L'orientation budgétaire pour 2017 débattue à l'assemblée


Edouard Fritch devant les élus polynésiens, lundi à l’assemblée lors du débat d’orientation budgétaire.
PAPEETE, 31 octobre 2016 - Les groupes politiques de l'assemblée ont opposé leurs visions sur le bon emploi des deniers publics, lundi lors du débat d’orientation budgétaire. Le projet de budget primitif 2017 sera transmis la semaine prochaine aux 57 élus.

Les représentants de l’assemblée étaient réunis lundi matin pour le débat d’orientation budgétaire. L’exercice, inscrit depuis la réforme de 2007 du statut d’autonomie, a donné lieu comme chaque année à une évocation d’ordre politique sans réelle incidence sur le projet de budget primitif 2017. Les arbitrages budgétaires ont été réalisés au préalable, tandis que la déclinaison comptable du primitif 2017 sera transmise à l’assemblée dès la semaine prochaine, en vue d’un examen en séance plénière prévu pour la première semaine de décembre.

La séance de lundi a surtout été l’opportunité pour chaque groupe politique de l’assemblée de jouer sa partition, et notamment celle de la critique du côté de l’opposition.

Depuis un peu plus de 15 jours, tous les représentants sont en possession d’un document d’orientation budgétaire de 250 pages qui décline les différentes politiques publiques sectorielles conduites par le gouvernement sous la forme d'un projet annuel de performances en tenant compte du contexte économique régional et international.

Ce délai de 15 jours laissé aux représentants pour l’étude du document d’orientation budgétaire a été jugé "contraint" par les élus du groupe d’opposition Tahoera’a Huiraatira, notamment Marcel Tuihani qui s’en est plaint par courrier auprès de la présidente de la commission des finances. "Le délai entre l’étude du DOB et celle du budget sera d’environ un mois, ce qui tranche avec certaines pratiques anciennes", a cependant rappelé Edouard Fritch, lors de son allocution en ouverture de séance. "Enfin, dès l’ouverture de la session budgétaire, je vous ai déjà exposé les grandes orientations qui devraient apparaître dans le projet de budget primitif, et nombre de critiques ont déjà été émises depuis lors, nourrissant d’autant notre réflexion budgétaire".
Le document d'orientation budgétaire a en outre été exposé en détail aux représentants de la commission des finances, le 21 octobre dernier.

"Budget de combat"

Avec des comptes publics en nette amélioration depuis 2013, le frémissement d'une reprise de l'activité économique observés depuis 2014 et une capacité d’autofinancement prévue de 19,4 milliards Fcfp en 2017, quadruplée depuis 2013, le gouvernement prévoit l’année prochaine d’utiliser ses marges de manœuvre budgétaires au profit de ce qu'il a choisi de qualifier un "budget de combat".

Il entend y soutenir à partir de 2017 les investissements, publics et privés, en accompagnant activement les filières de développement économique, notamment le tourisme et le secteur primaire, en soutenant par tous les moyens l’emploi et la formation des jeunes, en restituant du pouvoir d’achat aux ménages et en offrant de la visibilité et une stabilité fiscale aux entreprises jusqu’en 2022.

En 2017, Edouard Fritch annonce l’inscription de 30% de crédits de paiement supplémentaires par rapport à 2016 en faveur de l’investissement public. Ces crédits de paiement nouveaux passent de 20,2 milliards Fcfp au budget primitif 2016 à 26,3 milliards en 2017. Compte-tenu des reports, le gouvernement se fixe pour objectif de liquider 29 milliards Fcfp en 2017, soit 6 milliards de plus qu’en 2016.

Exonération de certaines taxes à l’importation, gel du taux de TVA et de la CST, diminution progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, soutien à la formation, maintien d’une dotation de 4 milliards Fcfp en faveur des contrats d’accès à l’emploi (CAE), effort porté à 6 milliards Fcfp en faveur du logement social, renforcement de la défiscalisation locale… "Mes chers amis, a invité Edouard Fritch lundi, ne venez pas nous dire que nous soutenons les entreprises, que nous soutenons l’économie au détriment du social : nous soutenons l’économie, parce que c’est une économie prospère qui nous permettra de garantir la pérennité de tous nos dispositifs sociaux. Et c’est parce que l’économie va mieux que nous pouvons dégager aujourd’hui les marges importantes à consacrer à nos budgets d’intervention sociale, en faveur de l’emploi, de la formation, de la santé, du logement social, de l’éducation. Pour aider et soutenir l’ensemble des Polynésiens, et plus particulièrement ceux qui connaissent les plus grandes difficultés".

"Les orientations budgétaires telles que développées ne nous semblent pas suffisantes pour permettre de dégager de véritables axes de développement budgétaires pour ce pays", critique de son côté Antony Géros. "On a l’impression que ça reste limité à la théorie et aux effets d’annonce, alors qu’en réalité c’est à travers les orientations budgétaires que l’on peut décliner les véritables axes stratégiques de notre développement", a aussi souligné le président du groupe UPLD, en regrettant que le "débat" de lundi n’ait été qu’une succession d’interventions contradictoires.

Au nombre de ces interventions, celle très critique du Tahoera’a Huiraatira : "Nous avons voulu rappeler au gouvernement qu’il est important de ne pas confondre la fin et les moyens", a souligné Teura Iriti à l’issue de la séance de lundi. Lors de sa prise de parole elle avait dénoncé l’attitude budgétaire du gouvernement et vivement réfuté l’affirmation du président Fritch selon laquelle il s’agirait en 2017 de la mise en œuvre la deuxième partie du programme politique Tahiti Nui 2025 : "Financer l’économie au détriment du social n’a jamais été le programme du Tahoera’a Huiraatira", a-t-elle souligné. "Dans la situation actuelle, où près de 100 000 personnes vivent en-deçà ou à la limite du seuil de pauvreté, geler les dépenses sociales pour favoriser les entreprises et les mieux lotis n’est pas la politique du Tahoera’a Huiraatira", dénonce aussi la présidente du groupe orange en évoquant un budget qui prévoit de faire un cadeau "de plus de 100 milliards au patronat et aux plus fortunés contre 30 milliards d’aides sociales aux pauvres" : "Nous n’avons pas la même vision des choses. C’est ce que l’on essaye de dire. S’il ne veut pas voir, tant pis".

"Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs", a défendu la représentante de la majorité RMA Armelle Merceron. "Même si le social répond à des besoins, il ne faut pas oublier que c’est l’économie qui permet de créer des emplois et de financer le social. Nous avons besoin d’une économie en croissance pour développer nos dépenses sociales".

Face aux critiques du Tahoera’a, sa famille d’origine, Edouard Fritch a montré un visage désabusé à l’issue de la séance de lundi : "Ils ne changeront pas", a-t-il affirmé : "Ils seront toujours dans la critique. Il y a des choses qui vont un peu mieux, mais ils ne le reconnaissent pas. C’est pour cela que cette attitude devient agaçante : je préfère les laisser à leur songe".

Le projet de budget primitif 2017 sera transmis à l’assemblée dès la semaine prochaine en vue d’un examen en séance plénière prévu durant la première semaine du mois de décembre. Et, compte tenu de la majorité de 31 élus dont dispose le groupe RMA, son adoption en l’état ne fait que peu de doute.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 31 Octobre 2016 à 14:39 | Lu 1959 fois