“L’objectif reste que la grève ne démarre pas”


Tahiti, le 9 janvier 2025 - Le Pays et la Fraap, qui a déposé lundi un préavis de grève pour le 14 janvier, s’accusent mutuellement du blocage des négociations. Et pourtant, ils sont tous deux d’accord sur une revalorisation mais les chiffres divisent encore… Ce vendredi matin, les négociations doivent reprendre.
 
Le dialogue a été rompu mercredi soir entre le président du Pays et la Fraap, qui menace de partir en grève. Les parties se sont exprimées par médias interposés.
 
“J’avertis d’emblée que si toutefois cette deuxième grève devait se déclencher, cette fois-ci, il n’y aura pas d’étalement. On prélèvera l’intégralité des jours de grève en une seule fois, que cela soit clair”, a prévenu le président du Pays Moetai Brotherson au tout début de la conférence de presse relative au dépôt du préavis de grève de la Fraap. Pour rappel, lors de la précédente grève, le prélèvement sur salaire des jours de grève a été étalé sur dix mois.
 
Le président se dit “surpris” du dépôt de ce préavis car “aucune décision n’a été prise” concernant la revalorisation de la grille indiciaire des catégories D. Une revalorisation qui est à l’origine de ce deuxième préavis de grève puisque la Fraap estime que le président du Pays n’a pas tenu l’engagement qu’il avait pris lors de la signature du dernier protocole d’accord. Moetai Brotherson précise que cette décision devrait être prise le 29 janvier prochain lors du conseil des ministres délocalisé à Nuku Hiva. Il ajoute que “toutes les options, y compris celles de la Fraap”, seront étudiées pour ne pas, selon lui, “confisquer le dialogue social (…). On ne peut pas considérer que l’option de la Fraap (…). Ils (les cadres de la Fraap, NDLR) n’en veulent pas. Ils disent que le 29 à Nuku Hiva, il faudra adopter leur proposition, point barre, rien d’autre. J’appelle ça du chantage et une confiscation du dialogue social.”

“Ne pas raisonner par rapport à leur pito”

La masse salariale du Pays est de plus de 35 milliards de francs et devrait passer “la barre des 36 milliards de francs”, affirme le chef de l’administration avec, entre autres, la revalorisation salariale des infirmiers et des assistants sociaux.
 
Pour lui, plus la masse salariale va augmenter, moins on aura de budget en investissement sauf à augmenter les taxes. “Si on met un milliard de francs de plus chaque année dans la masse salariale de l’administration, c’est un milliard de plus qu’on ne mettra pas dans les écoles, dans des routes, des ponts, dans de l’investissement. Ou alors si on veut maintenir le niveau d’investissement, cela voudra dire concrètement qu’il faudra avoir une fiscalité en conséquence. Donc il faut être conscient de ces enjeux. C’est pour cela qu’à chaque fois qu’on a ces discussions, on appelle nos interlocuteurs à raison garder et à ne pas raisonner par rapport à leur pito mais à raisonner globalement par rapport au contexte général du Pays.”
 
 
Moetai Brotherson rappelle effectivement que lors des précédentes négociations, il avait en effet proposé d’“entamer les discussions sur un début de revalorisation sur le premier échelon des catégories D (…), de démarrer peut-être à 10, peut-être aller jusqu’à 20. Et ce que j’ai bien précisé et qu’ils ne veulent pas entendre, c’est que plus haut on va démarrer cette revalorisation, plus la pente va s’abaisser.”
 
Il rappelle aussi que les cinq points de revalorisation proposés par la ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, au Conseil supérieur de la fonction publique est “ce qui avait déjà été travaillé avant que le conflit avec la Fraap ne démarre”.
 
Le président assure être “d’accord sur le principe d’une revalorisation pondérée avec un effort particulier sur le bas de la pyramide (…)”. En revanche, dit-il, “ce sur quoi je ne suis pas d’accord, c’est une proposition dont on dit qu’elle est à 377 millions de francs alors qu’on s’aperçoit qu’elle est à 524 millions de francs, ça je ne suis pas d’accord ».
 
Moetai Brotherson souligne ensuite que si ces revalorisations passent, elles devront être inscrites au collectif budgétaire. Il rappelle d’ailleurs que lors de l’étude du budget, les élus de Tarahoi demandaient à “faire des économies sur l’administration”.

“On nous a foutu dehors comme des malpropres”

Les négociations entre le président du Pays et la Fraap, mercredi soir, ont été de très courte durée, comparé à mardi soir où les échanges ont duré plus de deux heures. Le secrétaire général délégué de la Fraap Gérard Barff n’en revient toujours pas de la façon dont ils ont été traités par le président du Pays lors de leur dernière rencontre. “On a proposé un protocole d’accord sans signature, c’est un projet à discuter (…). Il nous dit ‘je ne signe pas ça’. Je lui dis ‘non on doit débattre’ et il me dit ‘non je clos le débat’. On a senti quand nous a foutu dehors comme des malpropres. Il s’est levé (…) on aurait pu s’énerver, on était zen, on l’a embrassé et on est sorti. Cela nous a scotché. D’habitude, ce sont souvent les syndicats qui se lèvent et s’en vont (…). Là, il nous a foutus dehors.”
      
Gérard Barff demande au président du Pays et à la ministre de la Fonction publique de respecter la parole qu’ils ont donnée lors des précédentes négociations. “C’est mesquin de changer les cartes et de dire c’est 5 points (…). Et dire qu’on va proposer au conseil des ministres (…) C’est évident que c’est leur projet qui passera (…). Nous demandons que notre projet de 10-20 points passe pour pouvoir après suivre le cursus à l’assemblée”, a encore dénoncé le secrétaire général délégué de la Fraap Gérard Barff. Des faits qui expliquent le dépôt d’un second préavis de grève.
 
Il déplore d’ailleurs le comportement et les propos du président à leur égard : “Ça suffit de nous rabaisser comme ça (…). On ne sait pas écrire, on ne sait pas compter, ça suffit quoi (…). Ce n’est pas digne d’un président.”
 
Le secrétaire général délégué de la Fraap Georges Ateo se dit “attristé de la manière dont ce gouvernement travaille. On négocie, on échange mais il y a autre chose qui sort, on ne sait pass d’où ça vient”. Selon lui, le président “veut nous la faire boucler (…). Je trouve inquiétant (…) comment il essaie de monter les fonctionnaires contre d’autres fonctionnaires, des syndicats contre d’autres syndicats alors que ce n’est pas la réalité”.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Vendredi 10 Janvier 2025 à 05:45 | Lu 975 fois