L'opposition dénonce des discours en dehors des préoccupations des Polynésiens


Les élus de l'opposition n'ont pas manqué de réagir suite au discours très politique du président de l'assemblée et celui plus policé et “généraliste” du président du Pays qui a même recadré Antony Géros gentiment, lors de l’ouverture de la session budgétaire à l’APF, jeudi.
Tahiti, le 21 septembre 20023 – “Décevant”, “choqué“, “surpris”. Les élus de l'opposition n'ont pas manqué de réagir suite au discours très politique du président de l'assemblée et celui plus policé et “généraliste” du président du Pays qui a même recadré Antony Géros gentiment, lors de l’ouverture de la session budgétaire à l’APF, jeudi. Ils ont regretté que l'ONU ou la décolonisation aient pris le pas sur les vraies préoccupations des Polynésiens comme la cherté de la vie. Les élus Tavini, eux, se sont dit “satisfaits”. Réactions.

Teva Rohfritsch, sénateur de Polynésie française : “Je reste sur ma faim”

“Je constate qu'on a parlé de beaucoup de choses, mais très peu de budget. Il me semble que c'est ce qui intéresse les Polynésiens aujourd'hui : quels sont les moyens qui vont être déployés pour résoudre un certain nombre de problèmes qui ont été évoqués lors de la dernière campagne électorale, que ce soit le coût de la vie, le manque de logements, l'emploi... donc à mon sens, une séance budgétaire doit avant tout pouvoir débattre sur les moyens publics qui sont déployés pour répondre aux attentes quotidiennes des Polynésiens (...), mais je reste sur ma faim. Pour l'instant en tout cas et je donne rendez-vous au budget 2024. Aujourd'hui, je n'ai pas de perspective claire sur l'année prochaine et sur la position du gouvernement. Et peut-être un peu d'inquiétude aussi parce qu'on voit qu'il y a une vraie dissonance entre l'assemblée et le gouvernement actuel. Ce n'est pas de bon augure pour les mois qui viennent. Je ne suis pas d'accord avec un certain nombre de choses qui ont pu être dites, mais je respecte la liberté d'opinion de chacun.
Si je conviens que la date du 29 juin est une date qui divise pour célébrer l'autonomie de la Polynésie française, ou célébrer la Polynésie française tout court, je ne vois pas en quoi celle du 1er septembre, pour l'une des confessions religieuses, viendrait rassembler davantage les Polynésiens. (...) C'est bien ce statut d'autonomie qui fait que nous avons une session budgétaire, une session administrative, et que nos libertés fondamentales sont garanties par la République française puisque l'on peut avoir des opinions divergentes, être même contre l'État et être élu. Par contre, est-ce que les Polynésiens attendent le choix d'une date pour célébrer l'autonomie ou la Polynésie ? Je ne crois pas que ce soit une priorité pour nos familles.”

Tepuaraurii Teriitahi, représentante Tapura Huiraatira : “Des généralités, rien de concret”

“Ce qui était surprenant dans le discours qui était censé être celui du président de l'assemblée, c'est qu'on avait l'impression que c'était un discours de président de la Polynésie. Il est quand même sorti de son périmètre et de son champ d'action en allant beaucoup plus loin. Après, il y a effectivement des annonces qui concernent l'assemblée, sur la modification du règlement intérieur, sur la construction de nouveaux bâtiments, et la première interrogation, c'est comment on va financer tout ça ! (...) Quand on écoute le président de l'assemblée, cette date du 29 juin est controversée (...) On entend bien à travers les mots du président de la Polynésie qu'il s'agit de trouver une vraie date qui fasse consensus auprès de l'ensemble de la population et de toutes les confessions religieuses, parce que là, c'est clairement un cadeau pour l'Église protestante mā’ohi. Est-ce que c'est une forme de reconnaissance pour le soutien pendant la campagne électorale ? Donc là, on entend la dissonance qui vient s'afficher devant notre assemblée. Ça promet de belles divergences pendant la session budgétaire.
Le discours du président de la Polynésie était très bref, et on a encore les mêmes généralités que l'on retrouve depuis le début. Au bilan des 100 jours c'était pareil, c'étaient des généralités, rien de concret. On ne sait pas quelles actions vont être déclinées. Il nous demande d'attendre le débat d'orientation budgétaire qui se tiendra le 26 octobre normalement, et pendant ce temps, le président va encore être absent. Aujourd'hui, on a l'impression que le seul sujet important, c'est l'ONU, c'est la citoyenneté, la décolonisation, l'indépendance, mais le concret, la cherté de la vie, l'augmentation du pouvoir d'achat, là-dessus, on n'a aucune annonce et c'est très décevant.”

Nuihau Laurey, représentant non-inscrit A Here ia Porinetia : “On est inquiets”

“Sur la forme d'abord, on a commencé avec une heure de retard. Je le signale parce qu'on est finalement dans la continuité du manque de respect des élus comme lors de la précédente mandature (...) Sur le fond, c'est vrai que le discours du président de l'assemblée était particulièrement politique sur le choix complètement discrétionnaire de fixer une nouvelle date pour fêter... on ne fête plus l'autonomie, je ne sais pas ce qu'on fête exactement. Un choix qui a été pointé du doigt aussi par le président du Pays qui a parlé du consensus qu'on doit avoir pour modifier cette date.
Après, sur les choix budgétaires du président de l'assemblée de construire un ou deux nouveaux immeubles pour y loger les collaborateurs alors qu'ils doivent travailler de concert avec leurs élus, je ne comprends pas très bien la logique. Et ensuite, l'idée de la création d'une commission sur la décolonisation qui serait co-présidée par le président, il faut quand même rappeler qu'il y a une séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. Et donc imaginer une commission éminemment politique comme celle-là avec le président de la Polynésie, beaucoup ont été choqués, surpris, y compris dans la majorité. (...) On ne peut pas mélanger les institutions.
Ce qui me choque finalement dans tout ça, c'est que tous les problèmes auxquels sont confrontés les Polynésiens, on n'en parle pas. On a entendu des grandes généralités sur la transition énergétique, sur la nécessaire réforme de la protection sociale généralisée...
La seule information finalement, c'est la remise en cause du projet de Village tahitien, ce que nous avons indiqué depuis plusieurs mois déjà, donc là, c'est plutôt une bonne nouvelle. Mais pour le reste, il nous a simplement dit, pour toutes les questions précises, consultez le document d'orientation budgétaire. Sauf qu'on ne l'a pas. Donc c'était un demi-discours, un tiers de discours peut-être, avec aucune information sur les choix du gouvernement, ce qui nous laisse encore plus perplexes. On est inquiets parce qu'il y a des problématiques majeures qui vont se poser : le choix de supprimer la taxe sociale, ça va avoir des conséquences, et pour l'instant, rien. On est dans le vague le plus total.”

Hoiore Tavaipaea, représentant Tavini Huiraatira : “Je suis satisfait”

“On va dire que ce sont des discours d'ouverture de la session budgétaire, donc je pense que les orientations réelles en termes d'actions du gouvernement seront perceptibles lors de l'analyse du budget. Donc le fait d'avoir un discours plutôt généraliste, c'était opportun car on ne peut pas, en une séance, donner tous les détails de l'action du gouvernement. Moi, je suis satisfait, il n'y a pas de souci sur ça. Si on doit parler du discours du président de l'assemblée, je fais partie de ce groupe qui s'occupe de la réflexion sur la modification du règlement intérieur. Ce sont des discussions que nous avons menées avec la représentativité des groupes, donc c'est juste le résultat de ces réflexions. De toute façon, cela passera par l'assemblée donc il y aura encore des débats et c'est une annonce qui est tout à fait normale.
Sur la date du 29 juin, là encore c'est quelque chose qu'on va devoir débattre à l'assemblée. Personnellement, j'attends les arguments des uns et des autres, mais c'est vrai qu'il faudrait avoir une date beaucoup plus consensuelle qui rassemble entre guillemets, et surtout, ne pas enlever une date fériée uniquement pour l'enlever. Mais c'est un débat qu'on doit avoir et c'est ça qui est enrichissant.”

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 21 Septembre 2023 à 19:02 | Lu 4323 fois