"La Polynésie Française est un enjeu de sécurité majeur"


Christophe-Alexandre Paillard (à gauche) et Nicolas Mazzucchi (à droite).
PAPEETE, le 8 juin 2016- Le séminaire défense et changement climatique a pris fin hier. Organisé dans les locaux du Tahiti Beach Pearl Resort, il a réuni près de 140 personnes représentantes 21 pays. Nicolas Mazzucchi, chercheur armement et défense à l'institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM) et Christophe-Alexandre Paillard, directeur du domaine armement et économie de défense à l'IRSEM, détaillent les conséquences du réchauffement climatique en Polynésie Française.

Est-ce un symbole que le séminaire et le programme Tempête express 29 se tiennent cette année à Tahiti?
Christophe-Alexandre Pacard : Je ne sais pas si c'est un symbole. Cela montre en tout cas l'implication des autorités françaises dans ce qu'il se passe à Tahiti. La Polynésie Française ainsi que les conditions de vie des Polynésiens sont importantes aux yeux de Paris.
Nicolas Mazzuchi : Le Pacifique est une région clé pour les changements climatiques. Les îles du Pacifique, les petites comme les grandes, sont directement concernées. Et ce qu'il se passe ici, concerne aussi tout le monde.

Quels sont les risques du réchauffement climatique sur la sécurité des habitants du Pacifique et plus particulièrement de la Polynésie Française?
C-A.P. : Le plus gros problème reste celui des ressources naturelles. La Polynésie Française est un enjeu de sécurité majeur. Aujourd'hui, le risque principal pourrait être que de nombreux bateaux, venus de toutes parts du Pacifique, pêchent toutes les ressources marines dont dispose le territoire. Concrètement, cela entraînerait une très nette baisse de la qualité de vie des gens ici, et donc plus de pauvreté et plus de misère.
N.M. : En effet, avec l'augmentation de la salinité des eaux, le thon risque de disparaître. C'est un des effets pervers de la mondialisation. Le coût de la vie, déjà élevé à l'heure actuelle, augmenterait d'autant plus puisque la Polynésie Française devrait importer encore plus de nourriture. Il faut aussi penser au tourisme : si les eaux ne sont pas surveillées correctement, il se peut que des pirates viennent ici. Nous savons très bien quelles sont les conséquences de ces chalutiers pirates sur la fréquentation des îles…

Quels sont les moyens possibles, selon vous, pour éviter cette catastrophe?
C-A.P. : Seule l'armée peut enrayer le problème. En 1986, des frégates floréal assuraient la sécurité des eaux de la Polynésie Française. Aujourd'hui, le défi de la Polynésie Française est de créer un nouveau programme de petites frégates de surveillance pour assurer la pérennité des ressources dont elle dispose.

En décembre dernier à Paris, Edouard Fritch, président de la Polynésie Française, s’est refusé à présenter le territoire sous le seul terme de victime mais plutôt "coupable malgré elle, car victime des effets de la civilisation moderne" (Tahiti Infos du 2 décembre 2015), êtes-vous d'accord avec cela?
C-A.P. : Le problème n'est pas seulement polynésien ou français, mais mondial.
N.M. : Au-delà des pilleurs venus de l'extérieur, il ne faudrait pas que les Polynésiens se lancent dans une industrie de la pêche surdimensionnée. Il faut penser à la continuité d'un développement économique raisonnable et responsable. La question à se poser aujourd'hui est : Où on veut-aller? Il faut établir une stratégie. Il faudrait que l'on mette en place des solutions dès maintenant pour que nos enfants puissent bénéficier des effets positifs. Évidemment, ces stratégies auront un coût, mais ça vaut le coup.
C-A.P. : En France, à Paris, le sujet du réchauffement climatique et de ses conséquences reste un sujet dont on se préoccupe. Mais il faut aussi que les Polynésiens se fassent entendre. C'est aux Polynésiens de faire leur propre lobbying et de porter la voix de la Polynésie!

Le Haut-Commissaire de la République en Polynésie Française, René Bidal et le président de la Polynésie Française Edouard Fritch ont clôturé le séminaire
En fin de séminaire, le Haut-Commissaire de la Polynésie René Bidal ainsi que le Président de la Polynésie Française sont tous les deux intervenus. D'une même voix, ils ont souligné l'importance des pays de la Polynésie à s'unir pour faire face aux changements climatiques. "Nous devons faire des efforts ensemble pour protéger les trésors et richesses de la Polynésie" a déclaré Edouard Fritch, président de la Polynésie Française. De son côté René Bidal, Haut-Commissaire de la République en Polynésie Française, a rappelé qu'une collaboration était déjà en marche : " En 2015, lors du cyclone Pam qui a frappé le Vanuatu et Tuvalu, puis en 2016, lors du cyclone Winston à Fidji, ce sont deux exemples très concrets de l'aide qu'il a été possible de mettre en place. Les moyens militaires et l'assistance humaine ont pu être apportés par les forces armées de Polynésie Française et de Nouvelle-Calédonie".

Rédigé par Amelie David le Mercredi 8 Juin 2016 à 13:54 | Lu 2306 fois