La Dépêche de Tahiti liquidée


Les locaux historiques du quotidien, pont de la Fautaua, abandonnés par la société en 2021 en raison de ses difficultés financières.
Tahiti, le 28 avril 2022 – La cour d'appel de Papeete a prononcé jeudi la liquidation judiciaire de la Société d'information et de communication (SIC) éditrice du plus ancien quotidien en activité au fenua La Dépêche de Tahiti. Le désormais ex-gérant, Dominique Auroy, annonce garder "l'espoir" d'une reprise de l'activité et des salariés après une période d'un mois de non parution. Un journal doit sortir ce vendredi.
 
Plus vieux quotidien de presse écrite en activité en Polynésie française depuis la fermeture des Nouvelles de Tahiti en 2014, La Dépêche de Tahiti a été placée en liquidation judiciaire jeudi matin par la cour d'appel de Papeete. Sous le coup de lourdes dettes auprès notamment d'anciens salariés et de la Caisse de prévoyance sociale (CPS), la Société d'information et de communication (SIC), éditrice du quotidien, avait été placée en cessation de paiement et en redressement judiciaire le 11 juin 2018, puis en liquidation judiciaire le 12 octobre 2020 par le tribunal mixte de commerce de Papeete. Depuis, un appel du parquet général de Papeete -qui a défendu jusqu'au bout de la procédure le maintien à flot du quotidien au nom du "pluralisme des médias"- avait suspendu la procédure de liquidation. Mais ces derniers mois, le gérant de la SIC, Dominique Auroy, demandait lui-même la liquidation judiciaire par la voix de son avocat. Un avocat qui avait expliqué le 10 mars dernier en audience que la société était incapable d'honorer deux des trois dernières échéances de son plan de continuation d'activité établi en 2019.
 
"Cette liquidation était préméditée"
 
"Je n'ai pas les motifs de la décision, mais je vous confirme que la liquidation de La Dépêche a été prononcée aujourd'hui. On ne peut jamais se réjouir d'une liquidation qui peut entraîner des pertes d'emplois, néanmoins cette liquidation était inévitable puisque les dettes de La Dépêche étaient pharaoniques", a réagi jeudi matin Me Emmanuel Mitaranga, l'avocat d'un ancien salarié de la société qui demandait le paiement de sa créance. "Mais surtout, cette liquidation était, à mon sens, préméditée. On sait que le style de gestion de La Dépêche était fait de manière que les créances ne soient pas payées. C'est une entreprise qui ne payait pas ses impôts, ses anciens salariés, qui ne payait pas ses cotisations sociales." Après plus de deux ans de procédure, l'avocat s'est également interrogé sur la gestion et les suites de ce dossier. "Pourquoi La Dépêche a été protégée aussi longtemps par l'Etat, le Pays, le ministère public ? Une entreprise qui ne paie pas ses impôts, ses cotisations sociales, c'est illégal. Ça pose aussi une autre question qui est de savoir qui va payer maintenant les anciens salariés. On sait très bien que La Dépêche de Tahiti, c'est trois ordinateurs et un passif qui explose les 700 millions de dettes. Je ne vois pas comment elle va pouvoir payer toutes ses dettes colossales."

"L'espoir fait vivre"
 
Contacté jeudi matin, le gérant Dominique Auroy a dénoncé l'action des anciens salariés à l'origine de cette procédure de liquidation judiciaire, indiquant qu'il n'avait "pas plus d'information" en l'état de la procédure. "Vous connaissez le Phénix dans la mythologie ? Je pense que La Dépêche sera comme le Phénix", a tout de même prophétisé Dominique Auroy. Le désormais ex-gérant a assuré qu'il n'avait "aucune information" sur une reprise éventuelle de la société, de l'activité et de ses salariés à la barre du tribunal, tout en glissant un sibyllin "l'espoir fait vivre". Sur l'éventualité d'une reprise : "Je pense que si ça doit l'être, ça doit être le plus court possible. Là, ça ne dépend pas de nous", a sobrement commenté Dominique Auroy. Selon les informations communiquées en interne aux salariés du quotidien, il était question jeudi matin que La Dépêche de Tahiti soit tout de même imprimée ce vendredi matin, avant un mois d'interruption de parution dans l'espoir, justement, d'une reprise du quotidien à la fin du mois de mai.

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Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 28 Avril 2022 à 10:28 | Lu 4023 fois