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La Mythologie tahitienne pour tous : "Ces récits ont, pour la plupart, tous existé !"


PAPEETE, le 26 janvier 2017 - Après L’histoire de la Polynésie en 101 dates qui raconte Tahiti et ses îles à travers les évènements marquant du territoire, Alexandre Juster signe La Mythologie tahitienne pour tous. Un ouvrage qui "met en lumière la littérature orale".

L'ouvrage, La Mythologie tahitienne pour tous intéressera "les amateurs de mythologie comme ceux qui désirent découvrir la littérature orale polynésienne et connaître plus en profondeur les racines culturelles du fenua", à en croire son auteur Alexandre Juster. Celui-ci revient sur les raisons de l'ouvrage, ses sources et sa sélection de textes.

Tahiti Infos : "Pourquoi avoir rédigé La Mythologie tahitienne pour tous ?"

Alexandre Juster : "Je voulais mettre en lumière la littérature orale, qui a servi à diffuser l’histoire des Tahitiens, leurs anciennes croyances, leurs représentations symboliques et leur vision du monde naturel, comme les rivières, les passes, les sources et les montagnes. Tout comme pour mon dernier livre, je voulais écrire quelque chose de simple, pratique, petit et pas cher. J’ai également voulu rendre clairement compte des liens de parenté entre les différents dieux. Il n’y avait pas d’écrit avant les premiers contacts avec les Européens, mais on avait pourtant besoin de comprendre l’origine du monde, celles des hommes, de telle ou telle plante et de telle pratique culturelle. On se transmettait alors oralement de génération en génération le récit de la création du monde, ou comment les cocotiers sont apparus, ou encore qui a inventé le tatouage."

"Où avez-vous 'trouvé' les mythes de votre ouvrage? "

"Tout d’abord, il ne s’agit ni de mythes, de légendes ou encore de contes. Ces récits ont, pour la plupart, tous existé ! Il faut simplement savoir lire entre les lignes : par exemple, il y a un récit où Tahiti est un poisson qui se détache de Raiatea. À première vue, cela parait invraisemblable. Mais, en fait, le poisson est l’allégorie de la pirogue. On comprend alors que les Tahitiens sont venus depuis Raiatea à bord d’une pirogue. Cette migration depuis l’ouest est d’ailleurs confirmée par l’archéologie.
Teuira Henry a publié à Hawaii en 1928 Ancient Tahiti, traduit en français en 1951 sous le titre des Tahiti aux temps anciens. Son grand père, le missionnaire John Orsmond avait compilé des prières, des généalogies, des récits fondateurs, le tout en 37 volumes ! Ils ont disparu pour la plupart dans l’incendie du palais des Tuileries lors de la Commune et c’est donc sa petite-fille, Teuira Henry qui a repris ses notes, en censurant les observations que le pasteur avait faites 80 ans auparavant sur les sacrifices rituels et certaines danses peu chastes. Heureusement, on peut retrouver ces témoignages chez Moerenhout qui avait eu accès aux notes d’Orsmond.
Malheureusement, le passage de l’oral à l’écrit a figé à jamais ces récits, alors qu’autrefois on pouvait selon les circonstances politiques modifier les récits et les généalogies – ce que Pomare ne s’est pas privé de faire pour assoir son autorité.
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"Comment les avez-vous choisis? "

"Avec plus de 100 divinités, répertoriées à la fin du livre, j’ai été obligé de faire un choix délicat. J’ai donc suivi le cycle que l’on rencontre dans toute la Polynésie : commencer par l’origine du Monde, des dieux et des hommes, continuer avec Māui et finir avec les épopées de Tafa’i. J’ai choisi les récits qui permettent de comprendre comment les hommes ont réussi à s’installer dans ces îles, à cultiver les plantes, à élever les poules et les cochons à y édifier leur fare et leur marae tout en domptant les éléments, qui comme on l’a vu ces derniers jours, peuvent se révéler dévastateurs."

"Les avez-vous 'adaptés'?"
"Pour repartir de zéro, je me suis basé sur les textes en langue tahitienne. Tout d’abord, je voulais ressentir les effets des sonorités – il ne faut pas oublier que ces histoires étaient récitées, psalmodiées mêmes. Il y a dans Tahiti aux temps anciens quelques erreurs de traduction, par exemple Tāne et Māui ne sont pas semblables à des mottes de terre comme cela a été traduit mais à des placentas. Teuira Henry nous livre ses interprétations, le plus souvent bibliques. Elle n’hésite pas à comparer certaines phrases avec celles présentes dans la Bible, à rapprocher le mot ciel, « ra’i » de l’hébreu « rakia » ou à comparer les unu des marae à des demoiselles d’honneur. Enfin son texte est assez lourd car elle donne systématiquement la traduction – plus ou moins bien faite – de chaque nom propre, en voulant rechercher à tout prix une signification. En travaillant à partir des textes en langues j’ai pu, sans altérer la version originale, recréer des dialogues, ajouter quelques traits d’humour, des rebondissements et du suspens afin que la lecture soit plus agréable et plus simple."

"Vous parlez souvent de Tahiti et non de Polynésie, est-ce un choix? Les légendes sont-elles propres seulement à Tahiti? "
"On retrouve des récits fondateurs et des épopées dans les autres archipels, c’est pour ça qu’en bonus, j’ai inséré le récit de la création du monde des Tuamotu et des Iles Marquises. Les vingt récits qui sont dans mon livre proviennent de l’archipel de la Société. En les lisant, on apprend comment les habitants appréhendaient le monde, divisé entre le Ao, le monde des vivants et le Pō, celui des dieux et des esprits. On comprend la mise en place des différentes classes sociales anciennes, les arii, les raatira et les manahune. On découvre que beaucoup de toponymes actuels de l’archipel sont présents dans ces récits anciens, je pense à la grotte de Monoihere à Orofara au pk13 ou bien à l’empreinte du pied de Pai qu’il laissa la pointe Tataa (à l’emplacement de l’Intercontinental) lorsqu’il projeta sa lance pour arrêter Hiro qui était en train de voler le mont Rotui."

"Avez-vous d'autres projets de livres? "

"Quand on commence à écrire, on y prend goût ! J’ai toujours le même souci de rendre accessible la culture ancienne et de vulgariser le savoir traditionnel. Le prochain livre portera sur la navigation traditionnelle et la cosmogonie."

Qui est Alexandre Juster?

Alexandre Juster a obtenu en 2007 son master en langues et cultures océaniennes en travaillant sur les sociétés et les langues kanakes et polynésiennes. Après dix années d’échanges, de travail d’enquête il s’est finalement installé à Paris où il a donné des cours de civilisation polynésienne à la Délégation de Polynésie française.

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 26 Janvier 2017 à 10:22 | Lu 5766 fois