LGBTQ+ : un colloque de l'espoir


Les différents intervenants du colloque ont pu dresser un bilan positif à la suite de ces deux journées d'échanges et de partages sur la question LGBTQ+.
Tahiti, le 8 novembre 2023 – Ce mercredi s’achevait le premier colloque destiné à la communauté LGBTQ+, organisé par la vice-présidence de la Polynésie française. Deux journées qui ont eu le mérite de lever le voile sur bon nombre de problématiques et de proposer quelques pistes de réflexion, notamment sur l'insertion des transgenres dans la société.
 
Encore trop souvent persécutés, les transgenres peinent à trouver leur place dans la société. Manque de considération, rejet, violence, un quotidien peu propice à l'épanouissement qui mène bien souvent à l'exclusion : “Il y a trois mois de cela, nous avons été contactés par cinq jeunes filles transsexuelles qui ont été rejetées par leurs familles et mises à la rue. Donc non seulement elles n'avaient pas d'endroit où aller, mais en plus, cela fait trois mois qu'elles sont déscolarisées”, a témoigné Karel Luciani, président de l'association Cousins Cousines, lors d'une des tables rondes de cette dernière journée de colloque.
 
Des professionnels impuissants
 
Une détresse quotidienne sur laquelle professionnels de la santé et communauté transsexuelle ont du mal à communiquer. “Les victimes ont honte de raconter leur histoire”,“ les gens n'osent pas venir à notre rencontre”,“ souvent, nous nous retrouvons face à eux après leur tentative de suicide”, pouvait-on entendre de la part des psychiatres et autres spécialistes de la question. Du côté des victimes présentes dans l'audience, on dénonçait une autre réalité : “Pour celles qui ont le courage et la force d'essayer de prendre rendez-vous, c'est un véritable parcours du combattant. Il faut parfois attendre des semaines, voire des mois, avant d'obtenir un rendez-vous !” En cause, un manque de personnels dédiés à ces problématiques.
 
Outre les professionnels de la santé, ceux de l'éducation aussi peinent à aborder la question LGBTQ+. Structure phare de la République française en termes d'égalité et d'insertion, difficile pour l'école de s'adapter : par quel nom faut-il appeler les élèves transgenres ? Celui de l'état civil ou leur nom d'emprunt ? Comment gérer les espaces qui ne sont pas mixtes ? À l'exemple des toilettes et des internats, où doivent-ils se rendre ? Des questions qui peuvent paraître anodines et qui pourtant nécessitent une longue réflexion, et dont les solutions manquent encore aujourd'hui.
 
L'insertion par le travail
 
Fort heureusement, le tableau n'est pas tout noir. Certains secteurs d'activités reconnaissent des qualités bien répandues dans la communauté LGBTQ+ : la créativité, la minutie, la patience ou encore le courage et la bienveillance, pour ne citer qu'elles. Des vertus largement appréciées dans le tourisme et l'entrepreneuriat par exemple, qui sont des moyens pour échapper à la rue et ses dérives. Et les professionnels sont catégoriques : “En 2023, c'est le travail qui compte. Peu importe votre genre ou votre identité, c'est le travail que vous fournissez qui est jugé. Dans le monde professionnel, pas besoin d'extravagance pour se protéger ou être vu. C'est le travail fourni qui vous fera être accepté et respecté par vos camarades”. Une promesse qui résonne dans une communauté LGBTQ+ encore vulnérable, mais que le colloque a su mettre en lumière pour la première fois.

Karel Luciani
Président de l'association Cousins Cousines
C'est beaucoup de joie, pour le progrès de notre société et de l'humanité en général”
 
“Ce colloque est historique. C'est beaucoup de joie, pour le progrès de notre société et de l'humanité en général. Et pour demain aussi, pour nos enfants. La société polynésienne dispose de beaucoup d'atouts désormais pour avancer et être un exemple pour nos amis d'Océanie, où il est peut-être encore difficile d'être différent. C'est parfois un crime d'être homosexuel dans ces pays-là. (…) Nous avons eu la chance de recevoir pour l'occasion le soutien de deux ambassadrices, une d'Australie et une de Nouvelle-Zélande. Nous avons eu le soutien également du gouvernement français et des associations. C'est une réussite qui donne beaucoup d'espoir. (…) La société polynésienne est prête à être davantage inclusive, comme l'ont montré les échanges avec les différents intervenants et notamment les différentes congrégations religieuses.
 
Il y a encore un manque d'informations. Je suis déjà allé frapper à la porte des organismes publics et de santé, et il y a déjà un travail qui est fait. Les professionnels de la santé ont déjà identifié cette détresse chez les jeunes. Donc ils travaillent sur ces sujets, mais c'est toujours dans le ‘tabu’. Il y a un voile dessus. Ils disent que les adolescents ne vont pas les voir, mais comment ces adolescents auraient envie d'aller à leur rencontre s'ils ne sont pas informés et si sur les prospectus, il n'est pas indiqué que l'on s'occupe aussi des personnes comme eux ? Nos administrations et nos politiques ont besoin de courage pour faire en sorte que ces structures  et ces problématiques soient davantage visibles. Ils doivent montrer qu'ils sont là pour nous. Dans les écoles, pourquoi n'y a-t-il pas encore ces affiches que l'on retrouve à l'échelle nationale et qui disent ‘ici tu peux être toi-même’ ? C'est parce que pour le moment, ils n'ont pas le courage de les afficher. Pour moi, on a besoin d'alliés et les alliés peuvent être partout. Hélas, parfois, ils manquent de courage et moi, je suis tout seul et dans ce combat, on ne peut pas être tout seul. C'est un véritable appel au secours que je lance pour que tout le monde se mobilise sur ces questions, parce qu'il faut arrêter les souffrances.”

Lalita
Transsexuelle et prostituée
“Une fois qu'elles goûtent à la rue, c'est fini”
“Ce colloque est un premier pas pour aider les mineurs transgenres. S'il n'y avait pas ça, on ne pourrait pas s'exprimer, donner nos propres pensées, nos vérités. D'ordinaire, les gouvernements passent à côté de ces problématiques. (…) Ils ne peuvent pas savoir car ils n'ont pas souffert comme nous on a souffert. Ce qui explique que bien souvent, ils disent n'importe quoi. Cela s'est vu lors des interventions de mes amis transgenres, elles ne sont pas toujours d'accord avec ce qui s'est dit du côté des intervenants.
 
(…) Moi, mon objectif, c'est de pouvoir sortir les mineurs transgenres de la rue. Parce que une fois qu'elles goûtent à la rue, c'est fini. Moi, j'ai commencé à 15 ans la prostitution, et aujourd'hui, j'y suis toujours. (…) Nous étions obligées d'aller dans la prostitution pour survivre. S'il n'y avait pas eu ça, combien de personnes auraient crevé la dalle ? Ce problème existe depuis toujours et les gouvernements sont toujours passés à côté.
 
Hier (mardi, NDLR), les Églises se sont excusées. En revanche, j'attends de voir un premier pas de leur part pour y croire vraiment. Je veux qu'elles répondent à la question du mariage pour tous, je veux qu'elles rattrapent leurs erreurs du passé.”

Rédigé par Wendy Cowan le Mercredi 8 Novembre 2023 à 19:50 | Lu 1821 fois