environnementaux.
n° 7 : Intégrer dans le budget de la mission environnement l’ensemble des programmes qui relèvent de la compétence environnementale.
n° 8 : Simplifier les dispositifs de protection des espaces marins et terrestres.
n° 9 : Adopter dans les meilleurs délais les plans de préventions des risques naturels.
n° 10 : Se désengager rapidement de la SEM Vai Tama afin d’être en conformité avec les dispositions du statut de 2004.
n° 11 : Organiser dans les meilleurs délais un service complet et régulier sur l’ensemble du territoire de collecte et de traitement des déchets qui relèvent de sa compétence.
n° 12 : Se doter d’une stratégie de contrôle environnemental et adapter les moyens de contrôle aux enjeux environnementaux.

Rédigé par JPV à partir d'un communiqué le Mardi 10 Octobre 2017 à 09:49 | Lu 2855 fois