LGBTQ+ : Les Églises polynésiennes s'excusent


Tahiti, le 7 novembre 2023 – Invitées ce mardi du colloque de la communauté LGBTQ+ organisé à l'Université de la Polynésie française, l'Église catholique, l'Église de la communauté du Christ et l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ont surpris l'auditoire en présentant publiquement leurs excuses devant une communauté victime de ces traditions judéo-chrétiennes. Un premier pas vers la réconciliation pour les deux parties plutôt habituées à se tourner le dos.
 
Difficile pour l'homme de reconnaître et respecter l'ensemble de ses semblables d'un simple coup d'œil. Ceux qui ne lui ressemblent pas, il les rejette. Du moins, le temps que ces derniers fassent leur preuve. Une vision d'une autre époque, qui hélas demeure. Une rigidité de l'esprit forgée par des siècles de dogmes et entretenue par un clergé égaré. “Les femmes sont-elles égales aux hommes ? Les noirs possèdent-ils une âme ?”, autant de questions absurdes posées au nom de Dieu, quand ce dernier n'a jamais rien demandé. Non, cette absurdité, l'homme seul en est capable. Pour autant, jusqu'à aujourd'hui, ces maladresses sont associées inéluctablement aux institutions religieuses. Une représentation hâtive qu'il est difficile de soustraire à l'imaginaire collectif. Et pour cause, encore aujourd'hui, l'impensable subsiste.
 
“Je suis fils de pasteur protestant et j'ai baigné depuis tout petit dans la religion”, témoignait Seilali, de Bora Bora, en ouverture de la table ronde consacrée à la société et aux religions. “Au moment de ma transition de genre, dès lors que mon père s'est rendu compte de ce que je devenais, il n'a pas aimé. Et au lieu d'employer les mots, ceux de la Bible, afin de me rapprocher de Dieu, il m'a battu. Malgré qu'il soit pasteur, il m'a battu tout en me demandant si je voulais être un homme ou une femme. Mon crâne se fendait et le sang coulait. Il m'arrivait d'aller à l'école dans cet état. Tant que ma réponse ne lui satisfaisait pas, il arrêtait de me nourrir. Je n'ai pas connu un père. Je n'ai pas connu un pasteur. J'ai connu un homme qui voulait garder sa virilité et son égo. J'ai connu la religion, mais pas Dieu.”  Un récit qui a donné le ton pour le reste de la séance.
 
“Pardon”
 
“Je voudrais demander pardon à tous ceux qui ont été persécutés ou opprimés au nom du Seigneur”, déclarait émue Mareva Arnaud Tchong, représentante de l'Église de la communauté du Christ, devant un public saisi. Un sentiment partagé par son homologue de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, Rainui Ariipeu : “C'est une histoire qui m'interpelle beaucoup. Après toutes ces années d'expérience au sein de l'Église, j'ai pu voir beaucoup de réactions de ce genre dans les familles. La violence. Le questionnement chez les parents qui se demandent ‘Pourquoi ça nous arrive à nous ? Qu'ai-je fait de mal pour que mon enfant finisse comme ça ?’ Et c'est là, qu'en tant que dirigeant de l'Église, nous devons leur enseigner à être patients et à privilégier le dialogue et la compréhension.”
 
Une approche partagée par le père Christophe, représentant de l'Église catholique lors du colloque, qui insistait sur le rôle de médiateur du prêtre et du pasteur : “La première chose que je demande à un parent qui vient me voir pour me parler de son enfant, c'est qu'il me parle de tout sauf de son homosexualité. Cela vient après. Le but est d'éviter que le parent réduise son enfant à cet aspect. Il faut toujours resituer quelqu'un dans toute son histoire, et pas uniquement le résumer à un seul fait. C'est important.”
 
Et le public n'a pas manqué de marquer son étonnement. À l'exemple de Louisa Wall, ambassadrice de la Nouvelle-Zélande pour l'égalité des genres dans le Pacifique : “Cela fait des années que je parcours le Pacifique pour défendre la cause LGBTQ+, et c'est la première fois que je vois des leaders d'Églises se prononcer publiquement sur la question et demander pardon. S'il vous plaît, allez à la rencontre de vos camarades du Pacifique ! Parlez-leur comme vous venez de nous parler !”, s'est-elle emportée, les larmes aux yeux.
 
Une émotion forte, unanime, qui a fait réagir plus d'une personne. Notamment Lalita, transsexuelle assumée et victime de son choix : “Pourquoi ce n'est que maintenant que vous comprenez ? Moi aussi j'ai dû quitter ma famille car ils ne comprenaient pas. Je suis venue vivre à Tahiti à l'âge de 15 ans, en 1998, à cause de ça. Pourquoi ce n'est que maintenant que vous décidez d'agir ?! Nous, enfants, on a souffert ! Et maintenant, dans la rue, on en voit plein de ces enfants, et il ne faut pas qu'ils se prostituent. Il ne faut pas qu'ils fassent comme nous !”
 
Hélas, difficile pour les différents représentants présents de justifier l'attitude de leur Église respective. Après tout, ces institutions se manient tels des paquebots : pour changer de direction, il faut du temps.  
 
Les pistes d'avenir 
 
Interrogés par les ambassadeurs néo-zélandais sur les futures actions à venir pour les différentes Églises sur la question LGBTQ+, les différents représentants ont préféré ne pas trop s'avancer. Notamment sur la question du mariage pour tous, où seule l'Église de la communauté du Christ a osé affirmer qu'elle s'engagerait pour de bon sur cette voie, après plusieurs années de réflexion et de remise en question. Quant à l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, elle maintenait vouloir privilégier le caractère sacré du mariage traditionnel entre un homme et une femme, tout en insistant sur le respect des choix de chacun. Une notion de respect sur laquelle devront certainement se construire les Églises de demain. Convaincu, le père Christophe n'a pas mâché ses mots : “Il faut arrêter avec la tolérance. Ce n'est pas ce dont nous avons besoin. La tolérance revient à dire ‘J'accepte, mais je n'intègre pas. J'accepte que tu sois comme ça, différent, mais je ne te reconnais pas comme mon égal.’ Ce qu'il faut, c'est ce respect fondamental et reconnaître chaque personne pour ce qu'elle est.”
 
Et la communauté LGBTQ+ peut se satisfaire de cette situation pour le moment. En effet, en termes de combats immédiats à mener, la dépénalisation de l'homosexualité à travers le monde semble plus urgente encore. Aujourd'hui, si plus de 130 pays ont entamé cette dépénalisation, nombreux sont ceux qui considèrent toujours l’homosexualité comme un crime. Pour Louisa Wall, l'avenir de la communauté LGBTQ+ se jouera sur la scène politique : “Il faut créer un mouvement général impliquant non seulement les membres de la société civile, mais également les politiciens, et gagner ce combat par la voie démocratique. Il faut changer les lois et les mentalités suivront. Mais il faut le faire avec calme et bienveillance, pas dans la colère.” Une attitude propre à la communauté LGBTQ+, qui se demande seulement : “Pourquoi faut-il punir l'amour entre deux personnes ?”

Rédigé par Wendy Cowan le Mardi 7 Novembre 2023 à 20:45 | Lu 7535 fois