L'insertion professionnelle des personnes handicapées est toujours largement incomplète


L'APRP, l'unique entreprise adaptée de la Polynésie française a été confrontée au cours du premier semestre 2015 à de grosses difficultés financières qui ont failli la conduire à la fermeture définitive. Elle semble désormais sortie de ce mauvais pas.
PAPEETE, le 26 octobre 2015. L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés a été intégrée au code du travail polynésien en 2007 pour toutes les entreprises de plus de 25 salariés. Pour autant, l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés reste incomplète. Un projet de loi du Pays propose de prolonger le taux provisoire de 2% jusqu'en 2017.

Pas facile de trouver un emploi en Polynésie française depuis huit ans, avec la crise économique on parle davantage de destruction de postes que de créations. Et c'est encore plus vrai pour les personnes handicapées. En 2007, le Pays adopte une loi portant obligation d'emploi des travailleurs handicapés pour les entreprises de plus de 25 salariés, mais dès le départ, alors que le taux visé est de 4%, un taux provisoire de 2% est adopté par un dispositif dérogatoire pour les deux premières années d'application de la loi. Ce taux provisoire est encore en vigueur aujourd'hui après de successives mesures de dérogation. Preuve une fois encore des difficultés de cette intégration des travailleurs handicapés au sein des entreprises polynésiennes, un projet de loi du Pays, présenté la semaine dernière au CESC propose de maintenir ce taux "dérogatoire" jusqu'en 2017… Au mieux, donc, le taux initial obligatoire de 4% de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 25 personnes ne s'appliquera qu'en 2018, 11 ans après l'adoption de la loi.

Pour Henriette Kamia, non voyante et représentante au CESC des associations de personnes handicapées, ces reculs successifs ne sont pas véritablement un échec. Toutefois, il n'est pas question d'accepter que le taux de 2% soit définitif. "On aurait bien aimé bien sûr que cette insertion des travailleurs handicapés se fasse normalement. Mais, sans quota on ne peut pas forcer cette insertion. Il a fallu 30 ans pour obtenir cette loi : le taux fixé initialement était de 4% contre 6% en France ou en Nouvelle-Calédonie. Finalement, un taux provisoire de 2% a été admis, mais c'est bien nous, les associations de personnes handicapées qui demandent qu'en 2018 on passe à 4%. Et si on n'y arrive pas, cela obligera à rediscuter de nouveau en public de l'insertion des personnes handicapées". Surtout ne pas poser le dossier sur une voie de garage mais le placer en pleine lumière régulièrement. "Finalement, c'est stratégique et je reste positive pour la réussite de cette insertion professionnelle des handicapés. On y croit encore" lance avec malice Henriette Kamia.

LE PUBLIC NE MONTRE PAS L'EXEMPLE

Les discussions au sein du CESC ont en revanche mis en évidence des zones d'ombre notoires. Ainsi, la jurisprudence du tribunal administratif de Papeete et du Conseil d'Etat exclut tous les agents communaux, les fonctionnaires territoriaux et les agents titulaires de la fonction publique d'Etat du champ d'application du code du travail polynésien. En clair, pour l'instant, l'obligation d'intégrer des travailleurs handicapés dans les effectifs de ces administrations publiques ne s'applique pas. "Dès l'origine, le secteur public s'était émancipé de l'application de ce texte" indique Christophe Plée, représentant de la CG PME. Pourtant, il y a deux semaines à peine, l'administration pénitentiaire d'Etat a lancé un recrutement pour l'embauche de dix surveillants handicapés pour le centre de détention de Nuutania.

Enfin, le patron des petits patrons polynésiens regrette que la loi ne s'applique aussi qu'aux entreprises de plus de 25 salariés alors que "93% des entreprises polynésiennes compte moins de 20 salariés". Comme si tout avait été fait pour, dans cette loi, éviter de regarder la vérité en face et minimiser l'employabilité de ces travailleurs handicapés. En effet, comment véritablement parler d'intégration de travailleurs handicapés quand on écarte du champ d'application de la loi les 9/10e des entreprises qui font le tissu économique du Pays ? Le CESC regrette enfin que l'exposé des motifs du projet de loi du Pays rédigé par le gouvernement, ne propose aucun bilan chiffré de l'intégration des travailleurs handicapés en Polynésie depuis la mise en application de la loi de 2007. Au final, l'avis rendu par le CESC sur le projet de loi du Pays est favorable mais avec de multiples recommandations dans l'espoir notamment que l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés du Pays soit plus incitative et moins coercitive.

Pour lire l'avis complet rendu par le CESC sur ce projet de loi du Pays, CLIQUER ICI

EN CHIFFRES

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Entreprises (en 2014) étaient concernées en Polynésie française par cette obligation de compter au sein de leur effectif salarié au moins 2% de travailleurs handicapés.
129 étaient en conformité avec la loi, 85 étaient en infraction.

Quelles obligations ?

Toutes les entreprises de 25 salariés et plus doivent avoir 2% au moins de travailleurs handicapés au sein de leur effectif total. Cette obligation s'applique à Tahiti, Moorea, Bora Bora et à Raiatea depuis 2012 seulement. Tous les ans, une déclaration d'emploi de ces travailleurs handicapés doit être fournie à la direction du travail. L'obligation d'emploi peut être remplie de différentes manières:

- par l'embauche classique de travailleurs handicapés
- par le recours aux dispositifs de stages d'insertion de travailleur handicapé (SITH) d'une durée de six mois renouvelable pour lesquels les employeurs bénéficient du remboursement partiel par le Pays des salaires versés (Convention travailleur handicapé ou CTH)
- ou par la sous-traitance de prestations par l'unique entreprise adaptée de la Polynésie française (l'APRP)

Ainsi, une entreprise dont l'effectif est de 25 à 49 salariés doit employer un travailleur handicapé à mi temps; une entreprise de 50 à 99 salariés doit avoir un travailleur handicapé et une entreprise de 100 à 149 salariés doit employer au moins deux travailleurs handicapés.

Lorsque l'entreprise ne remplit pas son obligation d'emploi, elle est assujettie au règlement d'une participation financière (au fonds pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés) égale à 1000 fois le Smig horaire par travailleur handicapé non employé.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 26 Octobre 2015 à 00:40 | Lu 1721 fois