L'internet illimité, rêve lointain des habitants de Brézenty, dans la Creuse


FLEURAT (Creuse), 9 avr 2012 (AFP) - Des panneaux en bordure de route assurent qu'ici, il y a "la fibre optique", comme si c'était un luxe absolu. Mais pour certains habitants de Fleurat (Creuse), surfer sans limites sur internet semble encore un lointain rêve de citadin, comme pour un tiers des foyers de la France rurale.

Fabrice Carnet, sa femme Christine et leur fils Théodore, 13 ans, se sont installés à Brézenty, lieu-dit dépendant du village de Fleurat, à 18 km de Guéret, "pour retrouver un peu de verdure".

Aujourd'hui, Théodore, "veut partir", se lamente son père. "Il se sent isolé de ses amis, juste à 7 km", dit l'infirmier de 46 ans, en montrant une page blanche sur son ordinateur, incapable d'afficher Google depuis 20 minutes.

La famille Carnet consulte sa messagerie presque comme du temps "du modem qui faisait +tutututututu+", ironise Fabrice. Et hors de question de télécharger documents, images, musique ou films.

Une jeune voisine, Charline Bouchaud, 18 ans, en terminale scientifique, raconte le cauchemar des "jeudis soirs", jour de préparation de son TP. "Pour la moindre recherche, cela me prend des heures", peste-t-elle. Pour sa pré-inscription à l'université, elle a même dû aller chez sa soeur à Limoges.

Et pour cause: à Brézenty, au coeur d'un territoire valonné, profiter des joies d'internet reste le rêve inassouvi d'une dizaine de familles. Sur le papier, les habitants font partie des 98% de Français qui peuvent se connecter grâce aux lignes de France Télécom. Mais, dans les faits, l'ADSL ne marche pas.

Didier Bardet, maire (PS) de Fleurat et conseiller général, explique: le câble entre le répartiteur téléphonique et le village est trop long (7 km) et, au bout de la ligne, le débit ne dépasse pas 2 Mb, comme pour 27% des foyers en milieu rural en France ne pouvant recevoir ou transmettre de la vidéo.

La fibre optique passe pourtant le long de la RN 145, à seulement un kilomètre. Mais raccorder une seule maison du village coûterait 4.000 euros qu'aucun opérateur ne déboursera, faute de retour sur investissement.

Pour la Creuse, la Haute-Vienne et la Corrèze, la région Limousin tente donc de remédier à ces inégalités en subventionnant, à travers le syndicat mixte Dorsal, des solutions comme le "Wimax", qui distribue internet par le biais de 72 pilônes diffusant le signal dans un rayon de 12 à 20 km.

Mais cette technologie a ses limites: une pluie fine ou un arbre trop feuillu en été peuvent bloquer le signal.

A Brézenty, c'est un mont qui gêne. Alors une autre solution a été envisagée avec Dorsal: le satellite. Un récepteur/émetteur a été installé chez les Carnet, mais le débit reste limité et la réception se bloque une fois qu'il a été consommé, parfois pendant deux semaines.

Didier Bardet a donc fini par racheter avec les deniers municipaux, pour 5.000 euros, un vieux pylône TDF qui répartira, d'ici à quelques mois, un signal wifi, bien que "l'on ignore à ce stade les conséquences des ondes sur la santé", dit-il avec franchise, précisant qu'il a pris "une assurance pénale".

"On ne va pas laisser les gens sans rien jusqu'à ce que la fibre optique arrive", tempête-t-il en évoquant l'actuel plan d'aménagement numérique du territoire qui promet la fibre pour 100% des Français en... 2035.

"Si on laisse faire seulement les opérateurs privés, en Limousin, seulement 43% de la population sera couverte, 21% dans la Creuse", déclare le directeur de Dorsal, Yann Pamboutzoglou, expliquant qu'"une fois de plus, les collectivités devront agir pour éviter une fracture numérique".

L'Etat a promis des financements pour les départements à fort taux de ruralité, comme la Creuse (77,8%). Mais, pour câbler tout le monde, le Limousin devrait dépenser 660 millions d'euros, une facture impossible. Le service universel de fibre optique, à l'image du téléphone ou de l'électricité, reste donc pour le moment ici une lointaine utopie.

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Rédigé par Par Michaela CANCELA-KIEFFER le Dimanche 8 Avril 2012 à 23:17 | Lu 490 fois